Il est peu de dire que la Cité administrative est le cœur du pouvoir politique au Mali. En ces périodes de crise où le pays n’est jamais à l’abri d’attentats contre les symboles de l’État, la Cité administrative, siège du Gouvernement, doit faire l’objet d’une sécurité maximale. Si des mesures récentes ont renforcé le dispositif sécuritaire en place dans la Cité, les réticences de certains cadres à se plier aux exigences d’un contrôle strict des forces de l’ordre met en danger tout le dispositif mis en place pour préserver les personnes et les biens. Il y a quelques mois, il n’était pas difficile de pénétrer au cœur du Gouvernement, donc de l’État malien, qu’est la cité administrative.
La simple présentation d’un badge pour les fonctionnaires y travaillant ou d’une pièce d’identité pour les personnes étrangères, était largement suffisante. Après quoi, un boulevard s’ouvrait à l’automobiliste qui pouvait aller où il voulait sans aucune autre forme de contrôle. On imagine les dégâts qu’auraient pu causer des gens malveillants si l’idée leur venait d’attenter au Gouvernement. Il y a un peu plus d’un mois environ, de nouvelles mesures plus rigoureuses sont venues renforcer la sécurité des lieux. La voie qui s’ouvrait royalement aux automobilistes a été interdite à la circulation et tous les véhicules et engins à deux roues sont désormais contraints d’emprunter une voie sinueuse bordée de blocs de béton de sécurité. Au bout, se trouvent une demi-douzaine de gendarmes qui fouillent la voiture tandis que deux d’entre eux passent des « baladeuses » ou « miroir de détection » que sont les détecteurs de métaux et d’engins explosifs sous les véhicules. Tous ceux qui avaient le souci d’une sécurité stricte étaient comblés. Or cela ne plaisait pas à certaines personnes, plus particulièrement des hauts cadres, qui rechignaient à couper le moteur, descendre et ouvrir, eux-mêmes, le coffre de leur véhicule pour l’inspection. Les jeunes gendarmes, sans doute intimidés, se relâchaient et laissaient passer des véhicules si les conducteurs se faisaient plus menaçants. On a vu certains conducteurs s’asseoir au volant et demander (ordonner ?) aux agents de sécurité de fouiller eux-mêmes le coffre. Bref la rigueur dans le contrôle a baissé de plusieurs crans et cela se sentait dans l’allure des jeunes gendarmes chargés de veiller à la sécurité des lieux et qui ont sans doute appris à l’école de formation ce qui peut constituer une faille dans la sécurité. Et depuis la semaine dernière, on est revenu à la présentation du badge pour ceux qui travaillent dans les ministères. Un jeune gendarme questionné par nos soins sur ce relâchement dans le contrôle déclare, gêné, que « ce sont des consignes». Ainsi, des dizaines de véhicules sont introduits chaque jour au cœur du pouvoir, dans la Cité administrative, sur présentation d’un simple badge. Si l’on sait qu’au Mali aujourd’hui, particulièrement à Bamako, tous les documents et toutes les pièces officielles peuvent très facilement être reproduits, cette nouvelle consigne est une entorse grave aux règles élémentaires de la sécurité. Le plus inquiétant est que ce sont de hauts cadres de la République, ceux qui auraient dû être les premiers à exiger que leur sécurité soit garantie, qui refusent de se plier aux fouilles des véhicules, élément capital dans la recherche et la détection d’engins explosifs ou d’armes. Au moment où des blocs de béton ont été placés le long de la grille de clôture du côté de la Primature, où certains passages à l’intérieur ont été interdits au stationnement, la baisse dans le niveau de surveillance est une faille inacceptable. Les jeunes gendarmes que certains obligent à ouvrir les coffres arrière des véhicules sont directement exposés en cas d’explosion d’éventuelles bombes placés dans ceux dont les conducteurs auront présenté un badge dont on ne vérifie même pas l’authenticité. Il suffit, assis dans son véhicule, de montrer, à travers le pare-brise ce qui ressemble, de loin, à un badge de service. Bamako, quoique épargnée depuis l’attentat qui a frappé le Radisson Blue Hôtel, le 20 novembre 2015, n’est cependant pas à l’abri d’une nouvelle attaque terroriste. L’attentat terroriste perpétré contre l’état-major des forces armées burkinabé et l’Ambassade de France dans le même pays, le vendredi, 2 mars 2018, a montré l’audace et surtout l’expertise que les ennemis de la vie ont acquise et qui montrent qu’ils sont capables de frapper partout avec la complicité des traitres à la nation. C’est pourquoi la Cité administrative ne doit plus être une passoire où des terroristes pourraient très facilement s’introduire avec des badges que n’importe quel démarcheur des imprimeurs peut très facilement confectionner. Il a été dit et écrit que certaines attaques de postes de sécurité maliens ont pu être perpétrées parce que des agents de service joueraient aux cartes ou prendraient du thé au moment où les terroristes sont entrés en action. L’attaque du MOC à Gao le 18 janvier 2017 et sa boucherie qui aurait fait 77 morts au moins, l’attaque de la base militaire de Nampala et ses 17 pertes en vie seraient également liées à la faiblesse du niveau de sécurité. Tous ces exemples et bien d’autres devraient pousser à plus de vigilance. Les jeunes gendarmes qui sont chargés d’assurer la sécurité dans la Cité administrative de Bamako sont volontaires et très exigeants quoique courtois. Cependant des « consignes » anti-sécurité pour le confort de certains cadres qui se mettent au-dessus de la loi sont en train de les pousser au découragement. On les voit maintenant paresser à l’ombre des manguiers la garde visiblement baissée. La Cité administrative est le haut lieu du pouvoir. C’est ici que le sérieux de l’État doit se manifester le plus. Les consignes de sécurité doivent y être les plus contraignantes possibles pour dissuader les éventuels terroristes qui voudraient y pénétrer. Or ce n’est pas le cas actuellement. Une fois à l’intérieur de la Cité administrative, le visiteur peut facilement accéder aux bureaux de tous les Secrétaires généraux, Chefs de Cabinet et autres Conseillers techniques et Chargés de mission sans encombre. Des vendeurs de toutes sortes se baladent entre les bureaux. Même les bureaux des ministres ne sont pas inaccessibles. Il est essentiel que les fouilles systématiques reprennent pour tous les véhicules sans aucune distinction. Aucun cadre ne peut être au-dessus des consignes de sécurité. Le civisme impose que chacun de nous, à tous les niveaux, se soumette à la sécurité. C’est une question de vie ou de mort. C’est en cela aussi qu’on peut triompher du terrorisme.
La Rédaction