Ils ont été raflés, emprisonnés, torturés avant d’être dépouillés de leur argent laborieusement gagné
Au total 78 de nos compatriotes en situation irrégulière, expulsés de la Guinée Equatoriale, sont arrivés à Bamako dimanche soir. Certains résidaient depuis plusieurs années dans ce pays, tandis que d’autres étaient candidats à l’immigration clandestine vers l’Europe. Ces Maliens expulsés, expliquent qu’ils ont été raflés, emprisonnés, torturés avant d’être dépouillés de leur argent laborieusement gagné.
Aucune autorité malienne n’était informée de leur arrivée. « Personne ne nous a informé de l’expulsion de ces compatriotes, alors que nous avons une représentation diplomatique en Guinée Equatoriale », a regretté le délégué général des Maliens de l’extérieur Ibrahima Mamadou Sylla que nous avons rencontré hier au ministère des Maliens de l’extérieur.
Notre interlocuteur a ajouté que c’est le chef du Centre des rapatriés qui l’a appelé pour lui annoncer l’arrivée de nos compatriotes. « Nous avons aussitôt pris des dispositions pour les accueillir, les soigner, les héberger et les nourrir avant d’assurer leur transport dans leurs localités d’origine », a assuré Ibrahima Mamadou Sylla.
Au moment où notre équipe de reportage arrivait hier au Centre des rapatriés à Sogoniko, 76 de nos compatriotes étaient déjà dans un bus en partance pour leurs destinations souhaitées. Deux d’entre eux ont accepté de témoigner. Il s’agit de Feundo Koumaré et de Sidi Diallo, tous originaires de Ségou. Sur les visages de ces jeunes se lisaient la tristesse et la désolation.
Leur accoutrement en disait long sur les mauvaises conditions dans lesquelles ils ont été arrêtés et expulsés. Le jeune Feundo Koumaré a été cueilli alors qu’il se rendait à son lieu de travail. Mal coiffé, dans sa tenue de travail, tâché de peinture, un pantalon jean déchiré, des chaussures tapettes aux pieds, le jeune peintre de 24 ans, vivait en Guinée Équatoriale depuis deux ans quand il a été arrêté le 14 mars dernier par les forces de l’ordre équato-guinéennes. « Le 14 mars vers 7 heures du matin, comme d’habitude, je quittais ma maison pour aller à mon lieu de travail à la société ABC à Odianboi à 72 kilomètres de mon logement que je payais à 20.000 Fcfa. En cours de route, les policiers m’ont interpellé et m’ont demandé mes papiers. Je leur ai montré mon permis de travail que j’ai acquis à 90.000 Fcfa. Il m’ont dit que ce n’était pas suffisant et qu’il fallait la carte de séjour qui coûte 600.000 Fcfa. Je n’avais pas encore de carte de séjour. C’est là qu’ils m’ont amené au commissariat de police où j’ai rencontré d’autres compatriotes détenus. Ils nous ont emprisonné pendant 12 jours dans des conditions très misérables », raconte le jeune avec une voix pleine d’amertume.
Notre interlocuteur a ajouté que le 24 mars dernier, les forces de l’ordre sont venues demander les passeports et les pièces de ceux qui en disposaient pour leur ramener les bagages. Le même jour, ils leur ont annoncé qu’ils seront expulsés sur Cameroun. « Arrivés au Cameroun, les autorités de ce pays n’ont pas voulu nous accepter. Et nous sommes retournés encore en Guinée Equatoriale. C’est finalement le 27 mars qu’ils nous ont expulsé vers Cotonou ou nous avons été accueillis par les autorités consulaires maliennes qui nous ont donné de la nourriture. De Cotonou, nous avons pris un bus pour regagner Bamako le 29 mars vers 16 heures », témoigne le jeune homme qui n’a pu amener que son téléphone portable. C’est à l’aéroport qu’il a reçu des chaussures offertes par les autorités. « J’ai laissé plus de 900.000 Fcfa et mes bagages là-bas. Je compte retourner si possible pour récupérer mon argent et mes affaires, mais pas pour travailler dans ce pays », nous a confié le jeune homme dont le père est commerçant de céréales (mil, maïs, riz).
Feundo Koumaré s’inquiète par ailleurs de la situation d’un de ses voisins de quartier. « J’ai un frère qui est resté là-bas je ne sais pas s’il est encore en vie ou pas. J’ai demandé aux autorités consulaires équato-guinéennes, mais personne n’a de ses nouvelles. »
Quant à Sidi Diallo, vêtu d’un tricot bleu, il avait de la peine à s’exprimer. Le jeune homme était agent d’une société de gardiennage depuis deux ans en Guinée Equatoriale. « Mon parton avait déjà déposé mes papiers pour ma régularisation, mais à ma grande surprise un matin en allant au travail, les policiers m’ont pris et m’ont jeté en prison. Notre interlocuteur qui percevait 150.000 Fcfa par mois dans ce métier a perdu 350.000 Fcfa et ses affaires.
S. TANGARA
source : L Essor