Il est le seul Malien à l’honneur dans l’exposition In de la Biennale africaine de la photographie qui se tient actuellement à Bamako. Très éclectique, et après des succès dans le monde de la musique et de la comédie, King Fototala Massassy s’attaque à un nouveau défi. Entretien avec un artiste qui ne se fixe aucune limite.
Journal du Mali : Vous êtes très connu dans le monde du Hip-Hop et aujourd’hui on vous découvre photographe. Comment cela s’est-il fait ?
King Fototala Massassy : Je fais des photos depuis longtemps. Après mes tournées en Europe, j’achetais une voiture, je la conduisais jusqu’à Bamako et je prenais des photos que postais sur Internet. Un jour j’ai été contacté par Igo Diarra, de la galerie Médina, qui m’a dit qu’elles étaient belles. Il m’a ensuite envoyé vers une personne très expérimentée en la matière, Amadou Chab Touré. En 2015, j’ai été sélectionné pour l’expo « Focus on Mali », qui mettait en avant de jeunes photographes maliens. C’est comme ça que je me suis retrouvé dans la photo, et j’y ai pris plaisir. Un des premiers appareils photo que j’ai acheté était un jetable, c’était à Montgomery, aux États-Unis. Je venais de discuter avec Rosa Parks et j’ai eu envie d’immortaliser ce que je vivais. Mais je ne me considère comme un véritable photographe que depuis huit mois.
Artiste, auteur, comédien, photographe : comment arrivez-vous à concilier tout cela ?
Pour moi, lorsque l’on sait lire et écrire, nous devons nous donner des possibilités, parce que nul autre ne nous les donnera. Un de mes oncles me disait « Lassine, tu n’es pas talentueux. Tu as 2% de talents, tu dois passer tout le reste du pourcentage à ne pas te reposer sur tes lauriers. Il faut travailler, avoir envie. L’animateur de l’émission G21, Amadou Diop, me disait que l’on naît tous artistes, mais que chacun choisit sa voie. J’aime bien cela. La meilleure manière pour moi de concilier tout cela, c’est de travailler. J’ai plaisir à travailler. Après, selon moi, on arrive à se développer comme on le peut. Je crois que si j’ai une longue vie, d’autres choses viendront.
Quelles sont les particularités de vos œuvres ?
Je prends souvent les gens sur le vif, dans la rue. Je fais beaucoup de contre-plongée, car cela veut dire pour moi, agrandir le sujet. Les personnes que je prends en photo sont pour la plupart des marchands ambulants, ceux qui ne demandent et n’attendent rien de l’État, qui n’ont pas fait 20 ans d’études pour un jour se poser et se présenter comme jeune diplômé sans emploi. Ma façon de photographier ces travailleurs, c’est comme si je me prosternais face à certaines personnes qui se lèvent sans rien demander, qui se battent, qui ne sont pas là à attendre que cela tombe du Ciel. Je fais aussi de la mise en scène, pour montrer l’Afrique qui est là, qui est grande et qui n’est pas dans les médias. Je définis mon travail comme l’Afrique de tous les jours en studio.
Que représente cette Biennale pour vous ?
Une porte, une chance, je dirai même un don. Je ne m’attendais pas à être choisi parmi les photographes maliens, parce que je suis encore un nouveau photographe. Cette Biennale, c’est la boite de Pandore. Soit tu travailles et tu avances, soit tu as eu ta chance et tu te reposes sur le fait d’avoir tout juste été sélectionné et que le reste viendra du Ciel. Non, il ne faut rien attendre, il faut aller le chercher.
Le Mali a eu d’éminents photographes, leur travail vous inspire-il ?
Complètement. On parle de Malick Sidibé, de Seydou Kéita, mais aussi d’Akin Bode Akinbiyi du Nigeria. On ne part jamais de zéro, on s’inspire tout temps de quelque chose et ces personnes-là m’inspirent. Je résume un peu ma vision de la photo au fait que je prends dans le passé pour travailler le présent, dans lequel je suis, puis pour entrebâiller une porte vers un futur proche ou lointain. La photo est un art incroyable et l’un de mes plaisirs est de m’inspirer de tout le monde et de m’incruster au milieu de la porte laissée ouverte.
Journal du mali