(B2) Après 14 mois de présence, les Allemands ont mis fin à l’engagement de leurs hélicoptères de combat Tigre dans la mission des casques bleus au Mali (MINUSMA). Les quatre hélicoptères et 363 militaires du 36e régiment d’hélicoptères d’attaque Hessian de Fritzlar rentrent au pays
Soutien rapproché, surveillance..
Ces hélicoptères de combat ont été utilisés dans la Minusma « environ 185 fois », indique la Bundeswehr. Ils ont rempli plusieurs types de missions. Tout d’abord, le soutien aérien rapproché quand les forces terrestres ont été attaqués. « L’utilisation des armes [dont sont dotées l’hélicoptère] n’a jamais vraiment été nécessaire » racontent les Allemands, « les attaquants s’enfuyaient à l’arrivée du Tigre ».
… et show of force
Les convois de troupes des Nations Unies étaient souvent escortés depuis les airs pour les protéger des attaques ou les avertir des endroits dangereux. Les Tigres ont aussi été utilisés pour surveiller les routes importantes ou les points de terrain. Enfin, ils ont fait du ‘Show of Force‘, un passage à basse altitude destiné à impressionner. Ces survols et les escortes de convois ont dissuadé les attaquants et également contribué à la protection des forces terrestres.
Comme un vide
Les hélicos d’attaque allemands partis, tout comme les hélicos belges de transport NH 90, demeure un petit vide pour quelques jours certes. Mais un vide crucial. En cette fin juin début juillet, le Mali est en pleine période électorale. Les Canadiens doivent prendre le relais, mais un peu plus tard. Ils arrivent avec moins de moyens que les Européens : deux hélicoptères de transport type Chinook (au lieu de cinq hélicoptères NH 90 fournis par les Belges et Allemands), accompagnés de quatre hélicoptères Grillon. Et apparemment avec des conditions d’emploi un peu plus limitées.
Des Canadiens un peu hésitants
Au Canada, la décision a été un peu longue et compliquée. Il a d’abord fallu plusieurs mois au gouvernement pour confirmer son engagement. Les capacités d’emploi des engins pourraient aussi être plus limitées : les hélicoptères de combat auront surtout une vocation d’accompagnement des Chinook, mais pas automatiquement des missions autonomes. Un débat à visée essentiellement interne a miné l’intérêt stratégique du déploiement ; l’opposition conservatrice mettant en évidence les risques (1) et critiquant jusqu’à l’opportunité d’une telle mission (lire chez nos collègues de 45e degré nord).
D’autres hélicoptères présents avec moins de capacités… ou pour d’autres missions
Des hélicoptères MD-500 salvadoriens seront aussi présents. Mais ils n’ont pas la même élongation que les NH 90 (150-200 km seulement de portée). La MINUSMA dispose également d’une capacité d’hélicoptères civils de type Mi-8 fournis par une société ukrainienne, mais ils ne peuvent servir qu’au transport de fret ou d’hommes et nécessitent une protection sur place. Des hélicoptères lourds britanniques (trois Chinook CH-47) arrivent dans la zone, à Gao, mais dans le cadre de l’opération française anti-terroriste Barkhane.
Le taxi des airs : un besoin vital pour les casques bleus
Le besoin d’hélicoptères est fondamental pour la force des Nations unies : pour les évacuations médicales mais aussi pour le transport, la protection des troupes au sol, la dissuasion (comme l’ont bien expliqués les Allemands). Si les hélicoptères ne peuvent aller vers le nord (le cas des hélicoptères salvadoriens) ou sont limités dans leur emploi (le cas des hélicoptères canadiens), cela limite d’autant l’autonomie d’action de la MINUSMA et sa force de dissuasion. Le ravitaillement par voie terrestre reste toujours très risqué et parfois compliqué en période de saison des pluies. Toutes les bases de la force ne disposent pas également d’une piste d’aviation permettant aux avions d’atterrir. Celle de Kidal, par exemple, est hors circuit. Minée puis bombardée à deux reprises, elle est envahie en partie par la population.
Une sourde inquiétude à l’ONU
L’inquiétude est donc bien réelle autant dans les rangs de la MINUSMA que dans différents pays. Lors du débat au Conseil de sécurité des Nations unies, jeudi dernier (14 juin), sur le renouvellement de la mission, plusieurs délégués ont regretté « l’absence de moyens suffisants » comme l’a résumé le diplomate britannique Jonathan Allen. « Le déploiement de multiplicateurs de forces renforcerait les capacités de la MINUSMA » a plaidé son homologue ivoirien Ilhari Alcide Djédjé, estimant nécessaire que la mission soit dotée de capacités logistiques nécessaires pour la prévention des attaques et à la protection des convois. Quant au russe Dmitry Polyanskiy il a rappelé que « les pays qui ont pris des engagements à ce titre doivent les honorer ».
Commentaire : comme un vide européen
Après le retrait néerlandais, les retours belge et allemand, on peut se poser la question pourquoi les Européens n’ont pas réussi à proposer une offre groupée pour permettre d’avoir une capacité continue et opérationnelle en matière d’hélicoptères. Alors que chacun en Europe brode sur l’intérêt primordial de défendre l’ONU et le multilatéralisme, de stabiliser la région du Sahel et d’assister les forces du G5 sahel et maliennes, de permettre la sécurité dans les régions d’origine des migrations, l’Europe n’arrive pas se mobilier pour offrir aux casques bleus une petite force héliportée de transport et de protection, soit une dizaine d’hélicoptères et 200 personnels. C’est faible et… dangereux. Car cette faiblesse est visible aux yeux de tous.
(Nicolas Gros-Verheyde, de retour de Gao)
(1) Deux pilotes allemands Tigre ont perdu la vie lors de ce déploiement lors du crash de leur hélicoptère au nord-est de Gao juillet 2017.
Source: bruxelles2.eu