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En réaction à la réflexion du ministre Ousmane Sy, publiée sous le titre : de quelle transition le Mali a besoin aujourd’hui ?

Et suite à l’impossibilité de pouvoir répondre en ligne dans le blog, M. Amadou Traoré fait dans cette correspondance des propositions concrètes.

Salut Ousmane

Je n’ai pas réussi à laisser mon commentaire sur ton blog. Je crains de toute façon qu’il ne soit trop long. Aussi, je te l’envoie très fraternellement.

Je pense qu’il aurait peut-être fallu résumer les positions des partisans et des adversaires de la transition pour permettre d’apprécier tes efforts de rapprochement des points de vue. Ce que tu décris comme des dysfonctionnements, ne sont, à part la corruption, que des symptômes ou des effets de la crise. Il ne s’agit pas des maux principaux dont souffre le pays et qui sont la crise du Nord, l’insécurité, la déliquescence de l’Etat, en particulier dans ses leviers régaliens que sont l’armée, la police et la justice, l’effondrement de l’administration et la baisse continue du niveau et de la conscience des agents de la fonction publique, la corruption et la culture de l’impunité, la crise scolaire qui ne peut plus s’accommoder de demi-mesures.

Remettre la recherche de solutions à un grand Toguna, revient seulement à différer l’inévitable étape des propositions. Il faut aller jusqu’au bout de ton raisonnement et “tenter l’exercice périlleux “ de proposer des solutions. Je vais m’essayer à cet exercice en précisant que ce ne sont que mes idées.

  1. À part peut-être (et encore) tous ceux qui sont engagés dans des jeux de rôle aussi bien au sein du pouvoir que de l’opposition, la plupart des Maliens rejettent l’Accord d’Alger, en particulier l’immense majorité des populations du Nord. La transition, si transition il y a, ou tout futur gouvernement doit acter cela, d’autant que l’Accord avait une durée de deux ans déjà accomplie. Sans fermer la porte à la négociation pour plus d’autonomie dans les affaires locales et régionales. Il faut renégocier au Mali, entre Maliens, même si certains facilitateurs pourraient être acceptés.
  2. Une profonde réforme de l’armée me paraît inévitable pour la purger de tous ses éléments qui sont seulement attirés par la perception d’une solde régulière et ne sont pas disposés à se battre pour leur pays. Les cours martiales décidées récemment par le Niger pour fuite devant l’ennemi et les radiations des rangs de l’armée et de la gendarmerie de ce pays sont des mesures à appliquer immédiatement au Mali.

La même politique devrait concerner les services de sécurité pour instaurer partout la discipline et l’esprit de sacrifice. Il est illusoire de penser instaurer la sécurité sur notre si vaste territoire sans une armée forte et des services de police dévoués. Nul doute que ces mesures contribueront à créer ce renouveau.

  1. L’inefficacité et la corruption de la fonction publique en général et de la justice en particulier appellent des sanctions dans les cas avérés et des purges sur la base de tests de niveaux. Une première mesure serait de licencier tous ceux qui sont devenus fonctionnaires de façon frauduleuse. Il faut mettre fin à la culture de l’impunité. Et comme nul n’est censé être au dessus de la loi, il faudra se résoudre à faire des exemples. Les rapports du vérificateur général devraient, dans ce cadre, trouver des prolongements judiciaires. Une mesure symbolique, qui est tout sauf un gadget, serait d’interdire de faire du thé à longueur de journée dans les bureaux, casernes et commissariat ou d’y regarder les soap operas latino-américains ou hindous.

Toutes ces mesures de fermeté restaureront et renforceront l’autorité de l’Etat, sans laquelle rien n’est possible. A preuve l’incapacité du pouvoir à mettre de l’ordre à l’université en stoppant les dérives de l’AEEM.

  1. La crise scolaire : le Mali s’épuise à prétendre offrir un enseignement général à tous ses enfants. Pour louable que soit l’intention, elle n’est pas réaliste. Tout le budget de l’Etat ne suffirait pas à la tâche. Année après année, le niveau baisse inexorablement dans tous les cycles. Le temps est venu de changer radicalement de politique autour des axes suivants :
    – assurer un enseignement de qualité à tous les enfants du pays, dispensé par des instituteurs bien formés et croyant en leur sacerdoce. (En 1955, nous étions 107 élèves dans une classe de CP1 qui a donné au pays 2 ministres, 3 ambassadeurs, des médecins, ingénieurs etc)

– permettre au plus grand nombre de suivre un enseignement professionnel formant aux métiers qui existent dans un pays d’agriculture, d’élevage, et de pêche, où l’on ne trouve pas de maçons, plombiers ou électriciens qualifiés.

– orienter les plus doués vers l’enseignement général et le supérieur, notamment pas un système de bourses au mérite transparent.

Est-ce le rôle d’un gouvernement de transition que d’ouvrir des chantiers aussi vastes? Aura t-il la légitimité et l’autorité pour conduire de telles réformes? Je n’en suis pas sûr. Quelle sera la durée de cette transition, en d’autres termes à partir de quelles réalisations on pourra considérer qu’elle aura accompli sa mission ? Quelles seront les institutions de contrôle de son action ?

On me répondra que toutes ces questions seront tranchées par le Toguna. Peut-être. Mais je ne crois pas au mode de gouvernement instauré jadis par ATT de faire participer tous les principaux partis à l’exercice du pouvoir. On a vu ce que cela a donné.

Voilà ma contribution à ton papier.

Bien fraternellement Amadou

La rédaction

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