L’assassinat de l’Imam Yattabari, voire l’insécurité ambiante ponctuée par une gouvernance chaotique suscitent en ce moment deux réactions majeures au sein des associations islamiques et pas seulement elles : la naissance progressive d’une clandestinité et l’émergence d’une tendance jeune et plutôt adepte du Talion (œil pour œil) à l’opposé des Ainés jugés trop tolérants puisque appelant constamment à la retenue… Une petite révolution à l’interne avec de possibles graves répercussions !
La naissance d’une clandestinité, disions-nous. La preuve : c’est dans une totale discrétion qu’un comité de crise s’est réuni vendredi dernier au siège du Haut Conseil Islamique. Aucun autre «corps étranger» ne fut admis à la rencontre. Aucune fuite, du moins incontrôlée !
A l’ordre du jour de cette réunion non secrète mais très restreinte et dont l’accès était réservé aux seuls initiés et responsables d’associations musulmanes dans le district de Bamako, l’adoption de mesures contre cette insécurité créée et entretenue par les gouvernants actuels pour, selon les participants, combattre la religion [l’Islam].
Mais pourquoi une réunion avec tant de précaution ? La décision des autorités visant à restreindre les sites de manifs et la pression par elles exercées ne sont pas étrangères à cette démarche. Disions-le franchement : la confiance n’est plus de mise à l’heure actuelle au Mali entre gouvernants et gouvernés, en l’occurrence, ceux-là assimilés à tort ou à raison ou jugés proche de l’opposition politique ou tout simplement ayant des griefs contre la présente gouvernance dont le principe est « pas avec moi, alors tu es contre moi ! ».
La nature ayant horreur du vide, en limitant les lieux de manifs, une manière d’interdire purement et simplement les manifestations dans le District de Bamako, l’Etat ouvre une voie royale à la clandestinité. Etrange qu’une telle décision, au demeurant, tombe sous le règne de l’actuel PM, un des pères fondateurs de la lutte clandestine au Mali. Il est vrai que les temps changent. Les hommes aussi ! Enfin, passons !
48 heures auparavant, les mêmes acteurs (les membres du HCIM) étaient en conclave au même endroit ! C’est ici que l’on assista, en tout cas pour la première fois, aux premiers pas, non d’une opposition au sein de la tendance Mahamoud Dicko, mais de la naissance d’une mouvance jeune désormais décidée à prendre les choses en main. Reprochant aux Ainés d’être trop conciliateurs et indulgents, ces Jeunes préconisent des réactions à la dimension des offenses : le Talion (lire encadré).
Ils n’ont pas caché leur intention d’extirper le présumé assassin de feu Yattabaré des locaux du commissariat de police du 3ème Arrondissement en vue de lui appliquer le Talion, un précepte du Saint Coran. Ils ont été dissuadés par les Ainés. « Trop c’est Trop » ont-ils continué à scander lors du meeting du Samedi dernier au Palais de la Culture auquel étaient invités plusieurs acteurs et associations de la société civile visiblement préoccupés par le sujet à l’ordre du jour.
Et lors des précédentes rencontres, l’on entendit certains d’entre eux promettre de basculer dans la violence, au besoin en réaction au laxisme voire à la complicité des autorités. Autant dire que les Aînés ont actuellement du mal à les contrôler. Et la pression se fait de plus en plus forte.
Par ailleurs, toutes les victimes et autres mécontents du système, qu’ils soient politiques et apolitiques, semblent solidaires de cette tendance va-t-en-guerre du Haut Conseil Islamique qui aspire à prendre le pouvoir et engager un bras de fer avec les pouvoirs publics. Vu sous ce prisme, le régime en place peut remercier les Ainés dont Mahamoud Dicko résolument opposés à toute forme de violence. Mais pourquoi combien de temps parviendront-ils à contenir une horde dont le combat est chaque jour légitimé par une insécurité artificielle ?
B.S. Diarra
L’application de la peine de mort et la Loi du Talion selon le Coran :
Les partisans de la manière forte au sein du HCIM préconisent l’application de la peine de mort et la Loi du Talion, deux principes prévus par le Coran. Et force est de l’admettre, de nature très dissuasive contre les assassins lesquels semblent être à l’aise avec les législations en vigueur et l’absence d’une justice appropriée. Lisez plutôt
Al-Nisa’ (4:93) :
«Celui qui tue volontairement un croyant aura la Géhenne pour rétribution ; il y demeurera à jamais. Dieu exerce sur lui Son Courroux. Il l’a maudit et lui a préparé un châtiment terrible»
AL-baqara (2:178)
«Ô vous qui croyez ! Le talion vous est prescrit en cas de meurtre : l’homme libre pour l’homme libre, l’esclave pour l’esclave, la femme pour la femme. »
Pour autant, le Coran a laissé la décision finale en ce qui concerne l’application du talion aux proches de la victime. Ceux-ci peuvent donc tout autant demander l’application du talion que de pardonner au tueur :
Al-Isra (17:33)
« N’attentez pas à la vie d’un être humain, que Dieu a rendue sacrée, sauf pour une juste cause. Si un homme est tué injustement, Nous avons donné à son principal héritier le pouvoir d’exiger réparation. Mais que celui-ci ne commette pas d’excès dans l’exercice du meurtre puisqu’il bénéficie déjà d’une assistance de par la loi. »
AL-baqara (2:178)
« Mais celui à qui son frère aura pardonné de quelque façon devra accéder à une requête raisonnable et s’acquitter loyalement du dédommagement. C’est là un allégement accordé par votre Seigneur, et une miséricorde. Quiconque, après cela, transgressera la règle encourra un châtiment douloureux. »
Source : le Coran
La Sentinelle