Vraie-fausse pétition, vrais-faux signataires, chantage, putschs manqués… Tels sont les symptômes de la « Bafotiguinose aiguë » ou « Bafotiguinose en plaques ». Une maladie rare, qui vient de frapper, pour la deuxième fois consécutive, l’Assemblée nationale.
« Ils ne mourront pas tous, mais tous étaient frappés », disait Jean De La Fontaine, dans sa fable intitulée « Les animaux malades de la peste ».
Mais dans le cas précis de l’Assemblée nationale du Mali, il ne s’agit pas de la peste ; mais d’une maladie rare, qui s’est manifestée, à deux reprises, sous forme de fronde.
Baptisée la « Bafotiguinose » du nom de son inventeur, l’honorable Bafotigui Diallo, cette maladie apparaît, selon les spécialistes sous la forme dite « aiguë ». Ou en « plaques ».
Deux hautes personnalités de l’hémicycle en ont été victimes, la semaine dernière.
Le président de l’Assemblée nationale et son directeur administratif et financier.
Le premier, l’honorable Issiaka Sidibé, fait l’objet, depuis deux semaines, d’un putsch. Pilotée par Bafotigui Diallo, une pétition aurait même été signée par 70 députés.
Ni pétition, ni détournement de 6,9 milliards CFA
A l’issue de plusieurs jours d’enquête, à l’Assemblée nationale, aucun député n’a réussi à nous fournir la moindre preuve de l’existence d’une telle pétition. Et ses signataires, dont les noms avaient été cités dans la presse, nient tout. En bloc.
« Ces noms ont été cités, par Bafotigui Diallo, dans le seul but de donner crédit à son bluff », avertit un député RPM.
Tandis que le second, Mamoutou Touré, directeur administratif et financier de l’Assemblée nationale, est soupçonné d’avoir détourné 6,9 milliards CFA dans les caisses de l’hémicycle.
Interrogé sur les preuves de ce détournement, Bafotigui Diallo indique, à la surprise générale, qu’il n’en détient aucune. Pire, ajoute-t-il, ce chiffre lui aurait été communiqué par un autre député, dont il n’a pas cité le nom.
Il s’agirait, selon plusieurs députés, d’un certain A.K, dont nous tairons le nom pour l’instant.
Bafotigui Diallo, l’instrument du putsch avorté
Député frondeur, réputé pour son « anti-issiakayisme primaire », il n’a jamais caché son intention de succéder à l’honorable Issiaka Sidibé au perchoir.
De sources concordantes, c’est lui qui serait derrière cette sombre affaire de « Pétition et de détournement de fonds.
Inventée de toutes pièces et reprise en boucle par la presse privée de…presse, elle ne vise qu’une chose, une seule : salir la réputation du président de l’Assemblée nationale et de ses proches, avant de le pousser vers la sortie du perchoir.
Pour « A.K », l’honorable Bafotigui Diallo serait la personne idéale pour conduire cette tentative de putsch, qui ne dit pas son nom.
Et la prorogation du mandat de l’Assemblée nationale, par la Cour constitutionnelle, semble être l’occasion inespérée pour passer à l’action.
L’occasion et le Larron
Pour Bafotigui Diallo, si la Cour constitutionnelle a – pour des raisons administratives – prorogé le mandat des députés de la 5e législature, elle n’a fait aucune allusion à celui du président de l’assemblée nationale. Lequel, dit-il, doit être « destitué ». D’où cette vraie-fausse pétition, relayée en boucle par les réseaux sociaux ; mais aussi, la presse privée de…presse.
Et pour donner plus de crédibilité à son action, Bafotigui Diallo accuse, au passage, le DAF de l’hémicycle d’un détournement de 6,9 milliards CFA. Convaincu qu’il était qu’en imaginant un chiffre aussi gros, que la mayonnaise allait prendre. Erreur.
L’article 68 de la constitution du 25 février 1992 stipule que « Le président de l’Assemblée est élu pour la durée de la législature ».
Ce que Bafotigui Diallo et son « mentor » ignorent ou feint d’ignorer, c’est qu’avant d’être élu, par ses pairs, président de l’Assemblée nationale, Issiaka Sidibé est, d’abord, député, élu à Koulikoro.
Du coup, en prorogeant le mandat des députés de la 5e législature, la Cour constitutionnelle proroge, du coup, celui d’Issiaka Sidibé. D’abord, comme député, élu à Koulikoro. Ensuite, comme président de l’assemblée nationale.
Aussi, le règlement intérieur de l’Assemblée nationale, que l’honorable Bafotigui Diallo ignore, est formel : la destitution du président de l’Assemblée nationale est exclue.
« Toute cette campagne de dénigrement, de calomnie, d’abjectes accusations sont orchestrées pour une seule et unique raison : salir ma réputation et, du même coup, m’empêcher de remplir ma charge de président de l’Assemblée nationale », assure l’honorable Issiaka Sidibé.
Et d’ajouter, l’air déterminé : « j’ai décidé, à 72 ans, de continuer à servir mon pays à ce poste. Je continuerai à le faire, tant que Dieu m’en donnera la force ».
Ce n’est pas la première fois que l’honorable Bafotigui Diallo, inventeur du virus de la « Bafotiguinose aiguë » ou en « plaques » frappe à l’hémicycle.
Courant 2016, ce « Sérial Frondeur » a déclenché l’affaire dite de « l’engrais frelaté ». Il n’a pas hésité à interpeller, à l’époque, le secrétaire général de son parti, Dr Bocary Tréta et non moins ministre du Développement Rural à l’Assemblée nationale. Avant de le traiter de tous les noms d’oiseau. Comme c’est le cas, cette fois-ci, avec le président de l’Assemblée nationale. Et son directeur administratif et financier.
Triste fin de carrière parlementaire
Député élu en commune VI du District de Bamako sous les couleurs du RPM, avant d’être renvoyé de son parti pour, dit-on, « indiscipline notoire », Bafotigui Diallo se retrouve, à la fin de cette législature, comme l’unique député du parti « Yéléma ».
Conscient que sa carrière parlementaire ne tient, désormais, qu’à un fil, il multiplie les initiatives pour ne pas tomber dans les oubliettes.
Et cette sombre affaire de « pétition pour la destitution du président de l’Assemblée nationale » entre dans ce cadre : faire parler de lui d’ici la prochaine élection législative, prévue dans quelques petits mois.
Oumar Babi
Source: Canard Déchainé