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Hommage du Parena au Professeur Drissa Diakité : Éloge funèbre du Professeur Drissa Diakité

C’est donc en ce jour de vendredi 1er juillet 2022 qu’Allah le Tout-Puissant a décidé de te rappeler à lui, mettant ainsi fin à notre compagnonnage d’un demi-siècle au seul service du Mali.

 

Après l’école fondamentale et le lycée de Badalabougou, tu bénéficias d’une bourse d’études qui devait te conduire en France, précisément à Caen (Normandie) et à Paris où tu vas entamer des études d’histoire pour ensuite terminer par des études de la langue Bamanan à l’Inalco (Institut national des langues et civilisation orientales).

À plus d’un étudiant malien tu as su ouvrir les portes de cet Institut où, en tant qu’enseignant chercheur, tu as su éveiller leur curiosité à la découverte de leurs langues maternelles. Dès les premières années d’université, Drissa fit irruption dans l’activité militante estudiantine en adhérant à l’Association des étudiants maliens en France (AESMF) ensuite au Comité de défense des libertés démocratiques au Mali (CDLDM).

Outre la défense des intérêts des étudiants, Drissa s’engagea dans la formation des travailleurs migrants, ce qui l’amenait tous les soirs dans un foyer d’immigrés pour donner des cours d’alphabétisation en français à ses frères maliens.

L’étudiant devait parfaire sa propre formation à travers cette alphabétisation au sens où Paulo Freire l’entendait, c’est-à-dire l’alphabétisation en tant qu’acte de conscientisation politique. Ce processus de formation à la fois culturelle et politique se faisait dans le cadre du Comité de liaison Étudiants-Travailleurs (CLET). Les étudiants maliens apprendront à s’investir dans les luttes syndicales ouvrières organisées par les immigrés dans les foyers et entreprises.

Pendant cette période, Drissa joua un grand rôle dans la promotion de l’activité culturelle et artistique en tant que facteur de mobilisation de nos compatriotes dans la lutte démocratique. C’est au cours de cette période que l’activité politique se développa dans l’immigration, en particulier pour la défense des prisonniers politiques, notamment ceux de l’USRDA ainsi que les étudiants et syndicalistes qui étaient régulièrement victimes de la répression.

Drissa fut élu secrétaire de l’Association des étudiants maliens en France (AESMF) dans les années 1980. Il donna une impulsion nouvelle aux activités du syndicat étudiant. C’est précisément à partir de cette époque que l’activité politique clandestine connut un nouvel essor au Mali et dans l’immigration. En effet, outre « le Bulletin du peuple » proche du PMT (Parti malien du travail) à partir de Dakar, plusieurs organes de presse politique naquirent au nom des groupes politiques et dont ils étaient les représentants. Parmi ces organes, on peut citer le « Faso » pour le Parti malien pour la révolution et la démocratie, (PMRD) et « sur la Voie du Bolchevisme » (SVB) qui deviendra plus tard « Sanfin, la nuée » sous la direction de feu Mohamed Tabouré.

Drissa militait avec ses camarades dans la mouvance de « SVB » – « Sanfin ». Pour le groupe politique auquel appartenait Drissa, cette période fut débordante d’activités aussi bien sur le plan idéologique et politique que sur le plan organisationnel. Le groupe « SVB »- « Sanfin » participa activement à la préparation théorique, avec d’autres organisations politiques, de la révolution démocratique de Mars 1991.

Plusieurs camarades appartenant à cette mouvance regagnèrent le Mali et renforcèrent l’organisation à l’intérieur du pays. Parmi eux: le professeur Drissa Diakité qui avait fini ses études d’histoire et avait brillamment soutenu sa thèse de doctorat à l’Université de Paris1.

D’autres camarades l’avaient précédé notamment le professeur Yoro Diakité, l’éminent cinéaste Cheick Oumar Sissoko ou le professeur Many Camara qui ont joué un rôle de premier plan dans l’action clandestine. D’autres l’ont suivi comme feu Docteur Moussa Sow, l’économiste Konimba Sidibé, le Docteur Bréhima Béridogo. A ces brillants intellectuels engagés dont la présence va « booster » la lutte politique et démocratique à l’intérieur, il faut ajouter un étudiant en médecine Oumar Mariko et un magistrat en la personne de votre serviteur, Maître Amidou Diabaté.

