Un bain de jouvence… Les 21 et 22 octobre, le président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) a eu droit aux fastes d’une visite d’État en France – une première depuis l’indépendance.
Audiences avec les plus hautes autorités de la République, Champs-Élysées et bâtiments publics pavoisés aux couleurs du Mali, honneurs militaires aux Invalides, conférence à la Sorbonne… Sans parler des promesses de financement (plus de 3 milliards d’euros) reçues lors de la conférence internationale « Bâtir un Mali émergent », qui s’est tenue au siège de l’OCDE. Pendant ces quarante-huit heures, choyé par la France et par les partenaires techniques et financiers, après deux années de mandat, IBK aura savouré son retour en grâce.
Cette apothéose diplomatique, il la doit en grande partie à la signature en juin, à Alger, d’un accord de paix censé enterrer la hache de guerre entre les autorités maliennes et la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), qui réunit les groupes armés touaregs.
Si la potion est amère, puisqu’elle ouvre la voie à une décentralisation tellement poussée que ses détracteurs, au Mali, dénoncent les prémices d’un fédéralisme des régions du Nord frisant l’autonomie, la communauté internationale y voit quant à elle la solution de la dernière chance pour un pays en souffrance, dont de vastes pans de territoire ne sont plus totalement contrôlés par l’État et où des milliers de réfugiés n’ont encore pu regagner leur terre.
Le 19 octobre, jour de rentrée scolaire à Kidal, le ministre de l’Éducation a dû renoncer in extremis au projet de se rendre dans ce bastion touareg du Septentrion
Une fois les lampions éteints, c’est cette réalité moins glorieuse qui attend à Bamako le chef de l’État, dont la gouvernance n’a rien d’une sinécure. Le 19 octobre, jour de rentrée scolaire à Kidal, le ministre de l’Éducation a dû renoncer in extremis au projet de se rendre dans ce bastion touareg du Septentrion. Nouveau camouflet infligé au gouvernement par les chefs de la ville rebelle, qui dissuadent depuis deux ans les représentants de l’État central d’y poser le pied.
En mai 2014, pour avoir bravé cet interdit, Moussa Mara, alors Premier ministre,avait provoqué une tragique réaction en chaîne. Ajournées à trois reprises, les élections communales et régionales prévues ce 25 octobre ont été reportées sine die. Signe que le régime ne peut organiser ce scrutin tant attendu sous peine d’entériner une partition du territoire entre le Mali gouverné par Bamako et un mythique Azawad, devenu le laboratoire d’une « discrimination positive » à la malienne.
Le début du mandat d’IBK est entaché de soupçons de scandale et de népotisme
Si IBK bénéficie d’une confortable majorité à l’Assemblée nationale, son opposition (ouvertement) et les principaux partenaires du régime (en off) ne se privent pas d’exprimer leur scepticisme. Le début de son mandat est entaché de soupçons de scandale et de népotisme. On critique également son goût du voyage à l’étranger au détriment du pays profond, l’insécurité grandissante dans des régions jusque-là préservées – y compris Bamako comme le montre l’attentat du 20 novembre contre l’hôtel Radisson Blu qui a fait 22 morts -, sans parler du bilan mitigé, aux yeux des Maliens, des opérations Serval et Barkhane et de l’action de la Minusma. Tandis que l’armée française est soupçonnée de tropisme pro-Touaregs, les Casques bleus se voient, eux, reprocher une neutralité de mauvais aloi.
« On ne balaie pas la chambre pour mettre les déchets sous le lit », dit un proverbe local. Pour nombre de Maliens, voir flotter sur l’avenue mythique de la capitale française le drapeau vert, or et rouge de leur pays ne saurait atténuer la douleur de ne plus le voir orner le gouvernorat de Kidal.
Mehdi Ba