Elles ont d’indéniables atouts pour contribuer à la construction de la paix, à la réconciliation et au vivre ensemble des communautés déchirées par les conflits

En prélude à la 14ème édition du Forum de Bamako portant sur le thème « Paix, sécurité et développement dans la bande sahélo-saharienne : défis de la mutualisation des dispositifs de sécurité et enjeux du développement et de la gouvernance », la fondation Forum de Bamako, en collaboration avec ONU Femme Mali a organisé un mini-forum sur la thématique genre et paix. Ce « pré forum » a pour objectif d’éclairer davantage le rôle des femmes et des organisations féminines dans la consolidation de la paix à l’intérieur de l’espace sahélo-saharien. Durant deux jours, les participantes apporteront des éclairages et des éléments de réponse aux questions de réconciliation, de consolidation de la paix, de réparation des préjudices, de consolidation de la cohésion sociale et de représentativité des femmes au sein des organismes de gestion post-crise. La cérémonie d’ouverture s’est déroulée hier à l’hôtel Salam sous la présidence de Kabiné Komara, ancien Premier ministre de la Guinée et actuel Haut commissaire de l’OMVS. Il avait à ses côtés Mme Sangaré Oumou Ba, ministre de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille et plusieurs membres des organisations féminines.

Il s’agit au cours de ce pré-forum, sur la base des expériences des organisations féminines des pays de la bande-sahélienne d’une part, et celles des organisations d’autres zones du continent et d’ailleurs confrontées ou ayant été exposées aux mêmes crises, d’évaluer l’apport intrinsèque des femmes dans la construction de la paix, la réconciliation et le vivre ensemble des communautés déchirées par ces conflits.

Sur ce point, Kabiné Komara a cité l’expérience des femmes de l’Union du fleuve Mano. Ces dernières, a-t-il rappelé, sont arrivées par leur intelligence et leur opiniâtreté à mettre un terme à l’une des guerres les plus sanglantes qu’a connues l’Afrique de l’ouest, à savoir la guerre du Libéria qui a duré 14 ans. Elles avaient pris conscience de la gravité du conflit qui était en train d’absorber les ressources humaines, matérielles et financières de trois pays – le Libéria, la Sierra Leone et la Guinée -, tous membres de l’organisation sous-régionale la Mano river union. Dans leur action, les femmes ont choisi de jouer sur les cordes sensibles des trois chefs d’Etat. « Ce geste héroïque leur a valu la reconnaissance de l’ONU qui leur a octroyé une distinction de reconnaissance le 10 décembre 2013 », a précisé Kabiné Komara.

Quels sont les atouts dont peuvent user les femmes dans leur combat pour la paix ? Pour l’orateur, les femmes sont le socle et les dépositaires d’une culture traditionnelle qui leur attribue un rôle prééminent dans l’administration de la cohésion familiale et sociale, la perduration et la transmission des valeurs fondatrices du vivre ensemble. Elles savent mieux que quiconque s’inspirer des mécanismes traditionnels de gestion et de résolution des conflits. Ces rôles donnent donc aux femmes la capacité d’éteindre les conflits les plus désespérés. « Ce qui est valable pour les femmes de la Mano River est valable pour vous, les femmes de l’espace sahélo-saharien, et particulièrement vous les femmes du Mali dont le courage et l’intrépidité sont reconnus de tous », a-t-il dit.

Mais le plus important, c’est de prévenir les conflits.  Pour cela, Kabiné Komara a estimé que les femmes doivent se battre contre toutes les formes d’exclusion. Car c’est justement l’exclusion qui provoque les frustrations, les mésententes, la discorde et les conflits. Parmi ces exclusions, l’ancien PM a cité l’exclusion économique, sociale et politique.

Concernant l’exclusion économique, l’ancien chef du gouvernement guinéen a conseillé aux femmes de se battre afin d’être insérées dans le tissu économique et de contribuer à la création de richesses dans nos pays. S’agissant de l’exclusion sociale, Kabiné Komara a estimé pense qu’il est essentiel que les femmes unissent leurs efforts pour que l’Etat soit équitable et prévoyant, en mettant en place une politique rationnelle d’aménagement du territoire, qui permet de créer des chances et des opportunités similaires partout ou le citoyen se trouvera.

Puisque c’est le pouvoir politique qui oriente toutes les autres décisions, Kabiné Komara a invité les femmes à prendre d’assaut les partis politiques et les associations. « Apportez vos voix et vos contributions pour que les décisions stratégiques qui façonnent et orientent la vie présente et future de votre pays ne se passent pas de vous. Surtout soyez intrépides et courageuses pour vous battre, gravir tous les échelons et hiérarchies étatiques, parlementaires et autres », a-t-il conseillé. « Sachez que plus vous serez nombreuses, plus vous serez écoutées. Plus vous serez écoutées, plus vous serez respectées, et plus vous serez respectées, plus vous serez des modèles de référence qui bâtiront la paix dans le conscient et le subconscient de vos enfants, de nos frères et de vos maris, bref de toute la société », a indiqué Kabiné Komara. « Vous êtes le dernier rempart de nos familles et de nos nations. Aussi vous ne devez abdiquer en rien, car vous êtes les mieux placées pour jouer le rôle de gardiennes et de garantes de nos valeurs de solidarité et d’honneur », a t-il soutenu.

F.NAPHO