Dimanche 13 mai 2018. Suite à l’assassinat de Ramata Diarra, du nom de cette fille albinos âgée de 5 ans, de violentes manifestations secouent la ville de Fana. La brigade de gendarmerie est saccagée et incendiée ainsi que de nombreux bars et hôtels. Les forces de sécurité, appelées en renfort pour rétablir l’ordre, se singularisent par une extrême brutalité à l’endroit des populations.
Mardi 29 mai 2018. Une manifestation des populations du village de Bougoudalen dans le cercle de Yanfolila, région de Sikasso contre certaines restrictions de la Direction générale de la société des mines d’or de Komana, a tourné au drame. Quatre civils tués par balles réelles tirées par les forces de l’ordre et une trentaine de blessés.
Dimanche 3 juin 2018. Des jeunes alertés par une tentative d’enlèvement d’un enfant mendiant se dirigent vers le 2ème commissariat de police de Ségou. Ils brûlent les hangars, brisent les vitres et érigent des barricades sur la voie publique avec des pneus brûlés.
Lundi 11 juin 2018. Kéniéba, dans la région de Kayes, est le théâtre de violentes manifestations opposant les populations aux forces de l’ordre. Ce rassemblement populaire des habitants de cette ville minière pour réclamer plus d’emplois dans les sociétés minières et dénoncer les agissements des responsables des mines, a pris une tournure dramatique. Bilan : un mort et plusieurs blessés, des notables arrosés de gaz, les locaux de la préfecture et de la résidence du Préfet incendiés ainsi que les nouvelles cartes d’électeurs biométriques. Les dernières nouvelles évoquent d’autres victimes ayant succombé à leurs blessures.
La région de Mopti et une partie de celle de Ségou brûlent dans une indifférence totale. Il ne se passe pas un jour sans que la nation soit endeuillée par des affrontements à caractère ethnique ou que les forces armées de défense et de sécurité du Mali ne soient accusées de bavure. L’extrême gravité de la situation au centre a relégué au second plan l’épineuse question dite du nord où l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger peine à donner des résultats probants en dépit de la fanfaronnade de ses différents signataires. Le Mali est-il devenu une poudrière à ciel ouvert ? Sommes-nous conscients de l’extrême gravité de la situation que traverse le pays ? Pourquoi sommes-nous si indifférents à Bamako face à la tuerie qui se déroule à huis clos au centre du pays ?
Le degré d’insatisfaction et de déception de la population vis-à-vis du Président Ibrahim Boubacar Kéïta, candidat à sa propre succession, tranche nettement avec les velléités électoralistes des soutiens du chef de l’Etat qui tablent sur une victoire dès le 1er tour, comme le général président l’a fait en 2007. Le risque d’une crise postélectorale est plus que réel même si les bons offices de la Minusma et du Misahel ont contraint le gouvernement et l’opposition à faire, contre mauvaise fortune bon cœur après la répression de la marche du 2 juin dernier. La situation politique, en moins de 40 jours du 1er tour de l’élection du Président de la République, est à la fois confuse et complexe. Que peuvent les bénédictions faites çà et là dans un pays où on fait la promotion de l’injustice sous le regard impuissant et la complicité des soi-disant dignitaires religieux ? La communauté internationale va-t-elle mettre tout son poids pour obliger les leaders politiques à s’entendre ?
Croissons les doigts ! Que Dieu sauve le Mali !
Chiaka Doumbia
Source : Le Challenger