Les ambitions humaines tiennent souvent à peu de chose, même la plus surprenante, serait-on tenté de dire ! « Je vais enfin faire ce à quoi j’ai aspiré depuis de longues années, sans pouvoir y parvenir : me reposer et me consacrer à la lecture ! », avait déclaré Diango CISSOKO, à l’issue de la cérémonie d’adieu avec ses collaborateurs de la Primature, peu après la passation de service à Oumar Tatam LY, le nouveau locataire de la Bâtisse jaune du bord du Djoliba. Si avoir du temps pour lire constitue si peu de chose pour le commun, cela constituait une prouesse à laquelle aspirait ce boulimique des livres, réputé dévoré les ouvrages les plus ardus à une vitesse effarante.
On conçoit qu’après avoir en partie dirigé ce qu’a été le Mali d’après le 22 mars, surtout à l’aube et aux lendemains de Kona (les 9 et 10 janvier 2013), avoir du temps de lecture, loin de constituer un mépris pour les affaires publiques, n’en constituait pas moins une sinécure pour un homme qui a surfé sur les sommets de la pyramide administrative de son pays près d’un demi siècle.
Sortir vite de la Transition
Et de fait, Diango CISSOKO a tout mis en œuvre pour que le pays sorte très vite de la transition, car il s’agit, pensait-il, d’une parenthèse ne devant être consacrée qu’à juste poser les jalons d’un renouveau. Toute chose procédant d’une profonde conviction pour un homme d’Etat qui, par philosophie, n’a cessé de marteler durant ces neufs mois que »la meilleure transition est celle qui est la plus courte possible ». Il s’en est tenu à çà, y réussissant avec brio au-delà de toute flagornerie inutile, chose dont il avait d’ailleurs une sainte phobie.
Les faits sont là, têtus au-delà des opinions réductrices : un satisfecit éloquent au double plan politique et économique incontestable, ayant permis à la fois une transition et surtout une transmission apaisée du pouvoir et des comptes publics équilibrés, pour un pays habitués aux mécomptes.
Il ya peu, l’on assurait ici même que la réussite de la transition reposait sur le leitmotiv et la neutralité de Diango CISSOKO, illustrés par son absence de calendrier personnel. En effet, on se souvient que la guerre de tranchées de la première partie de la Transition malienne relevait tout autant de l’interprétation extensible qu’avait eue Cheick Modibo DIARRA de la notion de » Premier ministre de pleins pouvoir ». Cet anachronisme constitutionnel avait créé l’antinomie, l’amalgame de l’exception juridique issue du 22 mars qui jurait avec le retour à l’ordre de la loi fondamentale. Et pour cause, l’essence même de la Constitution est qu’elle opère un équilibre des pouvoirs. La concentration des pouvoirs, du moins présidentiel (la totalité de l’exécutif) et législatif, qu’en souhaitait faire le premier chef de gouvernement de la transition aboutissait à faire de l’exception la source du droit régalien. L’orientation nouvelle avait été mise de facto au service d’une faction jusqu’à en contester des dispositions convenues au terme de l’Accord cadre de Ouagadougou.
Réparer les dégâts et souci de l’héritage !
A son avènement, le second Premier ministre de la Transition engageait des actions, en plus de l’exécution de la Feuille de Route, à restaurer un pouvoir présidentiel sérieusement désacralisé par la tentative d’assassinat du Chef de l’Etat par intérim. La gestion de certains dossiers et l’usage de certains bénéfices de la fonction avaient été mis entre parenthèses, instruisait-il ces collaborateurs, en estimant que seules des autorités ointes de la légitimité populaire devaient en décider l’issue. Une conception de l’Etat peu commune, plutôt soucieuse de l’héritage que de l’avenir immédiat et donc du confort personnel.
Aussi faut-il en conclure que Diango CISSOKO, avec cette absence d’ambitions politiques et l’équidistance d’avec l’échiquier politique, avait tout pour réussir le challenge exceptionnel pour lequel il avait appelé, comme cela a été le cas. Certes, les barbus omnibulés par l’illusion de soutiens potentiels au sud, ont-ils un peu aidé à la reconquête par le sursaut intérieur et surtout extérieur sinon vital de Serval. Il reste cependant que la suite, ayant abouti à l’accession de IBK à la magistrature suprême dans les conditions fort honorables que l’on sait, n’était pas un boulevard ouvert : le vrai défi de la Transition était la dévolution constitutionnelle du pouvoir avec l’onction et l’adhésion populaire pour conférer de la légitimité à la légalité !
Aussi, comme pour user d’une sentence certes assez galvaudée, mais qui sied bien à la circonstance, »Diango mérite de la Nation… ». Du repos plutôt auquel il a longtemps aspiré… Pour lire !
Jean-Baptiste Satono,
Journaliste Indépendant
Source: Le 26 Mars