13 avril 2016-13 avril 2017, il y’a un an que disparaissait Fadi Kanda, dite la «Fadi nationale.» Votre journal en ligne vous fait découvrir en cette date anniversaire, un symbole de l’unité des goundamiens et son histoire qui sert de leçon à la jeune génération l’amitié est sacrée et doit être sauvegardée de bonne foi. Fadi Kanda demeure toujours dans l’esprit de ceux-là qui l’ont connu et lui rendent hommage comme l’atteste récemment le festival sur le fleuve Niger où son absence a marqué les esprits des spectateurs.
Nous étions en novembre 2012, lors de l’ouverture du festival international Ali Farka Touré lorsque devant un public ébahi, une dame à la forme masculine et gabarique, sociable et courtoise, accoutrée en sac «boro Mali», s’était présentée dans l’arène par des pas de danses, sautait, gambadait, rampait, chutait et se recroquevillait, avant de s’emparer du microphone et scandait un refrain consécutif : «de moi s’agit-il, de moi s’agit-il, venez découvrir Fadi Kanda.» Et voilà, une dame qualifiée de «folle», à elle seule son style et son mode de conduite, car présente dans toutes les arènes, mais constitue un patrimoine du cercle de Goundam de part de sa popularité et représente un repère symbolique de la cohésion sociale et la fraternité légendaire des goundamiens. Sa physionomie étonne pas mal des gens à cause de sa gabarie et sa forme masculine. Originaire de la région de la région de Tombouctou au Mali, précisément de la ville de Goundam, Fadi Kanda serait née vers la première décennie de l’indépendance de son pays, et mère de quatre enfants dont le garçon aîné vit dans la famille maternelle et aurait même abandonné l’école au profit des champs où il accompagne son oncle.
Origine de la folie de Fadi Kanda
Selon M. Youssouf Himeidou Traoré, professeur de Lettres et ressortissant de Goundam, contrairement aux autres folles, l’origine de la folie de Fadi Kanda, serait partie d’un vol de tas d’or, il y’a une trentaine d’années. «Son histoire nous a été racontée car elle date de plus d’une trentaine d’années. On aurait appris qu’elle avait juré sur le saint coran sur une affaire de vol des bijoux précieux. Voulant couvrir la honte de la personne qui a volé les bijoux, elle a juré ne rien savoir. Donc elle a été victime de sa loyauté vers une amie. Imbue des valeurs morales, Fadi aurait choisi de jurer sur le coran pour protéger le nom de l’auteur du vol qu’elle en aurait pu salir à jamais. N’as-tu pas choisi la folie plutôt que la honte ou le déshonneur de celle qui a commis le vol des bijoux», a-t-il expliqué. Selon plusieurs sources concordantes à Goundam, la population retiendrait la même version des faits.
Symbole de solidarité et de la cohésion sociale
A en croire le professeur Traoré, Fadi Kanda n’est pas une folle comme les autres car elle n’est pas une marginale. «Malgré sa folie, elle intègre le monde des personnes normales, elle est présente aux mariages, baptêmes et certaines funérailles, pour dire combien c’est un être social. J’ai vu Fadi pleurer des morts et faire pleurer des proches parents par ses pleurs», a-t-il affirmé. Il reconnait en Fadi Kanda, une dame de cœur. «Je l’ai vue recevoir de l’argent des uns comme si signe de fraternité, et en donner à d’autres comme symbole de solidarité. Fadi est très différente des autres folles car elle aime tout le monde et reconnait tous les goundamiens à travers leurs familles respectives. C’est dire qu’à travers elle, tout Goundam devient un. Pour les goundamiens, elle représente un repère», a souligné M. Traoré. Pour lui, Fadi Kanda symbolise la cohésion sociale et la fraternité légendaire des goundamiens. «Fadi est un repère car malgré cette folie, elle s’exprimait correctement et prononçait des paroles plus sensées que celles sorties de la bouche de certaines personnes normales», a-t-il renchéri. «Je me rappelle d’une réception où elle avait accueilli l’hôte avec un bélier et lui demandait d’aller attacher de ses propres mains l’animal», a souligné Issa, un autre ressortissant de la ville de Goundam. Les avis divergent sur cette dame mais la majorité estime qu’elle est animée d’une volonté de solidarité et de générosité malgré son hostilité à l’égard des enfants dont beaucoup gardent un amer souvenir par ses jets de cailloux blessant certains d’entre eux. «Dès son arrivée à Goundam, les enfants très curieux, se ruaient en bande derrière elle et la suivait, ce qui l’agace parfois. Souvent elle adorait se promener longtemps avec un bébé avant de lui remettre avec des sous à sa maman à qui elle conseillait d’en prendre bien soin», a laissé entendre M. Issa.
Dire haut ce que les autres pensent tout bas
Fadi Kanda avait sillonné presque le Mali entier et une partie de l’Afrique comme une ambassadrice pour dire haut certaines vérités que d’autres pensent tout bas. Ainsi pendant l’occupation des régions nord du Mali, elle avait pris courage pour aller dire aux groupes armés de renoncer à leur idée d’indépendance et d’application de la charia sinon les FAMAs viendraient leur faire déguerpir.
Fadi Kanda avait également participé aux semaines locales et inter-quartiers de Goundam et faisait partie des meilleures danseuses du «Takanba.» Elle avait sillonné le Mali entier sans payer le moindre centime de frais de transport. Nombreux sont ceux qui se rappellent ses bisous sur les joues notamment des personnalités comme ATT, Alpha O. Konaré et d’autres stars.
Partie pour toujours…
Il était 17 h, samedi, 26 mars 2016 lorsqu’un taxi transportant Fadi Kanda s’arrêtait au train-gare à Rail-Da. «Elle était venue récupérer ses sous avec une dame. Elle souffrait. Nous (étudiants ressortissants de sa ville natale) avons tenté de l’aider mais après elle s’était dirigée vers l’hôpital Gabriel Touré pour ses soins. Depuis nous n’avions plus de ses nouvelles», nous a confié Kola Cissé, étudiant. Selon nos sources, son grand frère résidant à Goundam avait effectué le déplacement pour l’assister. Nul ne peut rien contre la volonté divine. Fadi Kanda tirait sa révérence le mercredi, 13 avril 2016 à l’hôpital Gabriel Touré vers 16 h. Son enterrement avait eu lieu à Baco Djicoroni ACI le lendemain vers 16 h. Des larmes ont beaucoup coulé et Goundam consterné. Pour le président du conseil de cercle de Goundam, M. Talfi Ag Hamma, c’est une grande perte pour Goundam car Fadi Kanda, était une «célébrité et la folle la plus populaire du nord Mali» qui avait sillonné tout le pays et l’Afrique. «Fadi est un patrimoine de Goundam qu’on devait immortaliser.
Laissant derrière elle quatre (4) enfants dont 2 filles, Fadi Kanda est partie pour toujours. Ses faits marquants les uns et les autres demeurent de souvenir indélébile.
Dors en paix Fadi Kanda !
Almoudou M.Bangou dit Ecrivain