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Elhadji Baba Haïdara dit Sandy, (UM-RDA FASO JIGI) : “Le comportement du Malien d’aujourd’hui vient de la gestion du CMLN”

A l’occasion du 22 septembre 2020, notre organe s’est rendu chez El hadji Baba Haïdara dit Sandy, aujourd’hui, première personnalité de l’UM-RDA Faso Jigi après le décès de feu Ibrahim Boubacar Bah. Il est aussi le fils de celui que l’on appelait le complice de Modibo Keita, il s’agit de Mahamane Alhassane Haïdara, 1er président de l’Assemblée nationale. Sandy Haïdara fait son constat de l’après 60 ans d’indépendance. Il nous parle de Modibo Keita, son parcours, son idéologie et ses compagnons. Lisez…

 

Pour Sandy Haïdara, les 60 ans d’indépendance sont…

“60 ans de perturbation, d’irrégularité politique, malheureusement, 60 ans de recherche de voie. Jusqu’à preuve de contraire, le Mali cherche sa voie. Les derniers évènements le confirment où tout le monde est en train de crier, il faut un nouveau Mali. Est-ce un nouveau Mali qu’il faut ? Ou un nouveau Malien qu’il faut. Voilà moi la question que je me pose. Donc nous avons eu 60 ans d’indépendance, les péripéties sont connues. Aujourd’hui le Mali a plus que jamais de ce qui a fondé l’Etat. C’est-à-dire l’homme intègre, l’homme patriote, l’homme qui respecte le bien public, le travailleur et l’homme digne. Tout ce que nous allons chercher pour le Mali si les hommes ne sont pas formatés dans cette moule des anciens fondateurs du pays, on va encore échouer. Il faut être nationaliste. Il faut aimer son pays. L’amour de la patrie donc le patriote.

Modibo Keita pour Sandy Haïdara

Les années 1946, Les grands cadres se sont réunis pour partager des idées et fonder le Rassemblement démocratique africain (RDA) pour la décolonisation et l’émancipation de l’Afrique. Modibo Keita de manière générale, en fonction des colloques, parmi lesquels le dernier au Centenaire de Modibo Keita, avec des éminents professeurs venus du Niger, du Sénégal, de la Côte-d’Ivoire, du Bénin, on a compris que les Maliens ont sous-estimé Modibo malgré tout ce qu’on a comme admiration pour Modibo. Les autres semblaient plus connaitre la valeur de Modibo plus que nous. Modibo était l’homme fédérateur, engagé pour l’Afrique pour le fédéralisme, l’indépendance et la dignité de l’Afrique. Ses idéaux étaient extraordinairement accompagnés. Modibo était l’homme, à cause de ses idées d’indépendance, qu’il fallait abattre. Modibo était cet homme qui dit : “On ne peut dire qu’on est indépendant d’une ancienne colonie, et que nous soyons protégés par l’armée de cette colonie”. C’est la raison pour laquelle il y’a eu la création de l’Armée nationale le 20 janvier au moment où il y’avait les bases militaires françaises en Côte-d’Ivoire et au Sénégal. Modibo était l’homme qui a initié dans la Constitution du Mali que le Mali était prêt à céder une partie de sa souveraineté pour l’Unité africaine. Seul le Mali a cela dans sa Constitution. C’est Modibo qui a également poussé à créer la Fédération pour montrer que nous sommes ensemble. Si nous restons faibles face au colonisateur, nous resterons faibles. Par contre quand on est uni, on va gagner.

