Elu pour trouver au plus tôt des solutions aux problèmes des Maliens, Ladji Bourama ne cesse de créer des problèmes à tour de bras. Etrange…
Ladji Bourama détient, on le sait, de très bons diplômes dans les langues mortes : le latin de foire et le grec d’église. Il a tant de culture qu’il parle comme un livre et que, pour mériter son respect, il faut s’exprimer au subjonctif. Mais le véritable métier de notre grand chef, c’est de fabriquer des problèmes.
Ainsi, à son élection, en 2013, Ladji a trouvé sur place un accord passé avec les groupes armés: celui de Ouagadougou.
Oubliant que ce parchemin a permis, en partie, sa propre élection, il s’empresse d’en bloquer l’application en refusant d’engager les négociations dans les deux mois prévus. Son argumentaire ? « Je suis trop haut placé pour discuter avec des bandits ; il faut, au préalable, les désarmer et les cantonner pour que je leur parle. ». Fort bien. Seulement, Ladji Bourama oublie que l’Etat est une continuité et que l’accord de Ouagadougou le lie; il oublie aussi qu’il est beaucoup plus facile de cantonner l’armée malienne que les groupes armés, infiniment plus puissants; il oublie enfin que les soldats onusiens ne sont pas bâtis en fer et qu’ils ont envie, non pas de crever dans une guerre, mais de gagner des primes en prenant du thé azawadien. Résultat des courses : des tergiversations gouvernementales incessantes et, à la fin, un processus de négociations à l’agonie.
Si les choses s’en étaient arrêtées là, on aurait encore gardé le sourire. Mais voilà: Ladji Bourama, sans doute inspiré par son joli chapelet acheté au Qatar, trouve le moyen d’envoyer son Premier Ministre en visite touristique à Kidal, oubliant que Moussa Mara s’y connaît davantage en papiers d’avion qu’en bataille rangée. Bilan de la visite: des centaines de morts, nos militaires chassés de la ville, la région de Kidal perdue par le Mali et notre pays contraint d’aller mendier un cessez-le-feu à travers un médiateur dont nous avions, sous la Transition, rejeté le déploiement des troupes sur notre sol: le Mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz.
Comme si toute cette galère ne lui suffisait pas, Ladji Bourama se brouille avec le FMI. L’institution de Bretton Woods qui, moyennant la promesse d’une bonne gouvernance, prête au Mali les fonds des contribuables étrangers, ne comprend pas que notre cher président, au lieu d’acheter du du fromage pour le bon peuple, investisse dans des avions, des hélicoptères, des Rolls Royce et des palais des Mille et Une Nuits. Le comble, c’est que pour conduire son nouveau Boeing 737, Ladji Bourama est obligé de louer à prix d’or les services de pilotes français! Pis, quand un officiel soutient que le fameux coucou volant a coûté 18 milliards de FCFA, un autre parle, la main sur le coeur, de 20 milliards. Ce qui intrigue le plus le FMI, c’est que les 18 milliards investis dans l’avion ressemblent comme deux gouttes d’eau aux 18 milliards récemment remis par l’institution au Mali. Envoyé en catastrophe à Washington pour arrondir les angles, Madame Bouré Fly Sissoko, notre brillante argentière, a cru bon de souligner aux experts du FMI que l’avion acheté par le Mali est une « dépense de souveraineté ».
Les experts ont failli lui rire au nez : ils savent, eux, qu’un pays souverain ne se fait pas chasser d’une de ses régions par deux tondus et trois pelés; ne laisse pas des soldats français et onusiens occuper son territoire et ne vit pas, depuis 40 ans, du charitable biberon des bailleurs de fonds ! Soit dit en passant, le FMI a vécu assez longtemps pour ne pas avaler des salades du genre « avion sans- papiers » ou « dépenses de souveraineté ». Si, par malheur, l’institution coupe durablement ses financements, elle sera vite suivie des autres bailleurs de fonds; nous devrons alors payer nos fonctionnaires en nature : avec des patates de Sikasso, du mil rouge légué par Modibo Kéita ou du « takoula » de Ségou, par exemple.A moins que nous ne battions une nouvelle monnaie nationale à base de cauris blanches..
Pendant ce temps, Ladji Bourama s’est arrangé pour se mettre à dos ses plus chauds partisans: les marchands « bana bana ». Alors qu’aucune urgence ne l’imposait, ils ont été chassés à coups de gaz lacrymogène des trottoirs qu’ils occupaient depuis l’époque du Déluge. Têtus comme des mules de Markala, nos braves « bana bana » sont d’ailleurs revenus sur les trottoirs. Ils ont des raisons d’agir ainsi: Moussa Mara et son ministre de la Sécurité, le vieux général Samaké, n’ont pas fini de digérer les fatigues de leur voyage kidalois. D’ailleurs, il n’est plus très sûr que l’on puisse rassembler assez de policiers pour chasser à nouveau les marchands: une petite foule de policiers se trouve, à ce jour, entre les mains du MNLA à Kidal.
Bien entendu, dans ce contexte de surabondance problématique, Ladji Bourama aurait pu faire l’économie de beaucoup d’autres problèmes fabriqués sans nécessité.
Par exemple, cette riante procédure de haute trahison lancée contre le « Vieux Commando ». Procédure qui, aujourd’hui, semble renvoyée aux calendes grecques à l’instar de la procédure de diffamation annoncée à grand bruit contre le journal « Le Monde ».
Voyez-vous, Ladji Bourama est un éminent fabricant de problèmes.
Dans tout autre pays que le nôtre, il aurait déjà obtenu un brevet de l’Académie des Hautes Inventions. Pour tenter de trouver des solutions aux problèmes créés de toutes pièces par lui, il ne lui reste plus qu’à croiser les doigts et à prier. Comme, hélas !, les prières au subjonctif n’ont aucune chance d’atteindre le ciel, Ladji Bourama va devoir user de l’arabe et, à cette fin, demander l’aide de son vieil ami, le Chérif anti-CEDEAO de Nioro. Problème: le Chérif nourrit, lui aussi, contre Ladji Bourama une dent forte comme une défense d’éléphant. Son fils a été récemment bastonné par des gendarmes et ses députés élus ont été recalés par la Cour Constitutionnelle.Il n’est donc pas sûr que quand on lui demandera des prières, il ne formule pas plutôt de franches malédictions !
Heureusement pour Ladji Bourama, il n’a jamais promis quelque chose sans ajouter « Inch Allah » (si Dieu le veut). Du coup, s’il échoue dans une affaire, c’est qu’Allah soubahana wa tallah ne l’a pas voulu. Tout le problème qu’il y a là, c’est qu’on se demande si toute la campagne présidentielle de Ladji n’a pas simplement consisté à tendre aux électeurs un attrape-nigauds : je ferai ce que je dis si Dieu le veut signifie, en effet, que je ferai ce que je voudrai, le reste étant renvoyé au ciel. Belle invention politique, non?
Tiékorobani
SOURCE: Procès Verbal