Depuis quelques jours, le dossier dit de l’engrais de mauvaise qualité a été mis sur la place publique par d’une part des fournisseurs dépités du secteur privé et d’autre part certains élus se basent eux sur les seules allégations des premiers. Mais de là à faire l’avocat du diable, il y a de quoi se poser quelques questions.
Au début de cette affaire burlesque, il est essentiel de revisiter d’abord la pratique indexant l’ensemble de la mémoire de la fourniture d’engrais en République du Mali par le concours de l’Etat. En effet, si l’Afrique de l’Ouest possède de nombreux gisements avec des réserves estimées à 2 230 millions de tonnes de phosphate naturel, ceux du Bénin (Mekrou), du Burkina Faso (Kodjari, Diapaga, et Arly), du Mali (Tilemsi) ne sont pas ou que très peu exploités d’où leurs importations dans ces pays cités dessus.
Aperçu sur la matière
Au Mali, le marché des intrants agricoles est essentiellement centré sur les engrais (environ 175 000 tonnes auparavant par an) et les insecticides destinés aux zones de production cotonnière de la CMDT et de production rizicole de l’Office du Niger. Durant de nombreuses années, l’approvisionnement de la filière rizicole est assuré par un réseau de distribution privé de grossistes et de détaillants. En zone cotonnière, la CMDT assurait depuis sa création l’achat des intrants par appel d’offres international, ainsi que leur distribution aux producteurs de coton et la gestion du crédit de campagne correspondant. A partir de la campagne 2001/2002, le transfert de l’approvisionnement en intrants destinés aux cultures céréalières de la CMDT aux groupements de producteurs a démarré. Ce transfert devrait être complet dans les années à venir, mais les premières expériences ont montré de grandes difficultés pour ces groupements à maîtriser les aspects logistiques et financiers de ces opérations. Cela a contribué à une réduction des niveaux de consommation d’intrants dans le pays en 2002 et à une chute des productions céréalières et cotonnières. Cette configuration a favorisé la mainmise sur le marché des intrants au Mali par les grandes multinationales et a fortement limité le développement d’un réseau de distribution de détail. Le transfert direct aux organisations paysannes de ces fonctions d’approvisionnement, les difficultés à sécuriser les crédits de campagne et les faibles capacités financières des distributeurs privés existants sont les principaux freins au développement du secteur. Depuis la création de la mission de restructuration du Secteur Coton (MRSC) par Décret n°042/P-RM du 05/02/2000, le Fonds de Soutien (FDS) de la filière coton a été constitué, dont.la gestion est assurée par un Groupement d’intérêt Economique (GIE) comprenant l’Union Nationale des Sociétés Coopératives de Producteurs de Coton (UN-SCPC), devenue Confédération Nationale de producteurs de coton, la CMDT et l’OHVN. C’est donc le GIE qui organise le processus d’approvisionnement en engrais en zones CMDT et OHVN.
Prépondérance du GIE dans l’ensemble du processus
Du coup le GIE est au centre de l’ensemble du processus de fourniture de l’engrais nécessaire au bon déroulement des campagnes agricoles, notamment des objectifs de production. Le GIE est compétent sur la formulation des besoins en engrais, la préparation du Dossier d’Appel d’Offres, le lancement des appels d’offres, les ouvertures des plis et le dépouillement des offres, adjudications et les notifications aux adjudicataires, la préparation des contrats qui sont signés entre le GIE et les fournisseurs. Il pilote également sans interférence extérieure la livraison des engrais au GIE (UN-SCPC/CMDT/OHVN) dans les magasins CMDT et OHVN, la remise des attestations provisoires de réception au niveau des filiales par la CMDT ou OHNV et les producteurs, le contrôle contradictoire de la qualité par le GIE à travers la DNA et l’IE, l’établissement des attestations de réception définitive par la Holding CMDT et l’UN-SCPC puis le paiement des fournisseurs par le GIE intervenant après la remise des attestations des réceptions définitives.
A certaines étapes du processus, des techniciens de la direction des finances et du matériel du Département et du Ministère de l’Economie et des Finances, de l’APCAM et des Syndicats de producteurs de coton sont associés techniquement au processus.
