Le président Ibrahim Boubacar Keïta aligne les échecs, depuis son arrivée au pouvoir. En première ligne de ce qu’on pourrait qualifier de « fiasco monumental » dans la gestion des affaires publiques, figure l’élément fondamental qui avait fondé son élection, à savoir la gestion de la crise du nord. Ibrahim Boubacar Keïta n’a pas connu meilleur sort en matière de lutte contre la corruption et la délinquance financière, de création d’emplois, de réalisation d’infrastructures, de bonne gouvernance, de gestion du front social et politique, du bien-être des populations etc… Conséquence ? L’Etat du Mali est au bord du gouffre. Retour sur les gros échecs du mandat d’IBK.
L’espoir né le 19 septembre 2013 s’est estompé tant au Mali qu’à l’extérieur. Désillusion, déception, découragement et pessimisme à l’intérieur, érosion de la crédibilité extérieure du pays, tels sont les éléments constitutifs du paysage malien aujourd’hui. Quatre ans après l’entrée en fonction du président, le Mali va très mal. Les années qui viennent de s’écouler ont été quatre années perdues pour le Mali. Rien de concret n’a été réalisé: ni intégrité du territoire, ni unité nationale ni réconciliation nationale, ni paix, ni stabilité, ni refondation des FAMAS, ni reconstruction de l’État. La réputation internationale du Mali est ternie durablement à cause des divers scandales de gouvernance et de notre incapacité à stabiliser la situation intérieure. L’incapacité du président et du Gouvernement à faire face à la situation se passe de commentaires.
Des preuves palpables et irréfutables existent pour étayer l’échec de celui-là même qui se disait être le messie que les Maliens attendent.
L’on devrait insister particulièrement sur son incapacité à résoudre la crise du nord qui fut le principal facteur qui a impulsé la fièvre IBK en 2013.
Un président incapable de stabiliser le pays
Le 4 septembre 2013, fraîchement élu, le président IBK a juré devant Dieu et le peuple malien de garantir l’unité nationale, l’indépendance de la patrie et l’intégrité du territoire national.
Quatre ans après, au-delà des paroles dont le pays est régulièrement abreuvé, l’unité nationale, l’indépendance de la patrie et l’intégrité du territoire national restent des objectifs lointains. De toute évidence, le garant constitutionnel de l’unité nationale ne fait pas assez pour restaurer la paix et la stabilité. Outre le Nord, où la souveraineté de l’État reste contestée par divers groupes armés, le Centre du pays s’est embrasé. La situation explosive dans la région de Mopti n’a pas reçu l’attention nécessaire et le traitement adéquat des pouvoirs publics. De la première attaque contre Nampala en janvier 2015 à la brève occupation de Boni en septembre 2016, les Maliens n’ont pas vu ce que le président de la République a tenté pour désamorcer la bombe du Centre et résoudre la crise qui couvait. De revers en revers, les FAMAS ont payé un lourd tribut à l’inexistence d’une stratégie claire qui aurait dû être définie par l’autorité politique. De façon générale, pendant les trois premières années du mandat du président, il y a eu plus de morts au Mali du fait du conflit que pendant les 53 années précédentes, de 1960 à 2013. En effet, la comptabilité macabre donne des frissons : 115 morts de septembre à décembre 2013 ; 306 morts de janvier à décembre 2014 ; 538 morts de janvier à décembre 2015 ; 352 morts de janvier au 15 septembre 2016 ; et plus de 700 morts de janvier 2017 à nos jours. Au total, au moins 2000 civils, militaires maliens et étrangers ont perdu la vie dans notre pays depuis les débuts du mandat du président.
Face à cette situation, IBK et son gouvernement font comme disent les Américains du “One man show”. Il n’est que de regarder notre télévision nationale, pour se demander sous quels cieux nous nous trouvons. Et, chaque fois qu’IBK a fait des déclarations va-t-en guerre, un petit communiqué des rebelles a suffi pour qu’il revienne sur terre. Ceci est l’œuvre du candidat à la présidentielle de juillet 2013 qui avait fait la promesse de mater la rébellion. Il avait rejeté toute idée de dialogue avec « les gens armés ». « Aucun bandit ne se hissera à mon niveau… On ne me trimbalera pas… ». Ce sont là, entre autres discours chocs, entendus à Bamako.
