Pour la deuxième fois en deux petites semaines, le peuple malien est sorti massivement, comme en grappes, pour réclamer la démission d’Ibrahim Boubacar Keïta. Ce second round du combat a tenu en haleine tout le pays, mais il a surtout mis à nue le pouvoir claudiquant contraint désormais à dévoiler sa vraie face, la répression. Au regard de l’égo démesuré du locataire du palais de Koulouba, les épisodes prochains s’annoncent rudes.
La déferlante humaine qui a occupé le Boulevard de l’indépendance ce 19 juin est l’expression claire que IBK et son régime sont non seulement vomis par les Maliens qui ne peuvent plus supporter leurs errements et multiples dérèglements innommables, mais qu’en plus le peuple, désormais debout sur les remparts, est résolu de mourir, s’il le faut, afin que la patrie soit libérée de la dictature prédatrice. C’est ce message sans ambiguïté qui a été délivré partout par nos concitoyens. A Sikasso, la nation, tel un essaim d’abeilles, est montée sur le tertre du Mamelon, haut lieu historique qui rappelle le sacrifice ultime des fils du terroir résolument engagé contre l’occupation étrangère qui a aujourd’hui le visage de l’autocratie qui s’est emparée du Mali depuis 2013.
La cité des rails, Kayes la première région administrative du pays, meurtrie par plusieurs douloureux évènements ( coronavirus, bavures policières…), a donné de la voix par une vigoureuse dénonciation des malheurs causés à la patrie malienne par un Mandé Mansa plus attaché à la flatterie et à son confort personnel qu’à la résolution des problèmes des citoyens, et encore moins soucieux du bonheur de ces compatriotes. Ségou et Mopti ne sont pas demeurés en reste. Aux U.S.A. comme en France, les Maliens ont dénoncé avec véhémence les crimes du régime d’IBK avec une colère forte qui montre leur désir ardent d’un changement radical dans la conduite des affaires du pays. Autant dire que les citoyens maliens, de l’intérieur comme de l’extérieur, aspirent à la gestion juste, égale et égalitaire de leur pays, condition du bonheur partagé malheureusement contrarié parce qu’une oligarchie vagabonde tient tout simplement les rênes de l’Etat.
Le 19 juin a administré des leçons que le président doit comprendre et faire l’effort d’assimiler pour ce qui lui reste à vivre sur cette terre d’Allah. Parmi ces bonnes leçons, il y a à savoir qu’il existe et qu’il existera toujours de bons Maliens qui, même si c’est la moelle de leurs os qui mal agit avec la patrie, ils l’enlèveront de leur corps ; ceux-là ne se laisseront impressionner par aucun fauve, ni par aucune répression. Ceci compris, la communauté internationale, à travers les médias et la haute délégation de la Cedeao ; aura noté que le M5-RFP est un mouvement patriotique vrai qui sait organiser une mobilisation d’envergure dans une parfaite maîtrise des citoyens pourtant remontés à bloc contre le régime incapable de se réformer.
Il n’y a eu ni casses, ni jets de pierres, encore moins d’utilisation de manchettes, pour ne citer que quelques pratiques qui font la sinistre réputation de certains haut perchés qu’on n’a plus besoin de nommer. Au contraire, et c’est important à souligner, il y a eu, pour le bonheur des manifestants, des porteurs d’eau, des équipes de soignants, des femmes armées de balais pour nettoyer les ordures, tout pour montrer lutter pour la patrie ne s’accommode pas du répréhensible. Et pourtant, pour empêcher la réussite de la mobilisation citoyenne, ce ne sont pas les écueils et les provocations qui ont manqué. Dans sa panique, le pouvoir a fait en sorte que les Sotramas et autres véhicules de transport en commun ne roulent pas afin de ne pas avoir à transporter le peuple vers le monument de l’indépendance. Cet acte, qui ne va pas sans débauche d’argent comme le régime est habitué à le faire, a été nul et de nul effet sur la grandeur de la mobilisation. Juste le temps d’une étoile filante, de petits groupes stipendiés avec l’argent public ont été vus criant un soutien hypothétique à IBK et aux institutions.
Cette hilarante manœuvre ne pouvait pas prospérer puisqu’aucune tête d’affiche du camp présidentiel ne pouvait s’humilier de se montrer publiquement en dindon. Lorsque le souverain honni, vautré dans les lambris dorés du palais de la République, a fait barricader les voies menant à Koulouba pour empêcher la délégation du peuple de monter lui remettre
la lettre de demande de démission, il a peut-être cru qu’il envoyait par-dessus la tête des frondeurs une bombe démoralisante qui pouvait se révéler déstructurante. Inspiré par la sagesse malienne et par la foi en Dieu, sans doute parce que le Seigneur Très Haut témoigne de la pertinence du combat national, l’Imam a détruit le projectile perfide dans son vol en demandant au peuple, au nom de sa mobilisation au chevet du Mali, de se retirer tout bonnement en rentrant à la maison. Il venait de sauver la révolution en marche d’un enlisement qui aurait pu affecter son cours, mais pas anéantir son objectif. Cela est sûr, un peuple qui crie sa colère et tous les viols qu’il ne cesse de subir n’est pas un ours qui danse.
Dans l’attente des épisodes prochains de la lutte populaire, il faut se demander si l’historien Ibrahim Boubacar Keïta a bien appris ses leçons. Ou peut-être s’il n’est pas installé dans un ‘’Je m’en foutisme’’ suicidaire.
Pour l’heure, il donne en tout cas l’air de ne rien comprendre au sens de l’histoire. Il feint de ne pas savoir, et pourtant il est avisé, que chaque fois que les injustices, les trahisons et les oppressions atteignent un seuil insupportable, les peuples n’ont d’autre alternative que de chasser les souverains pour nettoyer leurs écries infestées outre mesure. Ces nettoyages prennent des formes diverses.
La belle France n’a pas hésité à guillotiner ses rois et ministres. Au Mali, l’histoire a aussi ses cahiers. Dans des conditions quelque peu semblables à celles d’aujourd’hui, Général Moussa Traoré, que l’on a empêché d’aller à son congrès extraordinaire de l’UDPM afin de décider de l’ouverture démocratique, a quand-même eu la politesse et la courtoisie de recevoir au palais de Koulouba la délégation citoyenne dépêchée pour lui remettre la lettre de demande de sa démission. Un dictateur d’un autre temps est certainement mieux qu’un démocrate frelaté des temps d’aujourd’hui. Sans aucun doute, Allah ou Dieu, ne soutient pas un injuste. IBK doit à présent méditer sur les démissions forcées de Robert Mugabé ou de Bouteflika, ou de se moquer du refus de démission du puissant général Hosni Moubarak, vieil homme de 90 ans qui n’a compris son erreur monumentale qu’au moment où on le déposait en prison. Là, il a pleuré à chaudes larmes, peut-être les larmes qu’il n’aurait jamais dû verser.
Amadou N’Fa Diallo