Les plaignants avaient dû se déclarer guéris après avoir été soumis au prétendu remède que Yahya Jammeh disait avoir découvert contre la maladie.
Trois malades du sida en Gambie qui affirment avoir servi de cobayes aux prétendus traitements de l’ex-président Yahya Jammeh le poursuivent en justice. En exil en Guinée équatoriale depuis janvier 2017 après avoir été contraint de céder le pouvoir qu’il a exercé sans partage pendant vingt-deux ans, M. Jammeh se targuait de dons mystiques, notamment de pouvoir guérir l’asthme, l’épilepsie, la stérilité et le sida avec des plantes et des incantations.
« Mes clients réclament des dommages intérêts pour détention illégale, et traitement inhumain et dégradant pendant qu’ils étaient soumis aux soi-disant remèdes de l’accusé contre le sida », a déclaré à l’AFP leur avocate, Combeh Gaye, peu après avoir déposé sa plainte. Il s’agit de deux hommes de 64 et 63 ans et d’une femme de 51 ans, appartenant tous trois à des associations de soutien aux malades du sida, selon le texte de la plainte consulté par l’AFP. Peu après l’annonce fracassante par Yahya Jammeh de sa « découverte » d’un remède contre le sida en janvier 2007, ils avaient fait partie du premier groupe de neuf patients invités à expérimenter son traitement.
Privés d’antirétroviraux
Ils affirment que Yahya Jammeh leur interdisait d’utiliser des antirétroviraux pendant toute la durée de son traitement, qui s’est poursuivi jusqu’en juillet 2007, période pendant laquelle ils ont été privés de leur liberté de mouvement. De plus, ils ont été filmés pendant les séances, malgré leurs réticences, pour apprendre ensuite que les images avaient été diffusées par les médias d’Etat, en particulier la télévision officielle GRTS, selon le texte.
Malgré l’inefficacité du traitement, particulièrement pénible, ils disent avoir dû sous la contrainte se déclarer guéris, confirmant les déclarations du ministre de la santé de l’époque, Tamsir Mbowe, ce qui avait conduit d’autres malades du sida à suivre leur exemple.
Ancien militaire, Yahya Jammeh est parvenu au pouvoir par un putsch sans effusion de sang en 1994 dans cette ancienne colonie britannique enclavée dans le Sénégal, à l’exception d’une étroite façade côtière. Il s’était ensuite fait largement élire et réélire sans interruption jusqu’à sa défaite en décembre 2016 face à Adama Barrow, candidat de l’opposition.
Après six semaines d’une crise à rebondissements provoquée par son refus de céder le pouvoir, il a finalement quitté le pays le 21 janvier 2017 à la suite d’une intervention militaire de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et d’une ultime médiation guinéo-mauritanienne.
Le Monde.fr avec AFP Le 01.06.2018 à 11h16