« Le Mali connait depuis 2018 une hausse des crimes de guerre et des violences contre les civils, en particulier dans les régions du Centre (Mopti et Ségou) », a indiqué Amnesty International dans un rapport publié le 13 avril 2022. Sous le titre « Mali. Des crimes sans coupables : analyse de la réponse judiciaire aux crimes dans le centre du Mali ».
Dans ce rapport de 64 pages, Amnesty International précise que le Mali est confronté, depuis dix (10) ans, à un conflit armé interne. Opposant initialement l’armée malienne à des mouvements sécessionnistes du Nord alliés à des groupes affiliés à Al-Qaeda au Maghreb Islamique (AQIM).
« Pire atrocité »
Le 5 avril dernier, dans son rapport intitulé « Mali : Massacre perpétré par l’armée et des soldats étrangers », Human rights Watch (HRW) accusait également l’armée malienne d’exaction contre les civils dans le centre du pays. « Les forces armées maliennes et des soldats étrangers alliés auraient exécuté sommairement environ 300 hommes civils, dont certains soupçonnés d’être des combattants islamistes, dans la ville de Moura, dans le centre du Mali, fin mars 2022 », a déclaré HRW dans son rapport qui faisait suite à un communiqué du 1er avril de la Direction de la communication et des relations publiques des armées (Dirpa).
Ce communiqué annonçait la neutralisation de 203 combattants de groupes armés terroristes au cours d’une «opération d’opportunité aéroterrestre» menée du 23 au 31 mars dans la zone de Moura, cercle de Djenné. « Cet incident constitue la pire atrocité de ce type signalée au Mali au cours du conflit armé qui dure depuis dix ans », selon HRW.
Directrice pour le Sahel à Human Rights Watch, Corinne Dufka a exhorté à ouvrir une enquête indépendante et crédible sur cet incident. « Le gouvernement malien devrait enquêter de toute urgence et de manière impartiale sur ces massacres, y compris sur le rôle des soldats étrangers », a-t-elle demandé déclaré. Pour que ces enquêtes soient réellement indépendantes et crédibles, les autorités devraient solliciter l’assistance de l’Union africaine et des Nations Unies. » Cette demande d’enquête de l’ONU, introduite par la France, a cependant été bloquée par la Russie et la Chine au Conseil de sécurité de l’organisation. Moscou a même félicité l’armée malienne pour la reconquête de Moura.
« Le cours de la justice reste lent »
Cela est intervenu alors que la justice militaire malienne avait déjà annoncé l’ouverture d’investigations sur ces évènements de Moura. À la suite d’« allégations d’exactions présumées commises sur des civils (…), des enquêtes ont été ouvertes par la gendarmerie nationale sur instructions du ministère de la Défense et des Anciens combattants pour mener des investigations approfondies afin de faire toute la lumière sur ces allégations », peut-on lire dans un communiqué du procureur auprès du tribunal militaire de Mopti.
Selon Amnesty International, qui revient à la tâche après tous ces agissements, depuis 2018, « les autorités maliennes se sont engagées à plusieurs reprises […] à lutter contre l’impunité pour répondre aux droits des victimes et de leur famille à la justice ». Mais « en dépit de ces engagements, le cours de la justice reste lent, frustrant les victimes et leurs familles, et renforçant l’impunité », affirme cette organisation de défense des droits de l’homme, qui prend l’exemple sur les tueries d’Ogossagou et de Sobane Da.
« La lutte contre l’impunité est primordiale pour répondre au droit des victimes et de leurs familles à la justice et contribuer à la non-répétition des crimes contre les civils, a déclaré Samira Daoud, directrice du bureau régional d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre. Les autorités maliennes doivent concrétiser leurs engagements en plaçant la justice au centre de leurs actions ».
L’État-major général des armées maliennes, de son côté, « magnifie le professionnalisme des Fama », dans un communiqué du 5 avril 2022.
La rédaction
Source: Sahel Tribune