La ville de Nouna dans la Boucle du Mouhoun, a connu une attaque d’une ampleur sans précédent dans la nuit du 7 au 8 mai 2022, perpétrée par des Hommes armés non identifiés (HANI) qui seraient venus de la province attenante des Banwa, qui est depuis plus semaines dans leur ligne de mire.
Ils se seraient massivement regroupés à la périphérie ouest de la capitale de la province de la Kossi, avant de se diriger vers le centre pénitentiaire et d’en faire sauter les portes au petit matin, pour le vider de ses détenus dont certains entretiendraient des liens douteux avec des djihadistes de brousse. Le moins qu’on puisse dire, c’est que c’est un nouveau coup dur pour le Burkina Faso qui n’en finit pas de se désarticuler depuis que la violence est devenue commune dans des portions entières du pays, et il faudrait rapidement sonner la révolte contre le maillage en cours de notre territoire par les groupes armés. Le cas de Nouna est suffisamment illustratif de la gravité de la situation et de l’impérieuse nécessité de la contre-offensive pour libérer les bourgades déjà conquises. Car il est évident que les assaillants, après avoir soumis les faibles et les démunis des zones rurales, sont désormais déterminés à aller à l’assaut des grandes agglomérations considérées jusqu’ici comme des citadelles imprenables. Mais au regard de ce qui s’est passé dans la nuit de samedi à dimanche à Nouna, on est en droit de se demander si la non-occupation des villes ne relève pas davantage du choix des terroristes que de la peur de ces derniers d’une éventuelle réaction des forces de défense et de sécurité et de leurs supplétifs. Comment peut-on, en effet, expliquer la passivité des éléments des FDS pendant l’attaque de la prison civile et les exactions qui auraient été commises sur des civils, des heures durant ?
Le scepticisme va en se renforçant
Pourquoi les militaires basés à Djibasso, Barani et Dédougou n’ont-ils pas bougé, alors qu’ils étaient tous à une cinquantaine de kilomètres de Nouna ? Y a-t-il eu des complices au sein des populations qui ont facilité la tâche aux assaillants avant, pendant et après l’attaque ? Le plus inquiétant dans tout ça, c’est que les présumés djihadistes auraient d’abord testé la réactivité de nos forces de défense et de sécurité en menant des attaques sporadiques contre des infrastructures et en faisant des incursions dans les quartiers périphériques de la capitale provinciale, pendant plusieurs jours, avant de fondre sur la prison et d’en repartir le plus tranquillement du monde. Et comme il n’y a rien en face, comme qui dirait, les terroristes risquent de ne pas avoir de limite dans leurs velléités de soumettre toute la Boucle du Mouhoun qui est éminemment stratégique puisqu’elle fait frontière avec la région du Centre du Mali elle aussi dévastée par la crise sécuritaire. La récurrence des attaques ces derniers temps dans les Banwa et la Kossi, et l’annexion déjà d’une bonne partie du Sourou sont la preuve que les HANI sont décidés à faire définitivement main basse sur le « grenier à grains » du Burkina, à quelques semaines seulement du début de la saison pluvieuse. Ce serait une catastrophe de plus pour le pays si après les agriculteurs du Nord, du Sahel, du Centre-Nord et de l’Est, ceux de la plus grande région agricole du Burkina venaient à abandonner tracteurs et charrues pour trouver refuge dans des villes supposément sécurisées. La question que tout le monde se pose aujourd’hui est celle de savoir si les nouvelles autorités ont les moyens de stopper l’inexorable avancée des insurgés islamistes et assimilés, de juguler la crise humanitaire sous-jacente déjà en cours, et d’anticiper sur les « révoltes de la faim » qui éclateront fatalement si la tendance actuelle n’est pas vite inversée. Beaucoup de Burkinabè en doutent, et à juste raison, au regard de la dégradation de la situation sécuritaire et de la baisse tendancielle de leur niveau de vie. Ce scepticisme va en se renforçant depuis que le chef suprême des armées a semblé préférer le dialogue et la prière, comme méthodes de résolution de la crise, alors que dans le même temps, les populations continuent de fuir leurs villages d’origine. Le ras-le bol est aujourd’hui tel que certains de nos compatriotes n’hésitent pas à pointer du doigt l’impéritie du lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo Damiba, à qui ils reprochent la gestion trop bureaucratique du problème d’insécurité qui lui a servi d’alibi pour chasser son prédécesseur. D’aucuns veulent un partenariat militaire avec la Russie, d’autres la libération d’un officier détenu pour blanchiment de capitaux, qui n’hésitait pas à diriger lui-même ses hommes sur les théâtres d’opérations. Mais quelle que soit la motivation des uns et des autres, les autorités actuelles devraient tendre une oreille attentive aussi bien à la minorité bruyante qu’à la majorité silencieuse, si elles ne veulent pas voir la cocote-minute sociale sauter avec elles. Les discours lénifiants et les menaces à peine voilées auront de moins en moins d’effet sur les populations meurtries et désemparées, qui veulent juste savoir qui va sauver Nouna et le reste du pays, et dans combien de temps.
Hamadou GADIAGA
Source: lepays.bf