Mais après la débâcle de Kidal, en mai 2015, le chef de l’Etat changea son attitude vis à vis des groupes armés qui sont désormais appelés « nos frères… », et conviés à des banquets au palais présidentiel de Koulouba… C’est avec plaisir et tous les honneurs qu’il reçoit les délégations des criminels du Mnla et consorts, alors que ceux-ci squattent encore les locaux de l’administration à Kidal et s’opposent à toute reprise en main du Mali sur cette région. Ni IBK ni ses ministres ne peuvent se rendre dans cette localité. Au même moment, les discours hypocrites nous font croire que le Mali est libéré de la rébellion et qu’il ne reste que l’emprise djihadiste. Pire, sous IBK, des criminels sont libérés, tout en faisant croire, la main sur le cœur, que les crimes seront punis.
Que dire à propos de la refondation du dispositif de défense et de sécurité ? Pas grand-chose. Alors que le candidat du Rpm s’était engagé à doter « nos forces de défense et de sécurité des moyens humains, technologiques et matériels nécessaire à leur mission; reformer la gestion des ressources humaines dans l’armée ; créer les conditions pour mieux utiliser les ressources financières des forces de défense et de sécurité ; améliorer les conditions de vie des troupes ». Il a échoué sur toute la ligne. Pour masquer cet échec, le régime surfe sur la dotation des militaires en tenues et l’acquisition récente d’avions dont l’opérabilité reste d’ailleurs à prouver.
La loi de programmation militaire ne donne pas les résultats attendus. Les centaines de milliards de F CFA destinés aux FAMAS n’arrivent pas entièrement à destination du fait des surfacturations grossières. Les postes isolés de l’armée, de la Gendarmerie et de la Garde nationale manquent cruellement de moyens.
L’état de délitement dans lequel se sont retrouvées les forces armées et de sécurité du Mali tire sa source de la mauvaise gouvernance, instaurée par le régime en place.
Elle est d’ailleurs la cause de tous les maux dont souffre le Mali et qui risquent de provoquer son effondrement. Le président et ses soutiens aiment à dire que le Mali était dans un gouffre au moment où ils accédaient au pouvoir. Malgré la gravité de la situation dont ils ont hérité, ils n’ont mis en place aucun mécanisme pour prendre à bras-le corps les problèmes et les gérer. IBK, lui-même, ne disait-il pas que «le Mali n’est pas un pays pauvre, mais un pays pauvrement géré ». Aux commandes du pays, depuis plus de quatre ans, il n’a posé aucun acte de développement de rang. La faute est à situer dans sa mauvaise gouvernance, corollaire d’une gestion criblée de scandales financiers qui paralysent asphyxient l’économie.
Autre échec patent d’Ibrahim Boubacar Kéïta, c’est la lutte contre la corruption et la délinquance financière. En 2014, l’homme avait pompeusement décrété que «Nul ne s’enrichira plus illégalement et impunément sous notre mandat, Inch ‘Allah». Mais, de cette date à nos jours, la corruption et les détournements des deniers publics ont atteint un niveau inqualifiable. Avec un avion présidentiel acheté à 21 milliards de FCFA ; entre 28 et 38 milliards de FCFA détournés dans un contrat d’armement militaire conclu 108 milliards avec l’avenant ; des irrégularités financières totalisant la somme de 72,88 milliards de FCFA dont 33,86 milliards de FCFA au titre de la fraude (soit 46,46% du montant total) et 39,02 milliards de FCFA au titre de la mauvaise gestion dans le rapport 2014 du Bureau du Vérificateur général. La situation ne s’est guère améliorée en 2015. Le dernier rapport BVG a relevé des manquements notoires dans les opérations de gestion des fonds publics et du patrimoine de l’Etat. Ces manquements ont entrainé des déperditions financières qui se chiffrent à 70,13 milliards de FCFA dont 32,78 milliards de FCFA en fraude et 37,35 milliards de FCFA en mauvaise gestion.
Combien d’écoles, de centres de santé, d’infrastructures routières, d’équipements pour les forces armées et de sécurité, voire même une augmentation des salaires auraient pu être pris en charge par de telles sommes bien gérées? D’ailleurs, les 77% d’électeurs maliens qui ont porté leur choix sur le candidat IBK, n’avaient- ils pas l’espoir qu’une fois devenu président, il y aurait un changement notoire sur le front de la lutte contre la délinquance financière et la corruption ? Malheureusement les corrompus et les délinquants financiers incriminés dans lesdits rapports n’ont jusque-là jamais été inquiétés par la justice. Comme quoi, les détournements peuvent continuent, malgré la crise. Et les délinquants financiers ne se privent pas d’exposer leurs richesses. Alors que la grande majorité des Maliens cherchent perpétuellement à joindre les deux bouts.
