Le Mali, à l’instar des autres pays du monde célèbre le 3 juillet, la journée mondiale de lutte contre l’utilisation des sacs plastiques non biodégradables. Pour lutter contre le fléau, notre pays a adopté la loi n° 2014-024 du 03 juillet 2014 portant interdiction de la production, de l’importation et de la commercialisation des sachets plastiques non biodégradables en République du Mali. Mais la réglementation peine à s’appliquer.
Pour en savoir davantage sur la problématique, nous avons interviewé le directeur national de l’Assainissement du contrôle des pollutions et nuisances(DNACPN).
Dans l’entretien qu’il nous accordé, l’inspecteur général des Eaux et forêts, Ousmane Sidibé parle des actions menées par son service dans la lutte contre le phénomène. Il évoque impact des sachets plastiques sur le cadre de vie des populations et propose des alternatives.
L’Essor : Depuis 2014 une loi interdit l’utilisation des sacs plastiques non biodégradables dans notre pays. Cinq ans après, que peut on retenir comme actions concrètes menées par vos services pour son application effective ?
Pour appliquer une loi, il faut d’abord la diffuser au mieux pour que gens puissent adhérer à son esprit, avant de procéder à la répression.
C’est pourquoi nous insistons sur l’information pour que gens prennent conscience du danger lié à l’utilisation de ces plastiques. Une fois que les populations adhèrent à une loi, le reste devient facile. Il faut que les gens prennent conscience sinon pour appliquer une loi il faut avoir les moyens. Parmi les contraintes, il y a le manque de kits pour identifier ce qui est biodégradable et ce qui ne l’est pas. Aujourd’hui, si l’Etat arrive à mettre ces instruments à la disposition de la DNACPN pour les contrôles à l’intérieur de la ville et au niveau des postes d’entrée pour les douaniers, nous aurons été plus efficace.
Mais jusqu’à présent nous ne disposons pas de ce matériel qui coûte environ 20 millions de Fcfa l’unité. Malgré tout, la douane fait des efforts au niveau des contrôles à l’importation. Cela évite déjà l’entrée de certaines matières plastiques non biodégradables.
Les commerçants ont d’ailleurs compris que lorsque l’importation de ces produits prohibés peut entraîner des conséquences dans la conduite de ses affaires. Par la sensibilisation, nous avons démontré partout que les sachets plastiques sont dangereux pour la nature, pour l’homme ainsi que les animaux domestiques.
Ousmane Sidibé : Selon une étude réalisée en 2009, le plastique constituait 5% de la quantité totale des déchets produits à Bamako. Plus récemment, en 2016, une autre statistique indique que la ville de Bamako produit environ 3390 tonnes de déchets par jour. Si l’on prend les 5% de ce chiffre, cela nous donne à peu près 169,5 tonnes de matières plastiques produites rien qu’à Bamako par jour. Ces statistiques doivent être actualisées aujourd’hui.
L’Essor : Quel est l’impact de ces sachets plastiques sur le cadre de vie des populations ?
Ousmane Sidibé : Les sachets plastiques constituent un véritable danger. D’abord, sur le plan environnemental, les sachets jetés dans la nature se retrouvent dans les caniveaux et les collecteurs, obstruant le passage de l’eau. Et, quand l’eau stagne, cela favorise la multiplication des moustiques qui sont des vecteurs de transmission du paludisme et bien d’autres maladies virales.
Une fois les collecteurs bouchés par les sachets plastiques, les inondations deviennent inévitables. Par ailleurs, les sachets sont aussi dangereux pour le cheptel. Un animal peut trouver la mort en consommant des sachets plastiques. Lorsqu’un producteur agricole tombe sur un chant rempli de sachets plastiques en surface comme en profondeur du sol, cela joue sur la productivité de son champ. Donc pour un pays qui a vocation agro-cilvo-pastoral comme le Mali, ces sacs plastiques constituent un véritable danger pour l’économie nationale.
Souvent les sachets se retrouvent sur les tas d’ordures. Lorsque ces déchets prennent feu, la fumée qui se dégage produit des polluants chimiques très persistant et dangereux pour l’organisme humain, ce qui constitue un problème de santé publique.
L’Essor : Quelle alternative proposez-vous à l’utilisation de sacs plastiques ?
Ousmane Sidibé : Nous pouvons faire recours aux sacs fabriqués avec les fibres de « Dâh » communément appelés «TiakouBowrè». Aussi à beaucoup d’autres produits forestiers transformables en emballages. Avant même ces sachets qu’ils soient biodégradables ou non, on utilisait nos paniers à base de produits venant du Rônier et du Bambou, etc. Donc nous pouvons vivre sans ces sachets car notre vie n’en est pas forcement liée.
La sensibilisation a créé de l’engouement chez les artisans maliens, qui sont déjà dans la dynamique de faire en sorte que l’on utilise plus les sacs fabriqués à base de nos produits locaux au profit des sachets plastiques.
Il va falloir organiser nos artisans, les former et les accompagner. Il est également important de développer la culture du « Dâh ». Cela nous permettra d’avoir de bon résultat à travers nos produits locaux et éviter de possibles fuites de capitaux avec l’importation de ces sachets fabriqués ailleurs. En le faisant, nous contribuons au développement de l’économie nationale car les matières premières sont locales.
Aujourd’hui, si l’Etat veut qu’on réussisse cette mission et qu’on applique efficacement cette loi, il doit interdire carrément l’importation de sachets plastiques, qu’ils soient biodégradables ou non. Et là, on trouvera la solution. Cela est bien possible car on a vécu sans ces sachets plastiques.
L’Essor : Quel est votre appel à l’endroit de la population ?
Ousmane Sidibé : J’invite les populations à refuser de se faire servir dans les sacs plastiques pour obliger en retour les commerçants à diminuer leurs importations. Aujourd’hui, le Malien peut se passer de l’utilisation de ces sacs plastiques, et se retourner vers les cartons. Nous avons une usine de carton ici et une structure qui accueille des artisans super doués. Nous devons revenir à l’opération «Dâh» qui existait en République du Mali et diversifier notre système de production à travers cela. C’est dans ce secteur que l’État doit investir aujourd’hui.
Entretien réalisé par
Aboubacar TRAORÉ
Source : L’ESSOR