Aux Entrepôts sénégalais au Mali, les problèmes ne finissent pas. En effet, après son démarrage difficile dû à un problème de statut et les errements de gestion constatés suite à un audit qui révèle un trou béant de plus d’un milliard et demi, la directrice générale qui a eu à comparaître devant les gendarmes du camp I pour une bagarre avec une dame qui y occupait les fonctions de directrice administrative et financière, répond de nouveau devant la justice malienne, suite à une plainte déposée par les travailleurs maliens qui s’estiment spoliés de leurs droits.
Un audit effectué à la demande des membres du Conseil d’administration révélait un véritable scandale dans la gestion des Entrepôts sénégalais au Mali (Enséma) où plus d’un milliard et demi de nos francs ont été dépensés sans qu’aucun justificatif ne puisse être produit à ce sujet. Sans compter du matériel de manutention payé à plus de 300 millions de nos francs et qui ne laisse aucune trace d’existence. Tels sont, entre autres fautes graves de gestion, des faits constatés aux Enséma et pour lesquels devraient répondre les deux précédents directeurs généraux, notamment Ibra Guissé et dans une moindre mesure Grégoire Diatta.
A ce jour, la suite de ce dossier est très attendue et il n’ y a guère longtemps la question a été soulevée par des Sénégalais du Mali en train de s’organiser pour interpeller le Président Macky Sall qui a manifesté sa volonté de lutter sans merci contre la délinquance financière.
Bâtis sur une superficie de six (6) hectares, les Enséma qui voulaient être référencés comme le grand port sec de la capitale malienne, avec une capacité de stockage d’environ 70.000 tonnes de marchandises, toutes catégories confondues, n’ jamais répondu aux attentes, malgré le coût global de cet investissement qui s’élève à 8,397 milliards de francs Cfa.
Effectivement, malgré tous ces investissements, ces entrepôts sont restés assez longtemps abandonnés comme un champ de ruine car sans aucune activité et sans entretien. Les fournitures d’eau et d’électricité étaient suspendues pour cause d’arriérés de paiement. Ces ennuis logistiques et financiers avaient poussé le personnel douanier sénégalais, affecté à l’époque au Mali pour les besoins du fonctionnement de ces entrepôts, à rentrer au Sénégal.
Il a fallu donc l’arrivée de la Minusma pour permettre aux Enséma de fonctionner correctement et sortir enfin de la dèche noire parce que les casques bleusen avaient fait leur base logistique pour y entreposer tout le matériel qui arrivait de l’extérieur. Mais ce ne sera que de courte durée car le trafic de la Minusma au niveau des Enséma a baissé d’activité.
Note de l’Ambassadeur du Sénégal pour tirer la sonnette d’alarme
Pourtant, suite à la révélation par la presse malienne des faits graves de gestion relevés par le rapport d’audit, au début de l’année dernière, l’ambassadeur du Sénégal à Bamako avait rendu compte au ministre des Affaires étrangères. La presse sénégalaise qui révélait le contenu de la note de l’Ambassadeur, Assane Ndoye, puisque c’est de lui qu’il s’agit, écrivait : “De nombreuses irrégularités ont été relevées par la cellule audit interne et management des risques du Port autonome de Dakar (Pad) et plusieurs faits constatés relèvent en effet purement et simplement de la délinquance financière et pourraient nécessiter des poursuites judiciaires”. Et le Diplomate d’expliquer que les anomalies dans la gestion “accablent en réalité les deux derniers gestionnaires des Ensemas, principalement Ibra Guissé et Edouard Grégoire Diatta”.
S’agissant de ces anomalies de gestion, l’Ambassadeur, comme du reste l’avait révélé un de nos confrères, relève notamment : “Des engins de manutention d’une valeur de plus de 300 millions, concernant un chariot élévateur et une grue automotrice Groove modèle RT530E, avec leurs pièces détachées, livrés par Matforce en 2005, suite à une adjudication, et qui sont actuellement introuvables”. Il y a ensuite “le cas des travaux concernant entre autres, le mur de clôture (…), les terrassements et Vrd (…). En tout, une somme colossale de 1 milliard 500 millions dépensée, mais dont les pièces justificatives restent jusqu’ici introuvables”.
La directrice générale convoquée à la Gendarmerie de Bamako-Coura
Rappelons que la note diplomatique de l’ambassadeur, écrite à la fin du mois de février 2016, s’inscrivait dans le prolongement des révélations de la presse malienne qui cité plusieurs passages du rapport d’audit, repris d’ailleurs dans cette note.
Quant à Mlle Mbayang Diagne qui a succédé à Grégoire Diatta au poste de directeur général, elle s’est retrouvée devant les enquêteurs de la Gendarmerie de Bamako-Coura, faisant ainsi la Une de la presse malienne. Elle y était entendue suite à une plainte déposée par la directrice administrative et financière, Mme Astou Thiam Sow, pour harcèlement moral, injures et diffamation. Les Enséma étaient donc ainsi prolongés dans un climat délétère et la preuve en était que, le lundi 03 mars 2014, le bureau de la directrice administrative et financière a été visité. Des documents personnels et professionnels ont été emportés. Par qui ? A quelle fin ? On ne sait pas davantage. Seulement, les supputations n’ont pas manqué car cela s’est passé pendant la période où l’audit des Enséma sur plusieurs exercices antérieurs était déjà décidé par le Conseil d’administration.
De Charybde en Scylla
Mais dans tous les cas, c’est l’image du Sénégal qui était ainsi malmenée parce que c’est vraiment ridicule de voir les deux femmes responsables d’une structure aussi importante que les Enséma se permettre d’étaler leurs profondes divergences devant la Gendarmerie malienne, comme s’il n’y avait pas une hiérarchie en mesure de mettre le holà, avant que la situation ne tombe de Charybde en Scylla.
Et d’ailleurs, comme s’il n’y avait pas déjà trop de cicatrices laissées sur le visage du Sénégal par la gestion des Enséma, voilà que les employés maliens portent plainte devant le tribunal pour non-respect des dispositions légales en matière de droit du travail. Peut-être que si la Direction générale des Enséma avait géré cette situation avec beaucoup de célérité au niveau de l’Inspection du Travail, l’on pouvait éviter d’en arriver à ce stade de saisine des tribunaux et des déballages sur les conditions de traitement des plaignants qui n’honorent pas le Sénégal qui se veut un pays épris de légalité.
A.B.NIANG