Les précautions du ministre Tréta
Les importations d’intrants concernent essentiellement trois natures de produits à savoir le complexe coton, la complexe céréale et l’u rée. Alors que le premier type d’engrais est préconisé dans les zones de Kayes et Koulikoro, le second est utilisé à partir de Ségou. L’urée, qui contient 46% d’azote, ne pourrait être utilisée comme engrais en raison de son caractère hygroscopique élevé et de sa volatilité. La présentation en granulés ou perles de calibre homogène est nécessaire pour la régularité de l’épandage. Sur le plan agronomique, c’est une formulation intéressante car sa minéralisation est progressive. Comme indiqué ci-haut dans les mandats du GIE qui fonctionne sous forme de centrale d’achat, le Ministre et son Cabinet ne participent ni à la préparation des dossiers d’appel d’offres (DAO), ni au lancement et encore moins à l’attribution du marché des engrais. Par mesure d’opportunité et de précaution, il faut reconnaitre au Ministre du développement rural qui est en terrain connu, a pris l’initiative des contrôles de qualité des engrais et ce en application du cadre juridique relatif au contrôle de qualité des engrais au Mali. Ces analyses ont porté en toute transparence sur l’aspect physique et sur l’aspect chimique. La Direction Nationale de l’Agriculture s’est ainsi intéressée aux qualités physiques des engrais (quantités par sac de 50 kg, état physique du produit, couleur) et à la bonne observation des « cautions techniques » délivrées par les agents sur le terrain. Suite aux analyses des 163 échantillons prélevés lors du premier passage des équipes d’échantillonnage, il ressort qu’une partie des engrais livrés à la CMDT et à l’OHVN est hors norme. Des contres expertises ont été également effectués au Sénégal et en France.
Aussitôt, une réunion a été convoquée le 02 Avril 2015, pour présenter le rapport et rappeler les dispositions légales et règlementaires. Cette réunion a regroupé tous les acteurs concernés (services techniques, opérateurs économiques au nombre d’une vingtaine et la profession agricole) pour leur restituer les résultats. Cette réunion a succédé à celle de décembre 2014. Immédiatement et conformément à l’article 8 du cahier des charges, le GIE a demandé par écrit à tous ses fournisseurs de procéder au retrait des quantités hors normes et procéder à leur remplacement et ce processus est en cours. A titre de rappel que c’est à partir de 2013 que la Direction Nationale de l’Agriculture a commencé à organiser le contrôle de qualité des engrais en République du Mali. En janvier 2014, la partie ivoirienne avait signalé (pour la campagne 2014-2015) qu’en Côte d’Ivoire où transitent l’essentiel des produits d’importation du Mali, comme dans certains pays de la CEDEAO, les engrais importés présentaient quelques imperfections selon leurs analyses. La réponse envisagée ne pouvait qu’être globale et régionale, la responsabilité des ports étant capitale. Dans le cas malien et comme indiqué plus haut, les objectifs d’emblavure pour la culture de coton au titre de la campagne 2015-2016 sont de 585 000 ha soit environs et la quantité d’engrais jugée hors normes est de 3 404 tonnes. Cela représente environ 1,6 % des besoins globaux en engrais qui sont de 211 999 tonnes. D’ores et déjà et dans le souci d’approvisionner les producteurs Maliens en engrais de qualité, contribuer à améliorer la production et la productivité agricoles et dans l’optique de rentabiliser la subvention exceptionnelle des engrais, les dispositions envisagées sont entre autres la sensibilisation des acteurs concernés, la programmation et la réalisation des trois passages de contrôle pour l’échantillonnage afin que l’ensemble des stocks puisse être contrôlés conformément au plan de contrôle de la DNA, la formation et l’équipement des agents chargés du contrôle, le renforcement des capacités du laboratoire sol-eau-plante de Sotuba. En plus il a été décidé de la systématisation du contrôle obligatoire de tous les stocks d’engrais destinés au Mali puis de la relecture des textes législatifs et règlementaires et leur application stricte.
