«La France expulsée du Mali» ! Tel était le sujet de l’émission «Géopolitique» de «radiofrance» le mardi 16 août 2022. Un résumé de l’émission met en évidence une ressemblance entre le retrait de la France du Mali et celui des Etats-Unis de l’Afghanistan. L’émission a aussi mis en évidence les failles des interventions de la France dans ses ex-colonies.
15 août ! Cette date symbolise désormais le retrait du dernier soldat de l’opération française Barkhane du Mali suite à la rupture du Traité de défense et des accords militaires liant les deux pays. Du moins officiellement puisque nous savons tous que les Français ne se résoudront pas de si tôt à quitter notre pays. D’ailleurs installés au Niger voisin, la porte d’à côté, leur absence peut être encore plus déstabilisatrice que leur présence effective sur notre territoire.
La preuve est que le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale a également saisi le 16 août 2022 le Conseil de sécurité pour réclamer une réunion d’urgence sur la situation dans notre pays. Dans sa lettre, le chef de la diplomatie malienne dénonce des violations répétées de l’espace aérien du Mali par la France. Il est reproché aux Français aussi de collecter des renseignements dans notre pays afin de les fournir à certains groupes terroristes à qui ils livrent également des armes et des munitions. Et naturellement que le gouvernement a les preuves de toutes ces accusations.
En tout cas, la France a officiellement mis fin à son déploiement au Mali le 15 août dernier. Et pour nos confrères de «radiofrance», cette date marque également le début de «la débâcle étasunienne d’Afghanistan. Le message est clair : les Américains sont partis de Kaboul dans le chaos ; nous évacuons le Mali en bon ordre, à la date prévue et dans l’honneur». Et ce choix ne manque pas naturellement de cynisme.
En effet, nous savons que l’Afghanistan est à nouveau tombé entre les mains des talibans le 15 août 2021 après de nombreux et violents combats dans tout le pays. Débuté le 1er mai 2021, le retrait des troupes américaines a été le début d’une longue offensive des talibans qui ont totalement repris le contrôle militaire du pays en récupérant ville après ville. Dans la logique française, notre pays va aussi sombrer dans le chaos «jihadiste» avec le retrait définitif de la France et de ses alliés européens. Sauf que le Mali n’est pas l’Afghanistan.
Et cela même si, comme ce pays, le nôtre est devenu un enjeu capital dans la géopolitique des grandes puissances. D’où «l’obsession» des médias de la propagande française (RFI, France24) et des mercenaires de la France-Afrique sur les réseaux sociaux contre nos autorités transitoires dont «la volonté est de remettre le pays sur les rails» en rejetant toutes les attitudes paternalistes.
D’ailleurs, le résumé de l’émission (qui se démarque de la position officielle de la France au Sahel) rappelle que «cette petite démonstration infantile souligne plutôt les similitudes avec l’opération afghane de Washington : comme les Américains en Afghanistan, nous sommes restés trop longtemps, avec notamment 20 ans pour eux et 9 ans pour nous».
Toujours la même stratégie, toujours le même échec
Mais surtout, poursuivent nos confrères, «comme les Américains en Afghanistan, nous avons prétendu battre des organisations djihadistes locales ou internationales avec des moyens militaires et non du contre-terrorisme. Dans les deux cas, c’était perdu d’avance» ! Et cela, indique-t-on, «non pas que l’armée française ait démérité au Mali, mais toutes les victoires tactiques d’une armée expéditionnaire ne produisent à la fin que des échecs stratégiques. Au fur et à mesure, l’ennemi s’aguerrit, se renforce et gagne en prestige» !
D’un conflit qui, en 2013, restait confiné aux marges du désert algérien et au nord du Mali, on aboutit aujourd’hui à au moins trois pays impliqués : Mali, Niger, Burkina Faso ! La Côte d’Ivoire, le Ghana et surtout le Togo ont déjà essuyé des attaques terroristes. L’année dernière, selon «Géostratégie», plus de 2 500 actes terroristes ont été recensés entre trois pays (Mali, Niger, Burkina Faso) faisant 6 000 morts. L’échec des opérations Serval puis Barkhane a été cuisant.
Selon les animateurs de l’émission, Paris a fait au Mali de la «Françafrique» à l’ancienne, c’est-à-dire envoyer l’armée d’abord, papoter ensuite. «En 60 ans, la France est intervenue pas moins d’une quarantaine de fois en Afrique et toujours de cette façon», ont-ils déploré. Et cela contrairement à la Grande-Bretagne (l’autre ancienne puissance coloniale) qui n’est intervenue militairement qu’une fois depuis les indépendances : en Sierra Leone en 2000 sous Tony Blair.
«De plus, la France au Mali s’est mêlée de politique intérieure malienne en soutenant par exemple des organisations touarègues au nord du Mali, les dédouanant de l’opprobre jihadiste pour leur confier un rôle de maintien de l’ordre», ont-ils rappelé. Déjà à l’époque coloniale, a souligné l’équipe de «Géopolitique», les militaires et responsables français avaient un faible pour les «hommes bleus» du désert qu’ils considéraient comme «des guerriers valeureux. Des seigneurs en somme». Et «les réflexes reviennent vite». Hélas !
«La France est l’un des seuls pays du monde occidental à avoir fait de l’Afrique une priorité stratégique. Mais, il faut que Paris purge son passé et ses pratiques coloniales si elle veut avoir un avenir en Afrique», conclut le résumé de l’émission. En tout cas, les Maliens voire les Africains sont de plus en plus conscients de leur poids géopolitique et géoéconomique pour continuer à nourrir des complexes d’infériorité à l’égard de quiconque !
Moussa Bolly
Avec «radiofrance»
Source : Le Matin