Le communiqué conjoint du lundi, 31 juillet 2023, des autorités de transition du Burkina Faso et du Mali a été un message aux accents patriotiques bien compris par ceux à qui il a été destiné. Les chefaillons aux commandes de certains Etats d’Afrique de l’ouest, qui se plient aux injonctions d’Emmanuel Macron avec une légèreté toujours déconcertante et écœurante, l’ont en effet reçu cinq sur cinq et sont restés muets comme des carpes.
C’est l’essentiel. Mais au Mali, les politiciens en perte de vitesse parce que vomis par le peuple ont trouvé occasion à ergoter comme ils savent le faire. En mal de thèmes et de suggestions à même d’aider la marche en avant de la patrie, ils sortent toujours de leurs petites têtes obtuses des arguments farfelus qui ne prouvent jamais rien d’autre que leur alignement permanent sur les positions de ceux qui nous violent sans fin. Pour eux, la CEDEAO, criminelle organisation désormais démasquée, est ce qu’il faut perpétuellement pour nos peuples et nos Etats. Pour eux, le Mali, en décidant avec le Burkina Faso de prévenir « que toute intervention militaire contre le Niger entraînerait un retrait du Burkina Faso et du Mali de la CEDEAO, ainsi que l’adoption de mesures de légitime défense en soutien aux forces armées et au peuple du Niger » a commis un crime impardonnable et, en avertissant « que toute intervention militaire contre le Niger s’assimilerait à une déclaration de guerre contre le Burkina Faso et le Mali » a fait une déclaration de guerre en violation de l’article 117 de sa nouvelle constitution promulguée le 22 juillet dernier, qui stipule : « La déclaration de guerre est autorisée par le Parlement réuni spécialement en Congrès à cet effet, à la majorité de ses membres. Le Président de la République en informe la Nation par un message. » Mais depuis quand une décision préventive ou d’avertissement à l’ennemi de ne pas trop s’approcher de ses platebandes a-t-elle été une déclaration de guerre ? L’intelligence et la raison, dons précieux du ciel, commandaient plutôt de comprendre que le Mali et le Burkina Faso se trouvaient dans la position de légitime défense, les fauteurs de crimes bien connus ayant déclaré leur intention de s’avancer sur leurs frontières. Mais à supposer même qu’il s’agit d’une déclaration de guerre dans les règles classiques, quelle Assemblée nationale se serait-elle réunie en Congrès alors que les nouvelles institutionnelles de la quatrième Républiques ne sont pas à présent mises en place ? Rendons grâce au ciel, tous les politiciens maliens ne sont pas de gens ineptes et de mauvaise foi. L’ATIR de Pr. Younous Hamèye Dicko a eu la bonne sagesse de réfléchir et sa communication a été la meilleure réponse aux calembredaines des politiciens mal pensants. « C’est moins le coup d’Etat qui nous inquiète que l’attitude hideuse de la CEDEAO. On pourrait comprendre que la CEDEAO prenne ses sanctions sauvages contre le Niger ! Mais comment peut-on même envisager une intervention militaire en territoire nigérien avec la perspective de verser le sang sacré des Nigériens ? » Les mots sont justes et forts : attitude hideuse, sanctions sauvages, sang sacré…, c’est tant mieux et que soient bénis Pr. Dicko et ses compagnons, en nous gaussant des prétentions mal placées de certains ! Burkinabè et Maliens ont donc bien raison d’inviter contre les verseurs de sang des peuples : « En tout état de cause, les Gouvernements de Transition Burkina Faso et du Mali invitent les forces vives à se tenir prêtes et mobilisées, en vue de prêter main forte au peuple nigérien, en ces heures sombres du panafricanisme. » Et nous sommes prêts, soyez-en sûrs, colonel Assimi Goïta et capitaine Ibrahim Traore. Nous, peuples, savons aussi que nous ne devons plus remettre les rênes de nos Etats à ces politiciens hideux, sauvages et ô combien apatrides.
Pour ce qui est de la CEDEAO, qu’il me soit permis de citer le grand analyste financier sénégalais rompu aux questions de gouvernance, de développement, Dr. Papa Demba Thiam qui s’exprimait le 24 janvier 2022 chez un confrère du Sénégal : « …Vous faites bien de faire allusion aux événements en cours au Burkina Faso parce qu’il faut rappeler qu’il y a eu des manifestations contre les sanctions qui frappent le Mali, au moment où on entendait des bruits de bottes dans le pays qui ont créé une situation confuse extrêmement volatile à l’instant où nous réalisons cette interview. Il faut rappeler que c’est dans la même période que l’Union Africaine a publié son soutien aux sanctions contre le Mali, une semaine après en avoir délibéré. Cette situation devrait emmener les dirigeants de la CEDEAO et de l’UEMOA à prendre le temps de réfléchir à la pertinence de toute décision qu’ils pourraient être tentés de prendre, et ne surtout pas agir dans la précipitation, afin d’éviter de mettre davantage les populations ouest-africaines dans la rue. La question du développement économique intégré en Afrique de l’Ouest est encore plus pertinente. Les institutions d’intégration ou les communautés économiques régionales, telles qu’elles fonctionnent actuellement en Afrique de l’Ouest et en Afrique d’une manière générale, ne sont pas conséquemment outillées pour travailler au développement économique et social des populations. En effet, ces unions régionales sont bâties sur des mécanismes commerciaux alors qu’elles devraient se doter des moyens de développer et de distribuer des potentiels de croissances inclusives qui soient intégrées et complémentaires pour fixer les populations et favoriser les échanges…Mais il faut bien se rendre compte qu’il n’y aura pas d’alternatives au développement économique et social participatif et intégré, si on veut assurer la cohésion sociale et la stabilité en Afrique de l’Ouest. Aucune force armée ne pourra à terme contenir le désespoir des populations. Au contraire, les troubles que cela pourrait susciter peuvent créer des vocations de redresseurs de torts. Il faut bien rappeler une constante dans l’histoire : les révoltes populaires sont en général récupérées par les forces les plus structurées. Et dans le cas de l’Afrique, les forces les plus structurées se trouvent dans les armées. C’est la raison pour laquelle la seule manière d’éviter d’en arriver à la répétition des coups de force militaire en Afrique d’une manière générale, c’est de se résoudre définitivement à considérer toutes les voies possibles pour un développement économique et social harmonieux et solidaire. Ceci doit être compris aussi bien des politiciens, de leurs partenaires extérieurs que des institutions multilatérales. Pour en revenir à l’exemple du Mali, il faudrait éviter que ce blocus qui dure depuis plus de deux semaines ne finisse par porter un coup fatal aux velléités d’intégration économique régionale en Afrique de l’Ouest, si davantage des pays commencent à se méfier des risques inhérents à leur appartenance à des communautés économiques et monétaires. Comme on le dit communément, « Chat échaudé craint l’eau froide »…
Amadou N’Fa Diallo
Le National