Ce groupe de solidarité est devenu la principale occupation des femmes. La fortune qu’elles ramassent lors du partage du gain, couvre les besoins essentiels des familles
Tékéréni, une nouvelle forme de tontine de femmes est actuellement en vogue dans la Cité des rails. Ce groupe de solidarité féminine impacte positivement les conditions de vie des bénéficiaires. Cette association est gérée par un noyau constitué d’une présidente, d’une trésorière, d’une gardienne de la clé de la caisse. La pratique de ce genre de tontine date de longtemps.
Selon les informations que nous avons recueillies dans la ville, cette association regroupe chaque semaine ses adhérentes. Le jour de la réunion est fixé en fonction de l’emploi du temps des membres. Mme Fanta Keïta, présidente des femmes de Siguida Yiriwa Ton de Lafiabougou, explique que Tékéréni ou Piéni était pratiqué depuis longtemps parles villageoises. Cette forme de divertissement après les récoltes est une forme d’entraide dans les activités commerciales. C’est une opportunité pour mieux gérer les revenus issus de ce commerce. Comme son nom l’indique, les femmes très imaginatives se servaient uniquement de leurs mains. Elles applaudissaient et chantaient en tapant les mains.C’était une réjouissance populaire. «Ton ! Nidiara nié, nidiara nié ! Obéna ! Wawawaw… (traduction en bamanankan : “Association ! Cela m’a plu, cela me convient)» scandent les participantes, en chœur. Elles chantaient avant et après la réunion.
De nos jours, cette tontine, très répandue, est devenue la principale occupation des femmes dans les villages. Surtout qu’elle leur rapporte une fortune au bout d’une année de cotisations. De ce fait, cette activité a un impact positif sur la vie des femmes : allègement des dépenses familiales, autonomisation de la femme et de la fille, lutte contre la pauvreté ou la misère, amélioration des conditions de vie des familles et du statut social de la femme, apaisement du climat social dans le foyer, renforcement des relations ou opportunités d’affaires. Les hommes politiques voient d’un bon oeil ces associations. Le leadership politique renforce la capacité de mobilisation des Tékéréni. La vie associative devient incontournable comme canal d’information.
Chaque samedi après-midi, plus de 75 femmes du quartier Plateau se réunissent dans le cadre de cette tontine. Mme Samaké Assétou Cissoko est présidente d’une « Tékéréni » de Kayes-Plateau. Cette dame définit Tékéréni comme une sorte de tontine qui aide ses membres à entretenir leurs familles financièrement et moralement. Les bénéficiaires achètent des habits et des fournitures scolaires pour leurs enfants. Mme Samaké Assétou Cissoko se confie : «Avant, nous n’avions rien à faire. Les partenaires venaient, et repartaient, sans nous apporter une assistance financière ou matérielle. À l’époque, nous n’étions pas regroupées en association. J’ai réfléchi : si les femmes des autres quartiers se regroupaient pourquoi pas nous ? De ce fait, j’ai réuni les femmes. Et notre communauté a créé Tékéréni.»
Dans le quartier de Lafiabougou-Nord, certaines femmes donnent une autre définition de la tontine. Selon la présidente de Siguida Yiriwa Ton, Mme Fanta Keïta, Tékéréni est un genre de tontine uniquement réservé aux commerçantes pour faciliter la gestion de leurs affaires. Les femmes et les hommes de « Siguida Yiriwa Ton » du marché de Lafiabougou se réunissent chaque mercredi au marché dans le cadre de cette tontine.
La présidente d’un groupement de femmes de Kayes-Lafiabougou-Nord est satisfaite : Tékéréni permet d’être indépendante, de faire face à nos besoins personnels et ceux de nos enfants. Il nous concède des prêts à l’occasion des fêtes (Ramadan et Tabaski) etla rentrée scolaire ». De son côté, Mme Fanta Kéïta estime que cet argent doit être utilisé uniquement pour le commerce, afin d’éviter des problèmes de paiement. Celui qui ne travaille pas, ne pourra pas payer sa dette, c’est-à-dire la cotisation, sans l’aide d’une autre personne.
Mais réunir les femmes n’est pas facile. Grâce à sa détermination, Mme Fanta Kéïta parvient à rassembler 29 membres. Les femmes, tout comme les hommes, commencent à se rendre compte de l’importance de ce regroupement. Il commence à attirer même les hommes. Parmi ceux-ci, figurent les sieurs Boura Diallo et Madi. Pour montrer sa bonne volonté, Boura Diallo a proposé et obtenu l’aval des membres de la tontine pour la tenue des réunions chez lui, précisément devant sa boutique.
L’adhésion à Tékéréni varie d’un groupe à un autre. Selon la présidente de Siguida Yiriwa Ton, la cotisation est fixée en fonction des possibilités financières de chaque membre. Comme tout le monde n’a pas les mêmes moyens, on accepte que certains membres payent 500 Fcfa, d’autres 1.000 ou 1.500 Fcfa pour le Piéni (ou blancoro). Chaque mois, les membres de la tontine payent 250 Fcfa. «Nous avons tous un carnet qui est présenté à l’agent Fousseyni. Ce dernier a le droit de remplir les carnets de tous les adhérents, en y mentionnant les montants payés. Après le compte fait par une autre personne, l’argent sera partagé entre deux ou trois personnes qui ont exprimé un besoin. Le groupe est tenu de faire le partage lors de chaque rencontre. Il faut obligatoirement satisfaire deux ou trois bénéficiaires.
Mme Samaké annonce que ce prêt n’est pas une obligation dans son groupement. Chaque membre de la tontine paye 1.000 Fcfa. Cette cotisation est le«blancoro » quelque chose que l’on garde près de soi. D’après Mme Cissoko, ces fonds reviennent aux femmes sous forme de crédits alloués aux participantes sur demande. Ces montants sont remboursables en une ou trois mensualités. Les demandeurs payent des intérêts sur ces crédits. Le ou la bénéficiaire rembourse le prêt de 5.000 Fcfa à hauteur de 5500 Fcfa, celui de 50.000 à 55.000 Fcfa.
Que faire si un membre de la tontine n’arrive pas à respecter le délai de paiement des cotisations ? Mme Fanta Kéïta répond que des sanctions sont prises à l’encontre des membres qui ne respectent pas le règlement intérieur, notamment le délai pour le paiement des cotisations et le remboursement des dettes. Une sanction est infligée à ceux qui viennent en retard aux réunions. Les personnes coupables de bavardage pendant les réunions sont blâmées.
La personne qui viole le règlement, c’est-à-dire qui n’est pas à jour de ses cotisations, payera 500 Fcfa et les arriérés de cotisation. Par exemple celle qui paye 500 Fcfa chaque mercredi doit, à la prochaine séance payer 1.500 Fcfa, sans tenir compte de la pénalité pour les autres violations du règlement: retard, bavardage, qui est fixée à 100 Fcfa.
Bintou KOITA
Amap-Kayes
Source : L’ESSOR