Au regard de toutes ces données, on retient plutôt une implication que le Ministre Tréta est intervenu au bon moment pour confondre des insuffisances constatées dans le processus de fourniture et qu’il a courageusement pris les mesures utiles pour mettre certains acteurs qui n’en sont pas à leurs premières dérogations en règle conformément à ses engagements et à ses responsabilités. De là à sortir du bois des arguments fallacieux de postulants mécontents ou plus ou moins déçus dans le dépouillement des appels d’offres, on entre sur un terrain aventureux qui ne sert pas les ambitions agricoles du Mali nullement menacées contrairement aux tumultes couloirs. Si la concurrence est de mise dans le secteur privé, les mauvais perdants doivent épargner les institutions de la République qui dans ce dossier ont entièrement joué leur rôle dans un esprit de totale transparence. Comme on le voit tous ces agissements ne sont que de la conspiration pour nuire au ministre Tréta. Cela ne passera pas du tout face à un cadre aussi déterminé et intègre de la trempe de Bocar Tréta qui entend réussir la révolution et la transition de l’agriculture malienne.
Fatoumata Koïta (stagiaire)
Affaire de l’engrais frelaté
Le ministre Bocar Tréta victime de la guéguerre entre concurrents !
Les hommes politiques ont le dos large et il leur arrive d’assumer à défaut cette charge. Bien que la fameuse affaire de l’engrais frelaté soit techniquement démentie par le PDG de la CMDT, nos investigations sont formelles cette affaire n’est ni moins ni plus qu’une guéguerre entre concurrents. Et la sentence est sans appel contre les loups aux dents longues qui ont toujours prospéré dans un système de quasi monopole dont Toguna Agro Industrie qui s’estime adjudicataire de droit des marchés d’intrants implantée au Mali.
En effet, lors de l’analyse des questions orales et écrites posées d’abord par l’honorable Bafotigui DIALLO, député à l’Assemblée Nationale, élu en commune VI, puis reprises par l’Honorable Bakary Koné, député à l’Assemblée Nationale, élu à Koutiala conduit tout droit dans le mémorandum dit NpksbSomadeco – impact sur les rendements de coton malien. Ledit mémorandum élaboré par un fournisseur d’engrais de la place, client du GIE-coton, présente des résultats d’analyse d’échantillons d’engrais prélevés chez un autre fournisseur, également client du même GIE-coton et de surcroit concurrent. Les analyses des échantillons seraient effectuées certainement à dessein par les soins d’un « laboratoires » dans un bateau. Dans ce document le fournisseur dénonciateur analyse de son propre chef et sans aucune expertise l’impact de la mauvaise qualité de l’engrais de son concurrent sur le rendement théorique attendu à l’hectare à environ 40-50% et la perte en productivité à 500kg à l’hectare. Il estime la part de marché dudit fournisseur à 40.000 tonnes d’engrais qui représente une quantité suffisante pour fertiliser environ 260.000 ha. Toujours selon l’auteur de la note le manque à gagner occasionné par la perte de 500kg/ha pour un objectif d’emblavures de 260.000 ha va provoquer une chute de la production cotonnière de 130.000 tonnes soit environ 40 milliards de francs CFA, à raison 235 FCFA le kg de coton. Certains députés ont-ils exploité avant la moindre vérification ces informations émanant de fournisseurs se plaignant d’avoir perdu ou mal loti dans les marchés lancés par le GIE ? Si oui pourquoi n’ont-ils pas approché le Département concerné pour recueillir les documents techniques authentiques et officiels sur le dossier avant d’interpeller ? Les fournisseurs ont-ils payé leurs avocats de l’Assemblée nationale et comment et à quelles fins ? Se lavent-ils de ce dont ils cherchent insidieusement à accuser le Ministre ? Toutes les questions restent ténébreuses puisqu’un ministre a été injustement jeté en pâtures pour avoir joué son rôle de premier responsable du secteur en initiant plusieurs passages de contrôles de qualité et en en informant les acteurs concernés. Alors à chacun de s’assumer car rien ne sera plus comme avant.
Fatoumata Koita(Stagiaire)
Source: Mutation