Le Président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta, a nommé, le 30 décembre 2017, Soumeylou Boubèye Maïga au poste de Premier ministre, chef du gouvernement en remplacement d’Abdoulaye Idrissa Maïga qui avait présenté la veille sa démission et celle de son gouvernement. Le même jour, un peu tard dans la soirée, la liste du nouveau gouvernement a été publiée. Une équipe de 36 membres avec six nouvelles têtes. En somme, une quasi-reconduction de l’ancienne équipe. Le désormais locataire de la Primature semble être l’ultime recours du Président Ibrahim Boubacar Kéïta qui est à son cinquième premier ministre en quatre ans, trois mois et 26 jours de règne. Un record ! Avec ce changement, le Président IBK envoie un énième signe de détresse à l’opinion qui avait massivement cru en 2013, en sa capacité à redresser la situation tragique de la nation. Il ne faut donc pas négliger le sentiment de scepticisme que l’arrivée du nouveau chef du gouvernement a suscité au sein de l’opinion publique, plongée dans un désespoir total. Il ne faut pas non plus minimiser le fait qu’une grande partie des citoyens n’accorde aucune confiance à l’élite gouvernante de l’ère démocratique.
De nombreux observateurs et analystes perçoivent Soumeylou Boubèye Maïga comme le sauveur non seulement du régime d’IBK mais aussi de la République. Réussira-t-il sa mission ? C’est le moins que l’on puisse souhaiter à lui et à son équipe. De tous les premiers ministres en qui le Président IBK a placé sa confiance pour occuper ce poste stratégique, la mission du successeur d’Abdoulaye Idrissa Maïga est la plus difficile et la plus délicate. De façon caricaturale, le chef de l’Etat voudrait que son nouveau chef du gouvernement fasse pour lui ce que lui-même a fait pour le Président Alpha Oumar Konaré. La gouvernance d’IBK est-elle suffisamment forte pour emprunter certaines voies ? Que reste-il du crédit de l’homme plébiscité en 2013 auprès de ses concitoyens ? Le temps n’est-il pas le meilleur ennemi du nouveau locataire de la Primature ? Voilà quelques interrogations qui pourraient susciter des débats.
Sans aucun doute, Soumeylou Boubèye Maïga est un homme du sérail qui est censé maîtriser les rouages du service public. Les qualités réelles ou supposées du nouveau Premier ministre peuvent s’avérer être des atouts ou des handicaps dans un contexte marqué essentiellement par des actes de défiance vis-à-vis de l’autorité de l’Etat, un grand chantier sur lequel le Président Kéïta était très attendu. SBM était endossé à un appareil ADEMA qui tenait par un ressort puissant capable de résister à certaines secousses. Il n’est pas évident qu’il puisse bénéficier du soutien total et inconditionnel du Rassemblement pour le Mali (RPM), le parti majoritaire dont certains cadres ne digèreront pas facilement l’éviction d’un tisserand bon teint au profit d’un président de parti, fut-il membre de la majorité présidentielle. Les plus grands opposants à la gouvernance du Président Kéïta se recrutent dans les rangs de son propre parti, mais aussi chez ses anciens soutiens notamment ceux qui ont assumé des hautes responsabilités.
Le contexte et le temps ne sont pas trop favorables à la prise de certaines décisions. Il revient maintenant au nouveau Premier ministre de faire usage de son intelligence et de son tact pour se tirer d’affaires et ne pas compromettre la navigation d’un bateau qui semble prendre de l’eau.
Par Chiaka Doumbia
Le Challenger