Les injustices flagrantes, les détournements des biens publics au vu et au su de tous, l’extension de la pauvreté, les déguerpissements-démolitions de l’outil de travail des commerçants détaillants, le chômage des jeunes, les mauvaises nouvelles venant du Nord et du Centre ont créé un profond mécontentement du peuple malien. Conséquence ? La tension ne cesse de monter sur le front social. Magistrature, santé, éducation, l’administration…dans tous les domaines, l’on assiste à la révolte des syndicats. Les travailleurs de l’administration ont récemment réussi à faire reculer le gouvernement sur la mise en application de la Loi sur l’enrichissement illicite. Cette loi est en voie de subir le même sort que le projet de révision constitutionnelle, finalement renvoyé aux calendes grecques. Ces faits résument à eux seuls l’échec du président de la République.
Pouvait-il, en réalité, en être autrement si le président lui-même, qui aurait dû être le cœur du combat pour sauver le pays, est toujours dans les airs. En effet, le Chef de l’État est inaccessible. Ses nombreux conseillers et conseillers spéciaux le rencontrent difficilement. Les heureux élus qui sont invités à participer aux voyages présidentiels ont rarement l’occasion d’avoir une séance de travail avec le Chef, avant, pendant ou après le voyage. À une ou deux exceptions près, les cellules thématiques ne fonctionnent pas. C’est une administration-zombie qui est chargée, depuis plus de quatre ans, de tirer le Mali du gouffre. Les résultats obtenus en disent long sur l’étendue de l’immobilisme.
Aussi, l’improvisation et tâtonnements ont été les principales caractéristiques de l’action du président IBK. Résultat: l’instabilité gouvernementale a atteint son paroxysme. Les remaniements sont devenus monnaie courante. En quatre ans, le président de la République a nommé quatre premiers ministres et six gouvernements. Nommé en janvier 2015, le 3ème Premier ministre d’IBK a formé en 20 mois quatre gouvernements! La plupart des départements ministériels ont eu entre trois et quatre titulaires en si peu de temps: Économie et Finances, Éducation, Défense, Administration, Justice, Communication. Certains ministres sont en train de faire le tour de tous les départements.
L’hygiène, l’assainissement, les infrastructures sont autant d’autres domaines dans lesquels la déception est grande chez les Maliens qui constatent avec amertume que rien de concret n’a été réalisé par le régime. Un cadre de l’administration résume : « Si les routes sont comme ce que les vaisseaux sanguins sont pour le corps humain, alors le développement du Mali est mal drainé. Si l’eau est source de vie, alors le Mali ne vit pas ou vit au ralenti. Si l’électricité illumine l’obscurité, alors le Mali vit dans l’obscurité. Et si les établissements scolaires, les centres de santé sont des infrastructures de développement, alors, le Mali a du chemin à faire.. ». A Bamako, il y a des quartiers entiers qui n’ont pas accès à l’eau potable et encore moins à l’électricité. Image insolite que celle de voir des femmes, jeunes, alignés derrière un point d’eau, en plein cœur de Bamako, dès les premières heures de la journée, bidon ou sceau à la main. Des régions considérées comme des potentielles économiques pour le pays, manquent de routes ou si routes il y a, elles sont impraticables à cause de leur état défectueux.
Depuis 2013, ce sont les chantiers inachevés de l’ancien président Amadou Toumani Touré qui occupent IBK et son gouvernement. La dernière inauguration est la route du poisson qui intervient à quelques cinq mois de la fin du mandat.
Ce que IBK avait promis en 2013
Au-delà du projet présidentiel « Le Mali d’abord », c’est le discours de campagne prononcé par le candidat IBK le 13 juillet 2013 qui frappe les esprits. Tant son contenu est diamétralement opposé au vécu quotidien. A vous d’en jugez !
