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Entretien avec Alioune Badara Traoré : « c’est moi qui ai introduit l’internet au Mali et le taekwondo en Russie»

Alioune Badara Traore directeur technique federation malienne taekwondo

Pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Je m’appelle Alioune Badara Traoré. Je suis né à Ké-Macina, région de Ségou, en 1962. Je détiens un doctorat en informatique de l’université électrotechnique de Saint-Pétersbourg, en Russie. Je suis aussi titulaire d’un MBA en gestion d’entreprise. J’ai enfin une ceinture noire, 7ème dan, en taekwondo et, à ce titre, je suis arbitre olympique et directeur technique de la Fédération malienne de taekwondo. Je parle le bambara, le français, le russe et l’anglais. Je suis marié et père de cinq enfants. Je travaille à la SOTELMA.

Il se raconte que vous avez introduit l’internet au Mali…

En fait, dans le cadre de l’initiative « Leyland » financée par les Etats-Unis d’Amérique à travers l’US-AID, et par la SOTELMA, j’ai été, en 1996, choisi pour gérer la passerelle internet dite « full access » (accès direct et permanent de tous les usagers à l’internet). Ma mission était la suivante: capter les signaux internet d’un satellite américain et les rediriger vers des serveurs et routers installés au Mali, au niveau de la SOTELMA. Je devais aussi administrer ces serveurs et procéder à la connexion internet des prestataires de services internet et des usagers maliens. La connexion se faisait à travers le réseau téléphonique commuté de la SOTELMA. Comme, à l’époque, il n’y avait pas d’accès général et direct à internet au Mali, on a considéré que j’étais le père de ce système dans notre pays.

Vous êtes donc un savant…

Non. Je suis juste un ingénieur formé à cette science nouvelle qu’était l’informatique. Je me souviens qu’en 1983, quand j’entamais des études informatiques en Union Soviétique, on me traitait de fou destiné à chômer au Mali. Or, de retour au Mali, en 1995, je fus recruté, dès 1996, par la SOTELMA en qualité d’informaticien. J’ gravis vite les échelons, étant tour à tour chef du service informatique, directeur de l’Informatique et des Nouvelles Technologies. En 2001-2002, pour offrir un accès internet à la presse nationale et internationale qui devait couvrir la Coupe d’Afrique des Nations 2002, le président de la République, Alpha Oumar Konaré, a instruit au président directeur général de la SOTELMA, M. Kaffa Dicko, de mettre en place des points d’accès internet dans toutes les régions qui devaient abriter des compétitions. J’ai donc été chargé par le PDG de réaliser ces ouvrages. J’ai dû, pour y parvenir, parcourir 50. 000 km en 6 mois, à travers tout le Mali. Je réussis à installer les points d’accès et à créer des équipes permanentes chargées de préserver l’accès internet dans toutes les régions. Quand, à la veille de la CAN, le Premier Ministre, feu Mandé Sidibé, se rendit sur le terrain pour vérifier l’effectivité de la connexion, il arrêta son inspection dès que je l’ai mis en vidéoconférence (la première au Mali!), à Sikasso, avec le PDG de la SOTELMA à Bamako. « La SOTELMA est prête! », s’écria le chef du gouvernement, un grand sourire aux lèvres.

Vous avez aussi connecté les banques…

En 2002, la plupart des banques et établissements financiers maliens ne disposaient pas d’un réseau d’interconnexion entre leurs différentes agences. On perdait au moins une journée pour avoir l’état des comptes et échanger des ordres entre agences, d’une part, et, d’autre part, entre la direction et les agences secondaires. Un jour, j’ai proposé à la Banque de l’Habitat du Mali d’installer en son sein un réseau interconnecté. Sceptique au départ, la banque finit par me donner son accord. Le premier test d’interconnexion aura ainsi lieu entre l’agence centrale et celle de Faladié. Le patron de la banque était ébloui. Plus tard, j’ai étendu le réseau aux agences régionales de la BHM, à la grande satisfaction de la direction et des clients qui économisaient ainsi de l’argent et, surtout, un temps précieux. D’autres banques m’ont demandé de leur faire profiter du même système. La Banque Nationale de Développement Agricole lancera un appel à candidatures que je remporterai aux dépens d’une société de télécommunications monégasque.

