La nomination de Moussa Mara, comme Premier ministre, en remplacement de son prédécesseur, Oumar Tatam Ly, a suscité beaucoup de commentaires et d’interrogations.
Le fait majoritaire a été subitement mis en avant, au détriment de la majorité présidentielle, comme si c’est la première fois qu’on assistait à un tel scénario dans notre pays. En effet, en 1992, date des premières élections démocratiques du Mali, l’ADEMA avait obtenu la majorité absolue, avec 74 députés sur les 116 que comptait à l’époque l’Hémicycle. Pourtant, la direction du parti, qui voulait que feu Mohamed Lamine Traoré dirige la Primature n’a pas eu gain de cause.
Ce fut le banquier Younoussi Touré. Après le départ de celui-ci, suite aux déferlements de la puissance AEEM, qui avait paralysé Bamako, Me Abdoulaye Sékou Sow, venant de la société civile, est parachuté à la Primature en avril 1993, au grand dam de l’ADEMA. La tension montera d’un cran entre le Président Konaré et le chef des Rouges et Blancs d’alors.
Ce chef de gouvernement ne tiendra que 10 mois à la Primature, en dénonçant des «machinations politiques». Place à un membre de la direction du parti, IBK, au lieu de feu Mohamed Lamine Traoré. C’était en février 1994.
Un calme précaire revint dans la Ruche, puisque le poste de Premier ministre était revenu au parti majoritaire. En 1997, l’ADEMA, avec 127 élus sur 147 députés, n’a eu aucun problème pour continuer avec IBK, jusqu’en 2000. Modibo Kéïta, un indépendant apolitique, a bouclé à la Primature le mandat de Konaré, après la parenthèse feu Mandé Sidibé.
Avec le Président ATT, en 2002, l’ADEMA, avec ses 50 députés, loin devant le RPM qui en comptait 35, n’a pas eu droit au poste de Premier ministre. Idem pour Espoir 2002, qui dénombrait 66 élus contre 52 pour l’ARD. En 2007, le parti de Dioncounda Traoré obtenait 51 députés, loin devant l’URD, avec une trentaine. Ni l’un ni l’autre n’a été invité à la Primature. Ce sont des indépendants qui se sont succédé au poste de PM durant toute l’ère d’ATT. L’un d’entre eux, en l’occurrence Modibo Sidibé, s’est vite transformé en homme politique.
C’est dire qu’au Mali il y a une tradition, une jurisprudence, qui veut que le Président choisisse qui il veut sans consulter sa majorité. Cela a commencé en 1992. IBK, en bon élève de Konaré, ne peut pas rectifier le tir. Il continue de s’en inspirer. Il n’est donc pas étonnant que le RPM, avec 70 députés sur 147, n’ait pas obtenu la Primature. C’est cela la démocratie malienne!
Donc, foutez la paix à Moussa Mara! Il est l’un des jeunes le plus compétent de sa génération. Il a toutes les qualités requises pour le poste. Politiquement, il est de la majorité présidentielle. Cela est suffisant pour conduire l’action gouvernementale. L’idéal, il est vrai, aurait été que le PM sorte des rangs du RPM. Mais le Mali n’est pas la France, où il serait inimaginable pour Hollande de recruter son chef de gouvernement parmi les Verts ou les Communistes.
Continuons donc avec notre pratique démocratique singulière et acceptons le choix de Mara, même si son parti, Yelema, ne possède qu’un seul élu à l’Hémicycle. Evitons le clash!
Un bras de fer entre IBK et son parti serait hautement préjudiciable à la bonne marche du pays, au bon fonctionnement des institutions de la République. Nous avons déjà beaucoup de fronts auxquels faire face, il ne faut donc pas en ajouter un autre.
Le RPM doit savoir attendre. Son heure arrivera, inéluctablement. Mais IBK ne doit pas le frustrer davantage dans la formation du gouvernement. L’attitude des Tisserands dépendra en grande partie de ce que le gouvernement Mara va leur proposer. Alors, que la sagesse prévale de part et d’autre, sinon, bonjour les déchirures et les tiraillements.
Chahana Takiou