IBK spécialiste des verbiages creux dont il a abusé tout au long de son cauchemardesque mandat finissant, ne se rend même pas compte que son cynisme a depuis fort longtemps été démasqué par l’écrasante majorité des Maliens qui aujourd’hui, n’accordent plus aucun crédit aux discours du Président-candidat. Le 18 juin 2018, profitant comme à son habitude de la cérémonie officielle de célébration de la Journée de l’enfant africain, le Président qui adore faire des phrases comme dirait l’autre, a lâché sans rire : « Il n’existe aucune raison aujourd’hui dans ce pays d’être dans quelque émois que ce soit par rapport au processus électoral…Tout ce qui doit être mis en œuvre pour que ces élections soient claires, transparentes et crédibles l’est aujourd’hui ».Il est vrai que la Président IBK enfermé à double tour dans sa bulle et totalement sevré des réalités du pays qu’il perçoit à peine, n’est pas le mieux placé aujourd’hui pour évaluer le processus électoral en cours. En particulier, il ne paraît pas en capacité d’appréhender le gros risque de cafouillage qui se profile dangereusement à l’horizon dans les bureaux de vote. Ce risque est pourtant bien réel et perceptible pour qui sait ouvrir les yeux sur quelque unes des incohérences et aberrations que renferme la loi électorale n°2016-048 du 17 octobre 2016 modifiée par la loi n° 2018-014 du 23 avril 2018 au niveau des articles 62, 80 et 83.
Deux tâches inconciliables assignées aux deux assesseurs de l’opposition et de la majorité : identifier l’électeur et signer les bulletins de vote en même temps.
La disposition de la loi électorale présentée comme la plus innovante est celle relative à la nomination en tant qu’assesseurs d’un représentant de l’opposition et d’un représentant de la majorité consacrée par l’article 83. Cette disposition reste cependant l’une des plus controversées de la loi modificative n° 2018-014 du 23 avril 2018. Dans son principe même, l’article 83 demeure problématique par rapport à des questions fondamentales incontournables. Comment en matière électorale, peut-on traiter l’opposition et la majorité comme des blocs monolithiques et homogènes condamnés à avoir les mêmes intérêts politiques ? Comment peut-on privilégier ce clivage par exemple dans le contexte de la présidentielle où divers candidats vont devoir s’affronter y compris à l’intérieur de chaque camp politique ? Quid de la situation des scrutins de listes (législatives ou élections locales) avec leurs alliances contre natures de toutes les combinaisons imaginables insensibles à tout clivage politique ? Par-dessus tout, a-t-on l’assurance que les indépendants et les forces politiques ne se réclamant ni de l’opposition ni de la majorité y trouveront leur compte ? Ces questions incontournables de l’article 83 n’épuisent toutefois pas toutes les tares de la loi modificative n° 2018-014 du 23 avril 2018. Ces tares résultent également du fait d’avoir confié deux tâches inconciliables aux assesseurs de l’opposition et de la majorité. D’une part l’article 89 spécialise les deux assesseurs de la majorité et de l’opposition dans la tâche d’identification de l’électeur à l’entrée du bureau de vote : « A son entrée dans le bureau de vote, l’électeur présente sa carte d’électeur biométrique aux deux assesseurs de la majorité et de l’opposition ». D’autre part selon l’article 80, chaque bulletin de vote doit être signé par ces mêmes assesseurs de la majorité et de l’opposition. Le représentant du ministère chargé des Elections au dernier débat-monologue sevré de toute contradiction de l’ORTM, a bien précisé que ces signatures ont lieu juste avant que l’électeur ne prenne le bulletin pour se rendre dans l’isoloir. Il n’a pas totalement tort, puisque toute signature anticipée des bulletins de vote ne pourrait que créer de la suspicion sur leur authenticité. Cette contrainte justifie pleinement que les bulletins soient signés séance tenante au fur et à mesure de l’accueil des électeurs dans le bureau de vote. Mais en même temps, il parait difficile aux deux assesseurs de l’opposition et de la majorité de vérifier l’identité des électeurs à l’entrée du bureau où ils sont censés se poster pendant tout le scrutin et venir s’attabler pour signer des bulletins de vote. D’où la question suivante : comment les deux assesseurs de l’opposition et de la majorité vont-ils pouvoir s’occuper de l’identification des électeurs à leur entrée dans le bureau de vote et en même temps signer les bulletins que doivent ensuite prendre les électeurs ? Comment pourraient-ils à la fois exercer ces deux tâches sans que cela n’entraîne une perturbation des opérations de vote et des cafouillages dans les bureaux de vote surtout en cas de forte participation électorale ?
La transformation des bureaux de vote en centres de distribution des cartes d’électeurs
Outre la pagaille inhérente à l’exercice simultané des deux attributions inconciliables de la vérification de l’identité des électeurs à l’entrée du bureau de vote et de la signature des bulletins de vote, la transformation des bureaux de vote en centres de distribution de cartes d’électeurs restantes constitue un autre facteur potentiel d’encombrement et de désordre dans les bureaux de vote. La loi modificative n° 2018-014 du 23 avril 2018 en est responsable à travers son article 62 qui dispose : « Le jour du vote, les cartes d’électeur biométriques non retirées sont mises à la disposition de leurs titulaires au bureau de vote indiqué. Ils peuvent les retirer sur justification de leur identité ». Du point de vue pratique, cette disposition n’est même pas bien réfléchie, car le bureau de vote ne constitue nullement un indicateur de localisation pertinent pour celui qui n’aurait pu entrer en possession de sa carte d’électeur pendant la période de distribution. Comment va-t-il savoir que sa carte d’électeur se trouve exactement dans tel ou tel bureau de vote ? C’est plutôt la mairie ou même le centre de vote qui paraissent les lieux de stockage les plus pertinents en la matière.
Dans sa rédaction, l’article 62 signifie très concrètement qu’à cette étape, la distribution des cartes d’électeurs n’est plus du ressort des commissions de distribution, mais plutôt des assesseurs responsables de la gestion du bureau de vote. Dans ces conditions, la loi électorale assigne ainsi aux assesseurs une nouvelle tâche qui ne s’inscrit pas forcément dans les attributions classiques d’un bureau de vote. Il s’agit d’une tâche supplémentaire pour l’exercice de laquelle ils ne sont pas nécessairement outillés et préparés. Dans l’hypothèse où les lots de cartes restantes d’un bureau de vote seraient importants, comment va-t-on pouvoir y faire fasse sans créer des attroupements supplémentaires devant le bureau de vote ?
En sachant que des tâches spécifiques sont déjà assignées aux deux assesseures de l’opposition et de la majorité, il est évident que la marge de manœuvre du président du bureau de vote serait étroite s’il devait charger l’un des deux assesseures qui lui restent, de la remise des cartes d’électeurs. Ce faisant, il ne pourrait que renforcer le risque de pagaille dans son bureau de vote.
Comme quoi, la loi modificative n° 2018-014 du 23 avril 2018 a créé le cadre juridique favorable à la pagaille et au cafouillage dans les bureaux de vote.
Dr Brahima FOMBA
Université des Sciences Juridiques et Politiques de Bamako (USJP)
(L’Aube 991 du lundi 25 juin 2018)
Source: L’ Aube