Les vecteurs russes
Les têtes nucléaires russes peuvent être installées sur plusieurs types de vecteurs.
Premier type de vecteurs : les missiles balistiques intercontinentaux qui dépendent des Forces de missiles stratégiques. Ces missiles équipent 12 divisions (soit une quarantaine de régiments).
À ces armes s’ajoutent des missiles tactiques SS-26 (Iskander) dont la portée est de 350 km. Le SS-26 équiperait 12 brigades à 12 lanceurs chacune (2 missiles par lanceurs).
Second type de vecteurs : les armes lancées à partir de bombardiers stratégiques de type Tu-160 Blackjack Tu-95MS Bear-H. Les renseignements américains estiment que les Russes disposent de 60 à 70 de ces bombardiers dont 50 sont en état d’alerte. Ces avions peuvent tirer des missiles de croisière AS-15 Kent (Kh-55) et les nouveaux missiles AS-23B (Kh-102).
Toujours dans le domaine aérien, il faut compter sur 500 têtes qui peuvent être tirées à partir des bombardiers Tu-22M3 (Backfire), des Su-24M (Fencer-D) et des MIG-31 ; les Su-34 (Fullback) équipent 4 régiments.
La composante navale n’est pas à négliger car elle est en mesure de tirer aussi bien des armes stratégiques que tactiques. On estime que 935 têtes sont en parc à bord de sous-marins lanceurs d’engins, de navires de surface capables de tirer des missiles et des torpilles.
La doctrine russe
Le 2 juin 2020, Vladimir Poutine signait l’oukase présidentiel n° 355 portant sur les Fondements de la politique d’État de la Fédération de Russie dans le domaine de la dissuasion nucléaire. Le texte indique bien que les autorités russes voient l’arme nucléaire exclusivement comme un moyen de dissuasion, dont l’emploi est une mesure extrême et forcée, comme le rappelle Laurent Gayard (du centre Raymond Aron de l’EHESS) dans un article de février dernier paru dans la revue Conflits .
Effectivement, selon une note de 2020 du ministère des Affaires étrangères russes, il existe quatre situations qui permettraient le recours par les Russes aux armes nucléaires.
D’abord, un tir de missiles balistiques confirmé par un ennemi de la Fédération de Russie contre son territoire ou celui d’un de ses alliés. Ensuite, l’utilisation d’armes nucléaires ou d’autres armes de destruction massive par un adversaire de la Russie et/ou de ses alliés. Ou une attaque contre des sites militaires ou gouvernementaux vitaux qui affaiblirait la capacité de riposte nucléaire des forces russes. Enfin, toute agression qui mettrait en péril l’existence même de la Fédération de Russie.
Ces quatre situations font bien référence à une agression extérieure initiale.
Toutefois, s’interroge Laurent Gayard, l’annonce assez surprenante de Vladimir Poutine (le 27 février) de la mise en alerte de sa force de dissuasion laisse toutefois la place à une supposition : faut-il que l’opération militaire en Ukraine ne se passe pas comme prévu pour que le discours du Kremlin monte aussi rapidement en puissance jusqu’à mettre en branle la dissuasion expressive ?.