Dans un nouveau rapport de l’Office Central de Lutte contre l’Enrichissement Illicite (OCLEI) publié il y a quelques jours, il est révélé une saignée financière à l’Institut National de Prévoyance Sociale (INPS). Les hauts cadres de cette institution se partagent plus de 132 millions par mois comme salaires. L’information a soulevé un tollé au sein de l’opinion nationale, dans un pays où plus de la moitié de la population peine à avoir deux repas par jour.
Aujourd’hui, la lutte contre la corruption est devenue un sujet clé dans le pays, surtout avec les arrestations de plusieurs personnalités du pays, depuis la publication du rapport du bureau du Vérificateur général. Le cas de l’Institut National de Prévoyance Sociale fait réagir tout le monde à nouveau. Après l’audit de l’Institut, il a été constaté des irrégularités qui mettent en cause trois anciens dirigeants.
En 2018, les rémunérations des trois dirigeants de l’INPS, à savoir le Directeur général, Brehima Noumoussa Diallo, le Directeur général adjoint Seydou_Siaka_Diarra, et l’agent comptable, Modibo KEÏTA, se sont élevées à 1, 584 milliards de FCFA, qui représentent 7% de la masse salariale de de l’Institut.
Ces trois cadres dirigeants n’ont pas hésité à s’octroyer un salaire exorbitant qui répartit comme suit : Directeur général (DG): 52, 724 millions de francs FCFA par mois, Directeur général adjoint (DGA): 38, 575 millions de francs CFA par mois et enfin l’agent comptable : 40, 759 millions de francs CFA par mois. En intégrant les charges sociales, leur coût salarial est évalué à 1, 900 milliards de FCFA. Ces avantages sont attribués par le Conseil d’administration dont fait partie son président, Mamadou Sinsy Coulibaly alors que ce dernier est un farouche combattant contre la corruption.
Il s’agit notamment; de la ristourne annuelle pour comptable de 0,5/1000 du total bilan, accordée à l’agent comptable et l’indemnité de mission que l’ancien Directeur adjoint et l’ancien agent comptable ont perçus, soit respectivement 498, 587 millions de francs CFA et 1,741 de francs FCFA au titre des indemnités de fin de fonction et de départ à la retraite en violation de la loi.
En fixant ces rémunérations maintenues pendant des années malgré leur incidence sur le régime dont la situation financière était déjà précaire, le conseil d’administration est complice dans la descente en enfer de l’INPS. Ces rémunérations constituent par ailleurs un facteur d’iniquité sociale dans un organisme dont 60% des bénéficiaires de pensions sont en dessous du SMIG et une menace pour sa viabilité financière.
De simples frais de mission s’élevant à 3, 410 milliards sur la période 2015 à 2018 ne sont jamais justifiés par des pièces probantes. Seuls la fiche de décompte et l’ordre de mission ont permis de comptabiliser ces frais qui ont intégré les coûts des billets d’avion qui sont entièrement payés en espèces. La Direction Générale de l’INPS a effectué d’importants investissements administratifs et sanitaires sur la période de 2015 à 2018. Ces investissements sont évalués à 45, 156 milliards de FCFA, dont 14, 137 milliards en 2017 et 23, 223 milliards en 2018. Contrairement à l’article 225 du code de Prévoyance Sociale qui dispose que 90% des fonds de réserve doivent être placés en fonds en ou en valeurs, ou investis dans des entreprises ou institutions, les investissements administratifs et sanitaires en 2018 représentent à eux seuls plus de 15 % des fonds de réserve en violation du code des marchés dont la plupart des marchés ont été structurés. Pourquoi les dirigeants de l’INPS étaient-ils motivés à investir autant de ressources d’un organisme dont la situation financière était déjà précaire de surcroît dans l’acquisition pour une branche qui a accumulé plus 22,997 milliards de pertes en 4 ans devant normalement être fermés ? En dehors de ces investissements, la Direction générale de l’INPS a acquis des biens immobiliers qui ont été structurés : le titre foncier (TFN°578/ CIII et N°582/CIII de la commune 3 du district de Bamako et d’un appartement à Aubervilliers (France).
Lesdites parcelles ont été vendues par l’État malien par le biais de la Direction générale des Domaines et du Cadastre en septembre 2017 à un particulier pour un prix total de 30, 157 millions de FCFA. Ce dernier les a cédées dans les mois à un particulier pour un prix total de 90 millions de FCFA avant qu’elles soient achetées en février 2018, soit 2 mois plus tard, par l’INPS à 1, 849 milliards auxquels s’attachent les frais et émoluments du notaire s’élevant à 534, 418 millions. Les terrains ont été surfacturés à l’INPS avec un manque à gagner de 2, 3 milliards.
Quant à l’acquisition de l’appartement à Aubervilliers (France), elle a été effectuée pour un montant total décaissé de 650.000 euros, soit 423, 372 millions FCFA. À la demande du notaire malien, une partie de cette somme, soit 293 000 euros (192,195 millions FCFA) a été virée à la comptabilité du notaire désigné par les parties cédantes en France et le reliquat de 357 000 euros (234,177 millions) sur le compte bancaire d’un des vendeurs au Mali. Cependant, l’attestation par le notaire français indique que la vente a été conclue à un prix d’acquisition de 293 000 euros. Le virement du montant effectué au Mali n’intègre pas les honoraires des deux notaires s’élevant à 85,072 millions de FCFA.
La non-maîtrise des dépenses techniques et l’exécution excessive des dépenses d’investissement et de fonctionnement ont contribué à fragiliser la situation financière de l’INPS qui, fin 2018, ne disposait que d’une trésorerie nette de 26, 3 milliards contre une dette à court terme évaluée à 38, 5 milliards. On note également une augmentation drastique des honoraires, des frais de maintenance et des frais de formation qui sont passés de 1,026 milliard en 2015 à 5, 173 milliards en 2018 avec un total de 12, 516 milliards sur la période. Pendant que d’autres Maliens meurent de faim, ces hommes (braqueurs de la République) ramassent tout l’argent du peuple. Il faut être inconscient pour s’attribuer de tels salaires dans un pays dans lequel 90% du peuple vit sous le seuil de pauvreté, qui n’ont donc pas 500 FCFA / jour pour manger.
La justice doit s’investir dans ce dossier.
Lansine Coulibaly
Source : LE COMBAT