« Chers Compatriotes, la situation actuelle du Mali est marquée par de sérieuses difficultés sociales, économiques et sécuritaires. Cette situation appelle des politiques nouvelles et des solutions fortes. Elle appelle un homme d’expérience, qui a un sens élevé de l’Etat, un homme honnête et libre, pour lequel la chose publique est sacrée. Un homme d’Etat capable de moderniser le Mali, de s’adresser à vous tous.
Maliennes et Maliens de toutes les générations, de toutes les régions, vous êtes nombreux, au Mali, comme à l’extérieur, à me faire l’honneur de penser que je peux être le prochain Président de la République. Ce grand mouvement m’a poussé à me déclarer candidat à l’élection présidentielle du 28 juillet 2013, porté par la “Coalition le Mali d’abord”.
Le Mali d’abord, ce n’est pas qu’un slogan de campagne. C’est avant tout une philosophie, un état d’esprit, car je veux mettre le Mali au-dessus de tout.
Pour affronter tous les défis, le Mali a besoin d’un grand rassemblement, et c’est tout le sens de ma candidature. Je l’ai voulue au-dessus des structures d’un seul parti, pour puiser ma force dans une alliance féconde de plusieurs formations et de nombreux mouvements de la société civile. J’invite d’autres partis, d’autres associations, d’autres citoyens, au Mali ou à l’extérieur, à nous rejoindre pour renforcer le puissant mouvement déjà en marche.
Ensemble, avec mon « Projet présidentiel Mali d’abord », mon énergie, ma détermination, votre participation et votre enthousiasme, nous allons amplifier la formidable dynamique qui nous porte déjà, et faire en sorte que demain nous puissions enfin faire le Mali de nos rêves. C’est tous ensemble, rassemblés, solidaires, que se construira le Mali de demain.
Le Mali rayonnant, le Mali créateur de richesses et de valeurs au service de tous ses fils. C’est le combat auquel je vous convie dès maintenant, à la lecture de mon projet présidentiel.
Mon projet, je l’ai voulu volontariste et ambitieux, mais réaliste. Réaliste, car je veux tenir un langage de vérité. C’est à l’image de la gouvernance que je mettrai en place, si les maliens me donnent leur confiance.
Mon projet est axé sur le retour de l’honneur du Mali, à travers le rétablissement de la paix et de la sécurité et la réconciliation entre maliens.
Le deuxième axe est le bonheur des maliens. Pour que chaque citoyen se sente heureux avec des services sociaux de base à leur portée.
Le troisième axe concerne l’avenir du Mali, à travers des mesures qui permettront de bâtir une économie robuste et créatrice d’emplois dans de nombreux domaines.
Enfin, mon projet propose de revisiter les institutions du Mali pour bâtir une réelle démocratie, à laquelle participeront tous les maliens.
Je le dis, je le ferai, c’est mon engagement. Le Mali d’abord, pour l’honneur du Mali, pour le bonheur des maliens ! ».
C’est évident pour tous ceux qui viennent de (re)lire ce chapelet de promesse : après plus de quatre ans d’exercice du pouvoir, la réalité est toute autre. Où sont la paix et la sécurité promises. Elles sont loin d’être concrétisées, l’insécurité ayant atteint son paroxysme sous le règne d’IBK. Où est la République exemplaire promise ? En fumée. Où est la lutte contre la corruption tant chantée ? Echangée contre une mauvaise gouvernance inédite.
Et l’égalité des chances ? Un vain slogan. IBK a fait émerger sa famille, son clan et son cercle d’amis.
Où est la lune promise pour améliorer les conditions de vie et le quotidien des Maliens à travers une économie robuste et créatrice d’emplois ? Au ciel, sans doute : aucune vraie réforme, aucune infrastructure de rang. Les Maliens meurent de faim et de soif !
Où sont les 200 000 emplois promis aux jeunes à l’horizon 2018 ? Du mirage, parce qu’on empêche aujourd’hui ces jeunes de le revendiquer.
Le discours du 13 juillet fourni juste un aperçu des merveilles promises par IBK à ses concitoyens quand il cherchait le pouvoir et lorsqu’il l’aura eu.
Quatre ans après, le rêve s’est peu à peu mué en grosse déception. Aujourd’hui, le pays vit les travers d’un opportunisme et d’un affairisme jamais égalés; au point que toute liberté d’esprit, toute critique sérieuse, pour aider le régime à rectifier ces travers, soient devenues des crimes de lèse-majesté.
I B D
Source: L’ Aube