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Humeur : Grève de la téléphonie : Au Mali, décidément, l’on marche sur la tête

Rien apparemment ne se fait plus dans le monde comme chez nous, un pays pauvre, enclavé, en butte à une guerre asymétrique depuis plus de dix ans, abonné aux coups d’Etat (trois, selon notre décompte, en trente ans, soit un tous les dix ans), soumis aux sanctions robustes,  imposées par la CEDEAO.

Donc, dans un Mali abonné aux difficultés, les juges ont  réclamé, en toute bonne foi, certainement pour « dire le droit, rien que le droit », pince sans rire,  plus de cent soixante-dix milliards de nos francs  aux rares entreprises qui marchent encore et qui nous relient à l’extérieur. Les syndicats de ces entreprises, non contents de l’amande, arme fatale en leurs mains,  ont braqué à leur tour les usagers, prenant le pays tout entier en otage. Ayant eu pendant longtemps une arme à plusieurs détentes, les opérateurs téléphoniques, qui ont réalisé des chiffres records, souvent à la limite de la légalité, grâce à leurs activités et des bénéfices mirobolants, sont appelés à faire face, à présent, à la double  réaction des Associations de consommateurs et des juges.
Les faits,  s’ils n’étaient pas graves, parce que pénalisant plusieurs secteurs d’activité du pays, seraient en toute logique risibles. Imaginez « cent soixante-dix milliards de FCFA » ! Pas moins, pour une Association de consommateurs dénommée  Réseau Malien des Consommateurs de Téléphonie Mobile (REMACOTEL), qui aurait réuni les preuves d’un prélèvement supposément indu sur les appels sur répondeur des usagers, et s’est attaqué à deux providers du pays ( Moov Africa Malitel et Orange Mali). Auxquels elle demande un remboursement assorti de dédommagement. Alors que les deux parties auraient pu s’acheminer vers une entente assortie d’une amende raisonnable, si l’on en croit certains protagonistes. Les juges, saisis par l’Association, en ont décidé autrement. Cependant, consommateurs eux-mêmes, plutôt que détenteurs d’actions dans lesdites entreprises, ils ont pris le risque de paraître comme « juge et partie » (sans jeu de mots), tant l’amende paraît logée au coin de la colère contenue. A l’image des plaignants, peut-être plus qu’eux, les juges ont, en effet,  semblé bouffer du lion et exiger le paiement de cette somme astronomique à l’échelle malienne aux opérateurs téléphoniques. Ce faisant, il faut l’admettre,  les Associations et les juges ont  placé la barre trop hautEn tout cas, la demande, pour ne rien arranger, a poussé les syndicats des deux opérateurs à  s’engouffrer dans la bataille, loin de leur champ de revendication, imposant, à leur tour, une grève disproportionnée aux allures de chantage.

Au bout du compte, ce sont les  usagers qui trinquent. En effet,  contre toute attente, beaucoup ont été sevrés d’électricité et d’eau parce que payant leurs factures par moyen électronique, aux abonnés absents pour cause de grèves perlées exposées du coup à d’autres plaintes. Or, cette situation, aussi dramatique qu’elle soit, peut paraître anecdotique par rapport aux pertes causées aux compagnies et Agences de voyage, à cause des bugs dans l’émission des billets électroniques, la presse dont le travail est tributaire d’une communication efficiente, les prises en charge AMO et autres opérations connexes. La liste n’est pas exhaustive dans un pays aux frontières principales fermées et aux transactions financières moribondes à cause des sanctions CEDEAO sus-évoquées.

Après avoir été lestés de quelques sous sur des appels « virtuels », ne voilà-t-il pas les consommateurs souffrant du déficit de connexion et de communication, paralysant leurs activités, leur faisant perdre plus d’argent que dans l’opération  objet de la plainte auprès des juges ? Au fait, se demandent certains internautes, où ira cette manne réclamée par les juges ?  Et pendant ce temps, qu’a décidé l’Etat ? Sévir contre les grévistes, qui n’ont rien à faire dans ce dilemme cornélien, entre assurer la défense de leurs employeurs visiblement en fautes et qu’on ne perçoit nulle part dans les sphères de protestation, et pénaliser tous les secteurs dépendant de la téléphonie pour se faire entendre ? Ont-ils pensé à demander une « application intelligente » de l’amende mirobolante des juges ? Une arme dégainée, il y a peu, par les experts à idées de la Transition, à l’essai, sauf erreur de notre part, dans le cadre des Accords dits d’Alger.  Autrement dit, ramener les juges  à la raison, car ils  semblent s’enliser dans un mimétisme propre au  «  village planétaire » dans lequel il a été demandé à Facebook de payer des milliards de dollars pour concurrence déloyale en Europe. « Comparaison n’est sans doute pas raison : autres contextes, autres réalités. »

En outre, la synergie des deux syndicats a conscience que l’arrêt du travail, qui devra se poursuivre par le biais d’une reconduction une fois, du lundi 28 février au vendredi 4 mars, suivie d’une grève illimitée, « aura des conséquences incalculables pour la stabilité nationale ». C’est tout dire !

Or, en s’abritant derrière une grève, elles s’exposeraient à la rigueur de la loi, si rien n’est fait de la part de l’Etat, dernier arbitre attendu entre deux extrémismes. Aussi, faut-il trouver un juste milieu, par une médiation « intelligente » que la partie gouvernementale peut conduire entre l’association des consommateurs et les Syndicats des deux opérateurs incriminés.

En tout état de cause, quel que soit le cas de figure qui se présente, l’on peut en tirer une leçon capitale : la nécessité pour un pays d’avoir plusieurs  cordes «  téléphoniques » à son arc.

Vivement donc une quatrième téléphonie mobile pour la diversification de l’offre en la matière. Car, sans être un spécialiste du domaine, on peut difficilement nous convaincre que la pratique de la « facturation des appels sur répondeur » prévaut ailleurs sur la planète des GSM.   

Faute de solutions, le mal guérira certainement le mal, mais pour un court laps de temps. Ce dont le Mali n’a que faire en cette période de disette et de surenchères.

 

Dicko Seidina Oumar  –DSO-

Journaliste –Historien- Ecrivain

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