Pourquoi n’avez-vous pas loué vos services à l’armée et aux services de sécurité ?

Je n’ai été sollicité que par la police, précisément le bureau des passeports, pour lequel j’ai établi la connexion Bamako-Tombouctou. Beaucoup d’autres services publics se sont inspirés de mes systèmes qui, à ce jour, fonctionnent chez eux.

Comment fonctionne, de manière générale, internet ?

L’espace est traversé par des ondes que l’on dit électromagnétiques. L’homme capte ces ondes avec des appareils (satellites, antennes téléphoniques, etc.) et les transforme en données (écritures, images, sons, etc.) qui sont utilisées pour les besoins de l’humanité. Internet est un réseau interconnecté à l’échelle mondiale qui transmet des données.

Comment arrive-t-il qu’un Etat ou des services bloquent internet?

L’Etat ou le service en cause se contente de bloquer, par des outils appropriés, l’accès global du pays aux ondes qui transportent les données internet. Notez que ces ondes spéciales sont transportables par satellite, par fibres optiques, par fils de cuivre, par faisceaux aériens, etc.

Vous êtes aussi maître en taekwondo…

Le taekwondo est une branche des arts martiaux originaire de Corée. Je le pratique depuis 1977. En 1983, j’acquis mon grade de premier dan au Mali, un mois avant de partir pour des études supérieures d’informatique en Union Soviétique. Dans ce pays, le taekwondo n’existait pas; mieux, il était interdit par peur que des bandits ne l’apprennent pour affronter les services de sécurité. Seul le judo était autorisé. C’est donc en cachette que je m’entraînais en taekwondo. A la demande de certains de mes condisciples, toutes nationalités confondues, j’enseignais aussi le taekwondo. Les services de police l’ayant appris, je fus approché par le colonel Kouznetzov, fonctionnaire du KGB, qui m’a demandé d’initier au taekwondo les troupes d’intervention rapide des services de sécurité. J’ai accepté sans difficulté car je n’avais pas de contraintes scolaires particulières, ayant déjà obtenu un MASTER en informatique. J’ai commencé à entraîner les agents soviétiques à Léningrad (actuelle Saint-Pétersbourg) dans une salle spécialement aménagée dans les locaux de leurs services. Mes élèves étaient triés sur le volet, très disciplinés, et ils apprenaient vite.

Qu’avez-vous obtenu en échange ?

On m’a demandé de proposer un salaire pour mes prestations; j’ai refusé car ma bourse d’études couvrait largement mes besoins. Cependant, de leur propre initiative, les services soviétiques ont décidé de m’allouer une somme mensuelle. Ils m’ont donné aussi une « carte de milice » qui m’exemptait de payer des frais de transport en commun et m’ouvrait des facilités dans la très lourde administration soviétique. Je garde cette période de très bons souvenirs. En quittant le pays, en 1995, je laissais derrière moi un millier d’élèves formés au taekwondo. Les Soviétiques ont tenté, en vain, de me retenir là-bas en me proposant un travail bien rémunéré. Mais je tenais, moi, à revenir servir ma patrie. Le colonel Kouznetzov m’a demandé un jour: « Mais qu’est-ce qui te manque chez nous? ». Je lui ai répondu sincèrement : « Rien ». Je lui ai alors expliqué que dans mon pays, les docteurs en informatique se comptaient sur le bout des doigts, de même que les maîtres en taekwondo. « Je sais ce que ressent tout patriote, me répliqua le colonel; je comprends que tu veuilles retourner au bercail ».

Propos recueillis par Abdoulaye Guindo

 

Source: proces-verbal

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