Sandy révèle ce qui différencie Modibo des dirigeants d’aujourd’hui

Modibo est un homme particulier. Voilà l’homme qui avait un budget pour la présidence. Chaque année, Modibo reverse au Trésor public, au Franc près le reliquat après les dépenses. Jamais on n’a surpris Modibo à dire, il y’a ça qui a manqué. Ça c’est le président de la République. L’intégrité dont je parlais tout de suite. Aujourd’hui de quoi parle-t-on ? Corruption, lutte contre le détournement de dernier public. Ce que Modibo avait une vision qu’il a inculqué aux Maliens. Au point dans ce temps-là, le Malien, c’était “Mieux vaut la mort que la honte”. C’est-à-dire, aucun Malien ne pouvait accepter qu’on dise de lui, qu’il a volé l’argent de l’Etat. Modibo a montré l’exemple. C’est pourquoi sur le plan international, Cet homme de grande dimension était accepté de tous les blocs. C’était la guerre froide. Le Bloc de l’Est et de l’Ouest. Modibo était d’accord avec la Chine, la Russie, l’Amérique même avec la France, mieux, l’Allemagne et l’Angleterre. Ce n’est pas donné à tout le monde d’être cet homme-là. Alors cet homme a montré un exemple pour le chemin du Mali. Le Mali était le pays le plus industrialisé de l’Afrique. En 6 ans de gouvernance. Avec l’Armée la plus équipée. Les idéaux de Modibo ne pouvaient pas plaire à l’ancien colonisateur. C’était la raison d’arrêter le Mali dans sa marche. On avait notre industrie. On était d’accord avec tout le monde. On était indépendant. On avait notre Armée, on avait notre puissance. On consommait ce que l’on produisait. On exportait même. Mieux on avait notre Franc. La France a été attentive. “Si nous n’arrêtons pas cet homme dans sa démarche, nous allons perdre notre marché internationale sur l’Afrique”. Parce que les autres vont l’imiter. Il faut l’arrêter. Ce n’est pas l’homme mais le système. Tous les jeux ont commencé par dévaluer la monnaie, avant d’arriver malheureusement à utiliser des bidasses qui n’avaient aucune compréhension de la République pour faire un coup d’Etat. Donc on a arrêté le Mali dans sa marche par le coup d’Etat de 1968. C’est ce coup d’Etat qui a changé la mentalité malienne. Parce que le malheur du Malien, le comportement du Malien qu’on essaie de corriger aujourd’hui vient de la gestion du Mali par le Comité militaire qui a fait le coup d’Etat en 1960. Moi j’ai connu 3 Mali. Un Mali où on avait honte de voler. Le leitmotiv était “mieux vaut la mort que la honte”. Ensuite le Mali, où on vole mais c’est le chef qui montre le chemin pour voler. Et on ne pouvait pas l’arrêter. C’est en ce moment-là qu’on a connu au Mali, des ardoises autour des cous de chefs militaires. Lutte contre la corruption, détournement de derniers publics. Et on les emprisonnait. Mais ça avait laissé tache d’huile. C’est après cela qu’on a connu le Mali où tout le monde vole, tout le monde sait que tout le monde vole, personne n’est sanctionné. C’est ce que l’on vit aujourd’hui. Un autre exemple : Un militaire lieutenant parmi les membres du Comité militaire est ministre. Il ne connait que ça. Ils ont commencé à prendre de la grandeur. Entre parenthèses, c’est là qu’il faut que les Maliens réfléchissent sur ce qui nous arrive aujourd’hui pour ne pas donner le temps aux militaires de se plaire dans le fauteuil. Donc quand ce petit militaire dirigeait les ministères, tous les grands cadres que Modibo avait formés, intègres, amoureux de la patrie qui ne détournaient pas de l’argent, étaient là et faisaient tout le travail. Un an après, ces militaires qui sont sortis de leur camp, viennent montrer aux secrétaires généraux, travailleurs intègres, leurs champs, leurs villas de 100 à 200 millions. Les secrétaires n’avaient pas le droit de les dénoncer et c’est en ce moment que le Malien a commencé à voler pour imiter le chef. Et c’est parti. Cette génération, elle date depuis 1970-75 et on ne peut l’enlever facilement. Voilà ce qui fait que le Malien d’aujourd’hui est différent de Modibo.

Sandy parle des camarades de luttes du président Modibo Keita

Le premier combattant avant Modibo c’était Mamadou Konaté pour l’indépendance du Soudan et de l’Afrique. Il est mort en 1957. C’était lui le président du Rassemblement démocratique africain-union soudanaise RDA. Modibo a pris sa place. Pour respecter même Mamadou Konaté, jamais Modibo n’a changé de titre. Il est resté secrétaire général du parti. Mamadou Konaté est mort avec le titre du président du parti. Il y’a eu l’hymne “Mamadou Konaté”, l’hymne des pionniers : “Notre père Konaté, nous suivons ta voie, nous voulons ta foi”. Il y’a eu le Stade Mamadou Konaté, l’Avenue Mamadou Konaté, l’école Mamadou Konaté et une salle Mamadou Konaté à l’Assemblée nationale parce qu’il a été aussi député du Soudan. Mamadou Konaté est mort avant l’indépendance.

