Le 19 juin 2020 pour la seconde fois plusieurs milliers de maliens étaient sortis à l’appel du Mouvement du 5 juin (M5) regroupant des associations religieuses et des hommes politiques de divers bords. Alors que le Président de la République avait ouvert la voie à un dialogue avec la « rue » lors de ses deux sorties du 7 et du 9 juin 2020 , les positions se tendaient à l’Assemblée nationale, où son Président traitait le 17 juin 2020, les manifestants de « jihadistes » alors qu’un autre député accusait la rue de « déconner » et parlait de « décapitation ».
Il faut dire que la pression monte drastiquement et que les manifestants continuent à placer la barre assez haut en réclamant toujours, la démission du Président de la République, ce qui conduirait à reconnaître une vacance du pouvoir conformément à l’Article 36 de la Constitution. Dans le même temps, ils réclament une dissolution de l’Assemblée et de la Cour Constitutionnelle (CC). Ces conditions préalables à une sortie de crise proposées, peuvent conduire à la suspension de la Constitution et la mise en place d’une autorité transitoire, voire d’une Constituante.
A mon sens il faut accepter de dépasser à présent le cadre des querelles juridiques, en effet les manifestants ici réclamant le départ du Président expriment avant tout un ras le bol général. La situation économique est peu reluisante malgré les chiffres macroéconomiques, la lutte contre la pauvreté est handicapée par plusieurs facteurs dont la démographie, le conflit armé, mais aussi, par un manque de vision politique. Il faut ajouter à cela le fait que la parole publique ne soit plus jugée comme crédible et que la confiance ne règne plus entre dirigeants et dirigés.
Les leaders du M5 ont bien saisi cette frustration des populations et appuient là-dessus pour mobiliser au maximum et ratisser large. Étrangement, les membres de la majorité installés dans une posture de défense des Institutions ne font pas la même analyse et s’arc-boutent sur ces positions. Or ce qui est remis en cause par la rue c’est la répartition des richesses, la politique économique, sécuritaire, l’éducation, le manque de perspectives, et c’est là où il faut apporter des réponses structurelles. Le peuvent-ils encore là est la question.
Mais cette position n’est pas pour autant surprenante, la majorité peine à communiquer son bilan aux populations, chose qui aurait permis d’ériger une première ligne de défense. En effet La situation sécuritaire ne s’est pas vraiment améliorée, la situation économique non plus et que dire de la situation sociale avec des crises à répétition à l’hôpital et à l’école. A contrario le Président semblait l’avoir bien compris et dans une stratégie de désescalade il s’était empressé d’apporter une solution à la crise des enseignants en début de semaine dernière demandant l’application de l’Article 39. Il était déjà trop tard et paradoxalement cela semble avoir galvanisé les manifestants sentant le vent tourner en leur faveur et la possibilité d’obtenir plus en continuant le combat.
Aujourd’hui les positions peuvent sembler irréconciliables mais des pistes de sortie de crise existent et consistent à redonner espoir aux maliens, redonner foi en l’avenir, promouvoir la justice sociale, l’équité, la méritocratie, et surtout “libérer l’économie”.
Ne nous y trompons pas, remplacer Pierre par Paul n’est finalement qu’anecdotique et comme en 2012 ce pays a besoin d’un traitement de choc pour inverser les tendances.
Par askiamohamed |