Dans trois mois, les Maliens seront appelés à élire leur Président de la République. Devant cette alternative, deux options se dessinent au sein de la classe politique et même de l’opinion publique nationale. Ceux et celles, minoritaires, qui croient qu’en raison de la situation sécuritaire qui va en se dégradant, il ne sera pas envisageable d’organiser des élections d’une part, celles et ceux, majoritaires, qui croient que justement, ce sont les élections qui, moyennant une alternance, permettront au Mali de s’en sortir. Surtout que les pouvoirs publics affirment à cor et à cri que les élections se tiendront et à bonne date, c’est-à-dire le 29 juillet 2018 pour le premier tour.
A ce stade, il nous semble donc important d’essayer de dégager les scénarii des forces politiques qui pourraient s’affronter. Si les conditions nécessaires à l’organisation d’élections transparentes – des listes fiables, des cartes NINA et/ou d’électeurs disponibles, des structures d’organisation impartiales – sont réunies, quatre types de candidatures paraissent plausibles : des candidatures émanant de la majorité présidentielle, des candidatures émanant de l’opposition démocratique et républicaine, des candidatures dissidentes de la majorité présidentielles et enfin des candidatures émanant de personnalités hors système politique classique.
Même si la majorité présidentielle n’a pas encore proclamé la candidature du Président sortant, elle semble avoir pris les devants et a envoyé plusieurs signaux qui laissent croire à une candidature du Président Ibrahim Boubacar Keita à sa propre succession. En témoignent la multiplication de mouvements et associations de soutien à la candidature d’IBK, les tournées du RPM dans le pays. Nous en saurons plus d’ici fin avril.
Au sein de la majorité présidentielle il risque d’avoir une candidature dissidente de la « majorité fâchée », celle de l’ADEMA PASJ qui vient d’officialiser la candidature de Dioncounda Traoré. Cette candidature sera confirmée et/ou infirmée par la suite par le candidat lui-même. En cas d’infirmation, il faudrait craindre pour l’avenir de « l’ANC du Mali ».
Du côté de l’opposition démocratique et républicaine, le temps est aux consultations tout azimut. En effet, d’un côté, il y a le processus de constitution d’une vaste coalition pour l’alternance dont les principaux promoteurs sont l’honorable Soumaila Cissé,Président de l’URD , Tiébilé Dramé, Président du PARENA, Oumar Dicko , Président du PSP et beaucoup d’autres partis politiques, d’activistes et organisations de la société civile. Cette coalition pour l’alternance a pour stratégie la signature d’un Manifeste pour l’alternance, l’élaboration d’un programme minimum commun de gouvernance et le choix de celle ou de celui qui va conduire la coalition pour l’alternance.
De l’autre côté de l’opposition, il y a d’une part, la construction d’un Nouveau Pôle Politique autour de Modibé Sidibé, Président des FARE An Ka WILI qui en sera sans doute le candidat et d’autre part, la construction d’une Coalition pour le Renouveau Politique autour de Mamadou Sidibé du PVRM qui s’est déjà proclamé candidat de cette coalition. En outre, il y a la candidature de Daba Diawara du PIDS qui se dit toutefois prêt à y renoncer au profit d’une candidature issue d’une coalition large de partis politiques de l’opposition.
Comme troisième catégorie de candidature , il y a la dissidence de la majorité déjà fissurée avec la rupture de partis politiques , d’associations et de personnalités indépendantes qui ont composé, pour certains à des niveaux stratégiques avec les gouvernements successifs. Tous sans exception, ont été éjecté du système, pour de bonnes et/ou de mauvaises raisons. A contrario, on peut se poser la donc la question et s’ils avaient été tous maintenus à leur poste respectif, seraient ils candidats contre IBK ?
Parmi cette « dissidence très fâchée de la majorité présidentielle », figurent des personnalités qui vont des plus accommodants aux plus virulents des opposants.Dans cette catégorie de candidatures dissidente très fâchée de la majorité, figurent Alou Boubacar Diallo Président d’honneur de l’ADP MALI BA dont le Président a assumé les fonctions de premier Vice-Président de l’Assemblée Nationale, Moussa Mara de YELEMA qui assuma les responsabilités de Ministre de l’urbanisme et de la Ville puis Premier Ministre, Mountaga Tall du CNID qui assuma les fonctions de Ministre de l’enseignement Supérieur et de la recherche scientifique , puis Ministre de la Communication , porte-parole du gouvernement, Moussa Sinko Coulibaly de la Plateforme pour le changement qui assuma les fonctions de Ministre de l’Administration Territoriale et organisateur des élections qui ont porté le président au pouvoir, Mamadou Igor Diarra qui assuma les fonctions de Ministre de l’économie et des finances, Mohamed Ali Bathily des Associations pour le Mali qui assuma les fonctions de Ministre de la justice et no2 du gouvernement, puis Ministre des affaires foncières et de l’urbanisme, Yeah Samaké du PACP qui assuma les fonctions d’Ambassadeur du Mali en Inde, Kalifa Sanogo du Cercle des Alternatives maliennes pour le renouveau qui assuma les fonctions de PDG de la CMDT, Modibo Koné de Mali Kanu, waati sera qui assuma les fonctions de PDG de la CMDT, et de Cheick Sidi Diarra de An bè Faso don qui assuma les fonctions de président éphémère du Comité d’organisation du Sommet Afrique/France.Toutes ces personnalités ont aujourd’hui le verbe haut et même très haut, ce qui en dit long sur les conditions de travail au sein de la majorité. Presque tous ont déclaré leur volonté d’en découdre avec leur ancien mentor.
Enfin il y a les prétendants à la présidence du Mali sur la base de scénario à la « Macron Malien », du nom du Président Français qui, à la surprise générale, remporta les élections présidentielles en Mai 2017 en France. A ce jour, on note parmi les candidatures dites hors du système politique classique ci-après : Hamadoun Touré de l’Alliance Kayira , Clément Dembélé pour le compte de la Convergence Patriotique pour le Changement CPC Maliko , Aboubacar Abou Touré du Mouvement Social pour le Renouveau et Cheick Harouna Sankaré du Mouvement pour l’Unité du Mali. Tous ces candidats croient à la génération spontanée en politique en présentant comme un homme providentiel qui drainerait les électeurs maliens vers un nouveau rivage politique. Wait and See.
Les élections de 2018 se dérouleront dans le cadre de cette typologie de candidatures en quatre pôles. Après la décision de la Cour constitutionnelle validant les candidatures nous reviendrons sur ces candidatures et certainement d’autres en gestation, pour livrer notre appréciation pour chacune d’entre elles.
Moussa Makan Camara
Président de la Fondation Balanzan pour la Gouvernance et la Stabilité