A l’occasion de la fête de l’indépendance du Mali, la radio studio Tamani a organisé un débat économique. L’un des invités de ce débat était l’économiste Modibo Mao Makalou. Il s’est prononcé sur plusieurs sujets économiques dont l’état de l’économie malienne, la vision politique et économique de feu président Modibo Kéita, le franc malien et le franc CFA. Pour l’économiste Makalou, l’état de l’économie malienne n’est pas reluisant. Il a aussi dénoncé le manque de vision politique industrielle de nos gouvernants, mais également attiré l’attention de la Banque centrale afin qu’elle change de fusil d’épaule sur sa politique de financement des économies.
Dans l’analyse faite par l’économiste Modibo Mao Makalou, l’économie malienne n’est pas reluisante. « Ces trente dernières années, le taux de croissance économique moyen était d’environ 5%. Selon les estimations du ministère de l’économie et des finances du Mali, il semblerait qu’on puisse tabler sur environ 4% de croissance économique en 2021. Cela dépend des hypothèses sous-jacentes. Il faut une bonne pluviométrie, la diminution de l’insécurité, la stabilité des matières premières que nous exploitons sur le marché international », a-t-il déploré.
Faisant une analyse rétrospective du passé, Modibo Mao Makaloua rappelé que le 30 juin 1962, le président Modibo Keita s’est adressé à l’assemblée nationale pour annoncer la création du franc malien ; le 01 juillet, le franc malien est entré en circulation. « Le franc malien, de même que la République du Mali, est né dans la douleur. Nous avons quitté la zone franc et nous y sommes revenus, cela a été effectif en 1984 avec le retour du Mali dans l’UMOA », a-t-il narré.
Par rapport aux progrès réalisés par le franc malien, l’économiste Modibo Mao Makalou dira que la politique économique a deux leviers principaux : la politique fiscale (les recettes et les dépenses de l’Etat) et la politique monétaire qui consiste à stabiliser l’économie. A ses dires, le pouvoir régalien de battre monnaie appartient à l’Etat. « Ce sont les Etats seuls qui peuvent battre monnaie. La première banque centrale qui a existé au moyen âge en 1694 était la banque d’Angleterre. C’est elle qui a été la première à émettre des pièces de monnaie sur la forme actuelle que nous connaissons aujourd’hui avec le concours du secteur privé. L’institut d’émission, la Banque centrale a un objectif spécifique : c’est d’assurer l’ajustement externe, l’équilibre de la balance des paiements. Cette balance est le tableau économique de toutes les transactions économiques entre un pays et ses partenaires étrangers. Votre monnaie, c’est votre pouvoir d’achat », a-t-il déclaré.
Plan de développement économique de feu président Modibo Keita
Dans ses argumentations, Makalou a remémoré les esprits en disant qu’a l’indépendance, il n’y avait que 15 cadres supérieurs au Mali. « Ce sont des coopérants et d’autres personnes qui sont venus assister le Mali dans le cadre de la coopération économique pour mettre en place un plan de développement économique et social. Pour cela, il fallait une monnaie nationale. Le plan de développement économique et social tablait sur un objectif de 8% et malheureusement il n’a réalisé que 2,3%. L’idée était de faire la substitution aux importations puisque 80% de nos exportations venaient de la puissance coloniale. Une quarantaine de sociétés d’entreprises ont été créées, mais malheureusement il y a eu des difficultés au niveau de la gestion », a-t-il évoqué. Avant d’ajouter : « Le franc malien qui, au départ, était une aubaine, finalement a été un fardeau par la suite parce que le pays était lourdement endetté. En 1962, 70% de ce que le Mali vendait à l’extérieur était avec 23 pays socialistes. Notre monnaie n’était pas convertie, donc ça posait un problème structurelle ».
Manque de vision politique industrielle et pistes de solutions
En ce qui concerne la relance del’économie, Modibo Mao Makaloua porté un regard critique sur la vision politique des décideurs. « Nous avons manqué d’élaborer des politiques industrielles. Ce n’est pas la monnaie, c’est le manque de vision politique industrielle. Au Mali, 90% de nos recettes d’exportations sont l’or, le coton, les animaux vivants. Combien de valeur ajoutée nous créons ? C’est zéro. Avec la zone de libre-échange continentale, il va falloir que nous réfléchissions à comment faire l’intégration par la production », a-t-il indiqué.
Selon lui, cette zone de libre-échange est une aubaine qui va permettre d’acquérir un marché de 1,4 milliard de consommateurs, faisant du coup le plus grand marché unique au monde. L’économiste Makalou croit que c’est une opportunité pour les Africains, non seulement d’accroître leur productivité, mais aussi de diversifierleur production et de la transformer. « Quand nous la transformons, nous avons plus de valeur ajoutée, nous créons davantage d’emplois décents et cela fait que nous pouvons améliorer les conditions de vie de la population », a-t-il précisé.
En évoquant l’épineuse question sur le retrait du Mali du Franc Cfa, Modibo Mao Makalou a rappelé que le Mali est le pays qui a le plus d’expérience en matière monétaire que n’importe quel pays africain. « Il est de mon avis que le franc cfa est une monnaie crédible. Le problème que j’ai avec le franc cfa et la Banque centrale de l’Afrique de l’Ouest est qu’il ne finance pas suffisamment l’économie. S’il y a cette volonté politique de financer l’économie nationale, la banque centrale va se plier. Si le Mali veut promouvoir la filière textile avec le Benin et d’autres pays, il va falloir que nous agissions dans ce sens aux niveaux politique et économique», a-t-il conclu.
Sidiki Dembélé
Source: Le Républicain