Les vivants ne sont pas mieux lotis et certains risquent de mourir sous les verrous en raison des lenteurs sidérantes de l’administration. Sur son site Maka Angola, le journaliste et opposant Rafael Marques fait régulièrement l’inventaire des situations les plus folles, dignes du Guinness Book des records. Le dernier cas en date concerne Domingos Manuel Filipe Catete, 32 ans, incarcéré depuis le 16 mai 2008. Son crime ? Il a été pris en flagrant délit en train de dormir, ivre, dans une voiture qui n’était pas la sienne. Il croupit depuis huit ans dans les gêoles angolaises où il a été placé en détention préventive. L’intervention de Rafael Marques auprès du commandement de la police nationale est jusqu’à présent restée sans suite.
Nominations administratives ubuesques
Ce cas n’est pas isolé. Nombre de voleurs de poulets et de citrons pourrissent depuis des lustres en prison. Deux autres hommes, eux soupçonnés de « vol de vêtements usagés », ont passé respectivement sept et cinq ans en prison. Mais cette fois, la plainte déposée par le site Maka Angola a porté ses fruits. Les deux individus ont fini par être libérés.
La communication administrative de la présidence angolaise témoigne elle aussi de remarquables performances en matière d’absurdité : en mai 2015, le président José Eduardo dos Santos signe un décret (n°101/15), portant nomination d’un haut fonctionnaire de la police nationale, le sous-commissaire Andrew Kiala. Sauf que ce dernier était mort. Qu’importe. Le chef de l’Etat a tout de même ordonné à son ministre d’organiser la cérémonie d’intronisation du défunt.
En janvier 2014, on a présenté à la signature du président, un décret administratif qui octroyait le grade de brigadier à António Vieira Lopes « Tó », ancien délégué de la police secrète de Luanda (SINSE), alors en état d’arrêt et répondant au tribunal pour les meurtres de deux militants et opposants assassinés par les autorités angolaises deux ans plus tôt.
Surpris, le président José Eduardo dos Santos a ordonné une enquête pour comprendre comment cette promotion était arrivée sur son bureau au moment où un procès criminel se déroulait contre le colonel Vieira Lopes « Tó ». Les résultats de l’enquête n’ont jamais été publiés. En Angola, justice et administration semblent parfois au-dessus des lois et de la raison.