Modibo avait des compagnons très sérieux avec lesquels, il est resté très uni. Le premier d’entre eux, qui peut être même celui qu’on peut appeler son complice, c’est Mahamane Alhassane Haïdara, président de l’Assemblée nationale 2ème personnalité du Mali, constitutionnellement en cas de vacance du pouvoir. C’était son compagnon de lutte. Pour la fédération, pour l’indépendance, pour tout ce qu’ils ont fait ensemble, Modibo n’a jamais été sans Mahamane. Ils faisaient même leur discours ensemble pour les lire avant de les communiquer. La sincérité dans leur relation était telle que Mahamane a refusé d’écrire des mémoires. Quand on lui a demandé pourquoi ? Il a dit “moi je suis politicien. Je préfère aller dans la tombe avec certains nombres de secrets que de dévoiler ce qui s’était passé entre Modibo et moi. Parce que cela desservir l’esprit”. En dehors d’eux, il y avait des grands, je ne peux pas tout citer mais les plus proches, c’était Idrissa Diarra, secrétaire politique du parti. Il y’avait des grands comme Jean Marie Koné qui à la fin a malheureusement trahi parti. Parce qu’il a eu des rapports avec les militaires après le coup d’Etat contre Modibo. Il y a eu Seydou Badian Kouyaté. Il était de la même génération que Modibo. Il était le plus jeune, un des plus dynamiques pour la Coopération internationale. Il y’avait aussi Aoua Keita, la première députée femme de l’Union soudanaise RDA. Il faut savoir que Modibo et le bureau politique du RDA et le gouvernement du RDA sont à Bamako pour gérer le pays mais l’ensemble du Mali était uni derrière eux. C’est que qui a fait les nombreux médaillés d’or de l’Indépendance. Toux ceux-ci ont été fabriqués presque dans le même moule de l’amour de la patrie et de l’intégrité. Tous ces médaillés de Kidal, Ménaka au fin fond de Sikasso, tous ceux qui se sont battus pour l’Indépendance du Mali ont été les Médaillés d’Or de l’indépendance. Aujourd’hui sur l’ensemble des 158, il ne reste plus que 2 vivants dont Fayira Diarra, député de Koulikoro et Almahamoud Maïga médaillé d’Or de Ménaka installé à Gao. Donc il n’était pas seul. Modibo a créé un esprit, il a été un leader mais il a travaillé avec une équipe qui croyait en ce pays-là, en leur indépendance et en leur dignité.

Sandy sur les pères de l’indépendance

Tous les pères de l’indépendance sont morts aujourd’hui. Aucun compagnon de Modibo ne vit actuellement. Cette génération est partie. Ils ont nous laissés dans la nostalgie.

Sandy se prononce sur la situation actuelle du pays

Certains disent, il faut un nouveau Mali. Moi je dis, on ne fait pas un nouveau Mali, le Mali est le même dans ses 1241000 Km² dans son ensemble de population et tout de tout ce qu’il a. C’est l’Homme malien qu’il faut reformater. Reformater l’Homme malien, c’est de trouver des jeunes qui ont compris, que ce qui a été fait pour arrêter le Mali de 1968 jusqu’à maintenant, où il y a la corruption où il y’a tous ces défauts dans ce Malien-là, il faut que les nouveaux jeunes comprennent que l’avenir du Mali dépend d’eux. Mais les seuls idéaux qui permettront de le faire ce sont les idéaux qui ont fondé le Mali à la base. L’amour de la patrie, intégrité, respect du bien public, respect du travail bien fait, dignité. Il faut être digne, il faut être nationaliste. Si cela est compris par des jeunes aujourd’hui, on peut dire, qu’on préparer l’avenir

 Les derniers mots de Sandy Haïdara

Une des grandes fautes qui a suivi les Maliens. Après les événements de 1991, je le dis avec beaucoup de peine. Le Malien a changé. La corruption s’est installée. On n’a jamais pu combattre la corruption, le détournement de dernier public. Combien de structures ont été mises en place pour combattre la corruption, ça ne finit pas. En 1991, avec le changement en parlant de Démocratie et le multipartisme, tout allait changer. Toutes les solutions allaient arrivés. Ce que j’appelle la grande faute, on a tellement mal interprété ou traduit la “Démocratie” “Be diè fagan”, (pouvoir collectif), pour dire Démocratie est une erreur. On ne peut pas. Tout le monde ne peut pas être au pouvoir. Ce qui a fait que de 1991 à nos jours, c’est le désordre, l’irrespect des institutions, le refus de l’Etat et le refus de respecter la hiérarchie à tous les niveaux. Donc tout le monde prenait qu’on a dit Démocratie, chacun peut faire ce qu’il veut. Alors, ça c’est le désordre. Il faut que cette période de transition, soit révolue. Mieux, tout le monde pensait qu’il a le droit de faire ce qu’il veut, qu’on a créé des chartes de partis et on se retrouve avec 246 partis politiques au Mali. Pour aller où ? Avec quel projet de société, avec objectif ? Tous ces partis ne sont que des partis d’individu. Si le père fondateur du parti n’est plus là, le parti est mort. Ça c’est le désordre. Faire tout pour cette période que l’on va traverser soit une période de sagesse, de compréhension, d’unité et de vision commune sur ce qui peut faire le pays. Pas de vision individuelle ou d’intérêt. En ce moment-là, on aurait balisé pour les futures générations qui vont prendre le pouvoir à la fin de la transition, ne plus commettre de grandes erreurs qui ont été faites les par autres.

Entretien réalisé par

Koureichy Cissé

Mali Tribune

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