L’intéressé en a-t-il pleinement conscience ? Car IBK est aujourd’hui coincé entre deux intempéries: un tsunami et un typhon. L’une, celle de la communauté internationale, est froide et sournoise et l’autre, celle de la rue malienne, fougueuse et impétueuse. Entre les deux, c’est le système de la vase communicante : chaque mouvement qui approche l’un éloigne l’autre.
Cette équation s’est exacerbée après son discours du « cœur » improvisé en lieu et place de celui rédigé par son cabinet le 15 mai 2015 au Centre international des conférences de Bamako devant le concentré de la gouvernance planétaire. Bien de Maliens avaient totalement désespéré du Mandé mansa et de sa capacité à faire face à la situation du pays. Certains, ils sont nombreux, étaient jusqu’ à se demander si IBK n’était pas le complice « des blancs ». Nous avons pu en entendre un s’exprimer sur les ondes d’une des radios privées de la place le 25 dernier « à visage découvert » : c’est-à-dire en déclinant son identité et son lieu d’habitation. L’homme soutint ceci : « Je faisais partie de ceux qui croyaient que notre président était avec les toubabs contre le Mali. Mais depuis le vendredi j’ai découvert avec bonheur que je me trompais » (traduit du bambara). Et l’on n’a pas besoin de faire un cabinet de sondage international pour avancer le fait que ce discours du CICB a dépoussiéré le bail entre IBK et son peuple et renouvelé la confiance.
Cette intervention, après celle de Robert MUGABE auquel on n’avait rien compris mais qui avait soulevé tous les poils de langue, a eu l’effet d’une grosse pluie salvatrice sur le champ à cultiver entre IBK et son peuple. Mais il n’en a pas été de même du côté du camp de ceux d’en face. Les arbitres qui portent le même maillot que l’adversaire imposé.
En effet, IBK a entendu sans broncher des mures et des pas verts de la part de ceux qui d’habitude utilisent un langage feutré. Au lieu de féliciter le Mali pour sa constante observation de la chose décidée et au lieu de fustiger ceux qui ont eu du mépris, ils avaient été suspicieux et ingrats face aux exorbitants sacrifices consentis par le pays sur l’autel de la paix. Et IBK avait un mot très fort : « nous ne sommes pas des gueux ! ». Ou encore : « nous fumes quand d’autres n’étaient pas ». IBK avait répondu point par point aux provocations qui lui avaient été faites devant dieu, son peuple et le monde. Et IBK avait le choix de se faire humilier une fois de plus devant ses gens ou refuser l’ignominie et provoquer la colère des gueux sans queue. On connaît ce qu’il fit, laver la honte en étant prêt à en payer le prix.
Don ni don goman…ou la petite danse impossible
Et le tarif ne tarda pas à se dérouler ; en croche-pieds assassins et en attaques pernicieuses médiatico-politiques. C’est ainsi grâce à Media part d’Edwy Plenel le français, l’on a ressorti l’affaire Tomi pour remettre au goût du jour une vieille boîte de conserve qui montre IBK « très familier d’un truand » de classe internationale. Et la Cma servit de son côté un plat virtuel fait « d’exactions commises par l’armée malienne ». Plat servi sur un plateau sans aucune vérification par ceux qui veulent soumettre le président on ne peut plus démocratiquement élu du Mali. La presse, telle des abeilles, accourent bien sûr à cette source de miel en attendant que les Ong se mettent à jouer leur rôle si la cible « ne faisait pas alba ».
IBK est depuis le 15 mai empêtré entre ses deux pôles qui tirent à hue et à dia chacun de son côté. S’il veut continuer à bénéficier de l’état de grâce et de sa cote de popularité retrouvée à domicile, il doit continuer à cultiver le champ soudainement fleuri de la nouvelle idylle avec ses électeurs. Par contre, s’il tient à ré-rentrer dans les grâces des maîtres du monde bailleurs de fonds, détenteurs de la force et arbitres de l’enfer, alors il devra faire amende honorable et montrer à la communauté internationale qu’il avait fauté ce jour-là, que sa langue avait fourchu et qu’il était prêt à tout pour réparer. Tout ? Jusqu’ où ? A s’auto humilier devant son peuple ? Donc à reperdre la cote de popularité retrouvée auprès d’eux ?
La position d’IBK est ainsi devenue cornélienne juste au moment où la crise devait avoir son dénouement. C’est-à-dire au moment où tous devaient signer le texte de l’accord de paix pondu par les soins de la communauté internationale ; toute la communauté internationale. Le vendredi 22, une semaine jour pour jour de la signature de l’accord d’Alger, IBK a confié à la presse au même CICB lors de la sortie des « musulmans » pour soutenir l’Accord : « la seule solution, c’est le dialogue et non les armes. Les armes, ça provoque la mort… » (Traduit du bambara).
Amadou Tall
source : Le Matin