Mali-Mètre a rendu public, le jeudi dernier, son rapport d’enquête d’opinion «Que pensent les Malien(ne)s ?». Dans ce document perception, des Maliens estiment que le travail de la MINUSMA et de Barkhane n’est pas rassurant pour ramener la paix et la stabilité. Dans la même veine, la majorité des personnes interviewées juge nécessaire la relecture de l’Accord. Paradoxalement, seulement 1,5% dit avoir une bonne connaissance du contenu de ce document.
Le jeudi dernier, le dernier rapport d’enquête d’opinion de « Mali-Mètre » a été rendu public. Le document de plus de 90 pages évoque l’appropriation et la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger, la stabilisation et la sécurisation du Mali, la justice et la bonne gouvernance, la réconciliation, ainsi que les perspectives pour le pays. De même, on y retrouve les priorités pour des Maliens dans un contexte de crises (sanitaire, sécurité et politique).
Les priorités de la transition pour des Maliens
A l’analyse de ce document, il y a un fossé énorme entre les priorités politiques et celles de la population. Si les nouvelles autorités de la transition entendent axer le temps restant de la transition sur des actions politiques notamment (organisations des élections), des populations pensent, en revanche, que la priorité est ailleurs.
« Les principaux défis que rencontre le Mali, actuellement sont : la lutte contre le chômage des jeunes citée par 46,6% de concitoyen (ne)s, la lutte contre l’insécurité (44,6%), la lutte contre l’insécurité alimentaire (42,5%), la lutte contre la pauvreté (38,7%) et l’amélioration du système éducatif (37,8%)», indique le rapport.
Un chapitre a été également consacré sur l’Accord pour la paix et la réconciliation. Le dividende de ce document signé en 2015 se fait encore attendre. Les populations continuent de souffrir de l’insécurité dans le pays, en témoigne le dernier rapport du Secrétaire général de l’ONU sur le Mali qui signale plus d’une centaine d’attaques dans le pays.
Pour le Mali-Mètre, le niveau d’avancement de l’Accord pour la paix et la réconciliation, plus de sept Maliens sur dix, de façon générale, pensent qu’il n’y a pas eu de progression dans la mise en œuvre dudit document. Ce pourcentage varie d’une région à une autre. En guise d’exemple, quatre personnes sur cinq dans la région de Ménaka estiment que l’Accord n’a pas assez avancé.
66,1% de personnes n’ont aucune connaissance de l’Accord
Cependant, de nombreuses personnes enquêtées ont confiance en l’Accord pour la paix et réconciliation nationale. En effet, affirme le rapport de Mali-Mètre, un Malien sur deux a confiance en l’accord pour ramener la paix et la stabilité au Mali.
Par contre, dans la région de Kayes, plus de la moitié des citoyens (54,5%) n’a pas confiance en l’accord pour ramener la paix et la stabilité, évoque rapport.
Si plusieurs raisons sont avancées pour justifier le retard accusé dans la mise en œuvre de certains chapitres de l’Accord, son contenu n’est pas suffisamment connu par des populations. Or, la mise en œuvre correcte du document nécessite une compréhension commune de l’ensemble des acteurs y compris les populations.
«Près des deux tiers des Malien(ne)s (66,1%) n’ont aucune connaissance de l’Accord pour la paix et la réconciliation, 15,7% estiment en avoir une faible connaissance et 1,5% une bonne connaissance », précise Mali-Mètre. Ce constat est l’un des reproches faits à la mise en œuvre de l’Accord, malgré la traduction du document dans plusieurs langues du pays et avec des campagnes de sensibilisation.
Paradoxalement, ce document dont le contenu est ignoré par une grande partie de la population, il y a un très fort engouement pour sa relecture. En clair, selon l’enquête d’opinion de Mali-Mètre, une personne sur deux estime que l’accord « doit être relu et modifié ». En revanche, seulement un Malien sur dix pense que l’accord ne doit pas être modifié et appliqué comme tel. Toutefois, une forte proportion de Malien(ne)s (38,6%) n’a pu se prononcer sur ce sujet.
Faible confiance des Maliens aux organes de la transition
La publication de ce rapport intervient dans la 2e phase de la transition après la destitution de Bah N’DAW par Assimi GOITA. Le rapport s’est intéressé à cette situation en jaugeant la perception des Maliens sur les organes de la transition. Il ressort dudit rapport que des Maliens accordent plus de confiance au président de la transition qu’aux autres organes de la transition.
« Il a été cité par un tiers de la population (33,8%). Toutefois, on note une proportion de 23,3% de la population qui estiment avoir un même niveau de confiance envers tous les organes de la transition et 18% n’ont confiance en aucun d’eux », souligne Mali-Mètre.
Sur l’évolution du niveau de sécurité dans les régions au cours des trois derniers mois, la population est partagée. Dans certaines localités, plus de la majorité des individus demandés soutient qu’il a augmenté au cours des trois derniers mois. A la même période, des habitants des régions de Kidal, Ménaka, Gao et Tombouctou pensent le contraire.
Pour autant, contre cette insécurité et pour imposer la stabilité au Mali, plusieurs forces armées sont déployées. Il s’agit de la MINUSMA, de Barkhane et de la Force conjointe du G5 Sahel. L’apport de ces deux premières forces conformément à leur mission semble être en deçà des attentes, jugent des Maliens. Ainsi, dans l’ensemble, 45,6% des Malien(ne)s ne sont pas satisfait(e)s du travail de Barkhane au Mali dont 30,5% qui n’en sont pas du tout satisfaits. Quant à la MINUSMA, ce sont 38,0% qui sont satisfaits de son travail contre 42,7% d’insatisfaits.
La gouvernance toujours
malmenée
Depuis des années, la gouvernance est très décriée dans le pays. Et elle est l’une des causes du soulèvement contre le régime d’Ibrahim Boubacar KEÏTA. Parce que pour beaucoup, la mauvaise gouvernance était érigée comme le système de gestion du pays. Ce dernier rapport de Mali-Mètre fait constater également que des Maliens ne perçoivent pas bien l’image de certains services. Conséquence, il y a 45,0% des Maliens qui n’ont pas confiance en la justice.
Cependant, dans certaines régions, ce taux est en hausse. En effet, dans les régions de Kayes (54,9%) et de Bamako (56,4%), plus de la moitié de la population n’a pas confiance en la justice. A Ménaka, cela concerne trois personnes sur cinq.
Quant au niveau de corruption au Mali, il est jugé élevé par neuf personnes sur dix (68,5% très élevé et 22,8% plutôt élevé). On observe les mêmes tendances dans presque toutes les régions sauf Kidal où trois personnes sur quatre jugent élevé le niveau de corruption au Mali.
De même pour la fréquence de l’impunité, des efforts doivent être consentis. Parce que pour huit Malien(ne)s sur dix, l’impunité est fréquente dans le pays (50,4% très fréquente et 32,4% plutôt fréquente). Dans presque toutes les régions, sauf Kidal et Taoudéni, au moins huit personnes sur dix pensent que l’impunité est fréquente au Mali. Dans les régions de Kidal et de Ménaka, cette proportion est respectivement de 56,1% et de 57,8%.
Par Sikou BAH
Source: Info-Matin