L’action de ces intellectuels et intrépides combattants va donner un nouvel élan à la lutte démocratique et de nouvelles perspectives à la lutte politique. Drissa Diakité et ses camarades qui constituaient l’aile intérieure du mouvement vont porter sur les fonts baptismaux un nouveau groupe politique clandestin : « L’Union de lutte Tiémoko Garan Kuyaté » (ULTGK) dont l’organe de presse était « Gunkafalen », la Renaissance.

C’est le lieu de dire qu’une partie des camarades de l’aile extérieure de « Sanfin » dirigée par Tiebilé Dramé avait joué un rôle précurseur dans la constitution de l’ULTGK. Avec une conception rénovée de la révolution démocratique et populaire basée sur une stratégie et une tactique unitaires de toutes les forces de progrès, Drissa Diakité et ses camarades ont joué un rôle important dans la préparation de la révolution du 26 Mars 1991. Exemple de son esprit unitaire, Drissa a été signataire de lettre ouverte initiée par les camarades qui vont plus tard créer l’Adema Association, il s’apprêtait à s’investir dans un comité de soutien à la lettre ouverte. Il prit part à toutes les luttes syndicales des enseignants.

C’est dans ce contexte que lui-même et ses camarades, en alliance avec d’autres militants non affiliés, dont Maître Tall, Maître Demba Diallo, et Issiaka Traoré de l’UNTM ont décidé de créer le CNID dont le nom et l’hymne sont le fruit de son génie. A l’assemblée constitutive du CNID, Drissa fut élu non pas au Comité Directeur, mais pour diriger le bureau de relève clandestine au cas où le Comité Directeur tomberait sous le coup de la répression. Il était membre de toutes les structures d’organisation du CNID pour les meetings et les marches. Il était un des principaux organisateurs de la gigantesque marche du 30 décembre 1990 « Demokarasi, i sanbè-sanbè » dont il a été porte-parole avec Kadiatou Sow Salama. En janvier 1991, Drissa figurait parmi les concepteurs de la marche de fraternisation avec l’armée pour bien montrer que la lutte des démocrates n’était pas dirigée contre nos frères en uniforme.

Après la chute de la dictature et la victoire de la Révolution, Drissa accepte d’être nommé successivement aux cabinets des ministres Issa N’diaye et Charles Danioko à l’Éducation et à la Culture. Il a par la suite conseillé plusieurs ministres de l’Enseignement supérieur dont Moustapha Dicko qui lui a rendu un vibrant hommage dès l’annonce de son décès.

À l’heure de la construction du nouvel Etat, il devait apporter sa pierre. C’est ainsi qu’il revendique toute la production intellectuelle sous ces deux ministères pour la nouvelle construction éducative et culturelle. Le projet de la cité universitaire de Kabala qu’il a porté, participe de cette ambition de l’homme.

Sur le plan pratique, en faisant le tour de son cercle Kita et de son Birgo natal en  particulier, grâce à lui plusieurs écoles (1er et second cycles) ont ouvert leurs portes. Plusieurs classes furent construites. N’est-ce pas cela le prototype de l’homme politique nouveau, à la fois concepteur et bâtisseur ? N’est-ce pas là le sens de ces propos dans l’hymne du Parena qui est aussi son œuvre ?

Puissent les Drissa fleurir abondamment pour le bonheur de notre peuple ! Je terminerai ce propos par quelques témoignages d’autres militants du PARENA et d’autres partis pour montrer la dimension d’ouverture de l’homme. Drissa rime avec honnêteté, droiture, transparence, sens de l’honneur et de la dignité. Ses enfants peuvent être fiers de lui.

DrissaMon camarade, Mon ami, Mon frère, Tu as pleinement rempli ta part de devoir vis-à-vis du Mali.

Toi qui disais à tes enfants que tu dois tout au Mali en leur conseillant  de ne jamais l’oublier et ne jamais mépriser le peuple de ce pays.

Nous qui avons cheminé avec toi, nous témoignons de ton ardent patriotisme, de ton attachement viscéral au Mali auquel tu es resté reconnaissant toute ta vie.

Diakitela peut être fier de toi.

Puisse Allah le Tout-Puissant t’accueillir dans son jardin éternel et guider tes enfants sur le chemin que tu as tracé.

 

Par Maître Amidou Diabaté

Source : Mali Tribune

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