C’est un doux euphémisme que de dire que le Mali est à la croisée des chemins. Sans aucune espèce de catastrophisme, le pays joue sa survie, presque comme en 2012 quand les institutions de la République se sont effondrées comme château de cartes et qu’une bande d’illuminés narco-rebelle s’est rendue maître des 2/3 du territoire national à la suite indistinctement de replis tactiques et de débandades des Forces de défense et de sécurité. Le spectre d’un écroulement du pays n’a jamais été aussi présent depuis 2013. Nonobstant les efforts colossaux prétendument consentis, les Forces de défense et de sécurité en proie à des attaques meurtrières récurrentes restent vulnérables. Les lourds bilans humains et matériels au camp de Dioura réduit en cendres par les terroristes, du camp de Boulikessi, et à présent de celui de Indelimane, sont peu rassurants. C’est une lutte du pot de terre contre le pot de fer peut-être, mais c’est une lutte qu’on aimerait tous et toutes pouvoir mener et gagner, contre la logique obscurantiste qui emporte tout sur son passage, qui flingue les vies et les rapports sociaux, qui flingue la nature et les êtres humains.
Le corollaire, est la désaffection du terrain par l’administration, la non-fourniture des services sociaux de base, la tentation de certaines populations à prêter oreille aux chants de sirène des jihadistes suite à l’ancrage d’un sentiment d’abandon…
Quand le Président de la République, dans son adresse à la Nation de ce 4 novembre alerte : « les seigneurs de guerre du terrorisme international au Sahel continuent leur croisade obscurantiste sanglante avec l’objectif évident de détruire nos institutions, notre pays et nos pays », il semble prendre la pleine mesure de la gravité de la situation qui est la nôtre. L’appel au sursaut national qu’il lance aux Maliens, logiquement, devrait s’appuyer sur la mise en place d’un dispositif politico-institutionnel et sécuritaire à hauteur de défi.
Le Mali a besoin d’une offre politique lisible porteuse de grands espoirs, non de mesurettes et autres combinazzionne d’une mafia rapace qui fait OPA sur la République. Or, pour le renouveau promis pour l’avènement du Mali kura, les avancées se font à vitesse d’escargot. Le pouvoir doit être capable de proposer des réponses socialement et politiquement ajustées au plus près des aspirations des populations. Pour cela, un coup de pied dans la fourmilière ou en restant dans le politiquement correct, faire le ménage ou le grand ménage.
À l’évidence, notre gouvernance actuelle traîne le boulet de responsables qui ne sont manifestement pas à leur place, quand on peine à se faire l’idée que le cimetière est plein de gens qu’on croyait indispensables. Tout le monde n’est pas à sa place, sinon les choses iraient beaucoup mieux sur cette terrade malienne. Et le degré d’indulgence, préoccupant, tranche avec la réprobation massive des incompétences et laxismes constatés à divers niveaux. Le sursaut national, c’est de faire en sorte que la compétence, l’intégrité, la vaillance prennent le pas sur la médiocrité et le clientélisme qui gangrènent nombre de nos services.
Un des artifices est le déploiement de certains généraux au front. Mais, il est connu qu’un général n’a pas vocation à faire le boulot d’un homme de la troupe, porter l’arme et monter à l’assaut de l’ennemi. Que se passerait-il d’ailleurs si les assaillants devaient capturer le CEMGA ou son adjoint ?
Mais, il ne s’agit pas d’apaiser les humeurs d’une population versatile et passablement choquée par les tragédies successives par l’envoi de figurants au front. Il s’agit plutôt, à défaut d’un chambardement, de trouver une stratégie innovante adaptée à la nature de la menace. Il s’agit de déployer les effectifs nécessaires, avec les moyens à hauteur d’ambition. Il s’agit aussi et surtout de professionnaliser l’armée où les ordres du chef sont exécutés sans murmures et sans hésitations.
The last, not de least, il faut résister à la tentation de l’économie de guerre qui permet de faire facilement fortune au prix du sang versé par d’autres, de la stabilité du pays qui part en vrille. Parce que cette économie implique vouloir la paix, d’une part, et attiser la violence, de l’autre, seul moyen pour les prédateurs d’assouvir leur âpreté au gain.
PAR BERTIN DAKOUO
Source: info-matin