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La CEDEAO, l’ombre de son échec

Ni les sanctions ni le projet de création d’une force anti putsch ne dissuade les coups d’État au sein de la CEDEAO. Le renversement du président nigérien Mohamed Bazoum par des militaires, le mercredi dernier, relève la nécessité pour l’organisation sous régionale de faire sa mue tout en actualisant ses recettes en vue de donner un nouvel souffle à son influence en perte de vitesse à cause de son inaction face à la dérive gestion des dirigeants, notamment.

Considérée comme l’une des organisations les mieux structurées en Afrique, la CEDEAO depuis quelques années traverse un moment de doute dont les valeurs et principes sont menacés par les récurrents coups d’État. De 2020 à nos jours, l’espace a enregistré au moins 5 coups d’État, malgré les sanctions prises et le projet de création d’une force anti putsch dans la communauté.
Si pendant des années, la CEDEAO a fait preuve d’engagement en faveur du respect de ses principes, l’organisation pour aller plus loin a montré sa détermination à encadrer davantage ses États membres par de nouvelles normes politiques et institutionnelles visant à promouvoir la paix, la sécurité et la stabilité dans la région en élaborant le « Protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance additionnel au Protocole relatif au Mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité ».
Adopté par les chefs d’État et de gouvernement le 21 décembre 2001, le Protocole additionnel entend compléter celui du 10 décembre 1999 dans le domaine de « la prévention des crises intérieures, de la démocratie, de la bonne gouvernance, de l’État de droit, des droits de la Personne », et apporter les améliorations nécessaires au Mécanisme.
Ces textes devraient constituer le jalon de véritables réformes et de moyens de prévention des conflits, mais aussi de sentinelle contre les initiatives antidémocratiques en l’occurrence les coups d’État très sollicités par le peuple ouest-africain avec l’appui de l’armée pour destituer un président démocratiquement élu.
Cependant, la perte en vitesse de l’influence de la CEDEAO de par son inaction face au recul démocratique dans plusieurs de ses pays membres a contribué à créer la défiance des peuples vis-à-vis des mesures de l’organisation sous régionale.
Cette perte de crédibilité de l’organisation régionale réside essentiellement dans le fait que de nombreux dirigeants, ayant fait dévier leur pays de la voie démocratique, continuaient à siéger dans les instances de la CEDEAO. De la même façon, la CEDEAO ne peut gagner le respect des populations et s’ériger en tant que structure démocratique et pourvoyeuse de progrès social sans être représentée par des dirigeants prônant les idées démocratiques et la liberté. Si l’organisation régionale affirme avoir opéré une transition vers une CEDEAO des peuples au cours des dernières années, le sentiment général au sein des populations ouest-africaines demeure en décalage face à cette perception. Pour plusieurs citoyens d’Afrique de l’Ouest, la CEDEAO est plus une organisation de chefs d’État qu’une représentation des peuples. D’où l’expression, le syndicat des Chefs d’État prompt à agir quand la fonction de l’un d’eux est menacée. La situation au Niger en est l’illustration. Depuis le coup de force contre Mohamed Bazoum, le syndicat des chefs d’État de la CEDEAO est mobilisé pour la libération et la restauration de l’ordre constitutionnel dans un délai d’une semaine décidé lors du sommet extraordinaire de ce dimanche pour sauver la peau du président nigérien. Face à la crise alimentaire, sécuritaire, les peuples de la CEDEAO attendent les mêmes engagements et déterminations qui n’arrivent jamais.
Et conformément à son protocole additionnel, plusieurs dirigeants se sont empressés, à la fin de leurs mandats, de prendre des mesures les maintenant au pouvoir au-delà des délais fixés par les constitutions de leurs pays. Les présidents Alassane Dramane Ouattara et Alpha Condé ont tous profité de cette démarche farfelue pour se maintenir au pouvoir à l’issue des élections supervisées par la CEDEAO. Les dirigeants de la CEDEAO ont assisté passivement à ces dérives démocratiques. Quelle ignominie ? Ces situations ont contribué au recul d’influence de la CEDEAO auprès des peuples ouest-africains.
Dans ce contexte de turbulence, la CEDEAO doit impérativement faire sa mue en tenant compte que ses sanctions ont montré leur limite de prévenir les coups d’État, il est maintenant important pour l’organisation sous régionale d’insister sur le respect de ses valeurs et principes qui tardent à être épousés par des dirigeants.
Le plus aberrant est qu’au moment où l’organisation doit se remettre en cause, elle commet un crime de lèse-majesté en désignant le président de la transition en tchadien dans la crise politique du Niger. La CEDEAO qui sanctionne des Etats membres pour avoir pris le pouvoir en violation des règles démocratiques, en même temps il met selle un dirigeant autoproclamé par la bénédiction de la France à la suite du décès du président Idriss Déby.

PAR SIKOU BAH

Info Matin

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