Dans l’interview qui suit, il confirme l’ouverture des classes pour ce matin au titre de l’année scolaire 2019-2020. Aussi, il fait le point des relations entre le gouvernement et les syndicats d’enseignants et évoque les actions en cours pour éviter des perturbations cette année.
L’Essor : Lors de la Journée du bon élève le 21 septembre dernier, vous avez annoncé la rentrée scolaire pour le 1er octobre. Est-ce que les conditions sont réunies pour ce faire ?
Dr Témoré Tioulenta : Les acteurs et partenaires de l’école savent, chacun de son côté, ce qu’ils doivent faire quand on annonce la date de l’année scolaire. Nous avons annoncé que l’année scolaire 2019-2020 démarrera le 1er octobre. C’est une date qui est devenue classique et nous avons estimé qu’il n’y avait pas de raison de déroger, donc on maintient cette date. Nous pouvons annoncer que sur le terrain, les choses progressent favorablement dans la mesure où nous avons rencontré les administrations scolaires, en particulier les directeurs d’Académies d’enseignement qui nous ont fait la situation des préparatifs au niveau de chaque région. Ils sont venus avec une situation très claire, ils ont dit là où ils ont des difficultés, là où tout est net et là où ils souhaitent un accompagnement de la hiérarchie.
Ils ont fait la situation qui nous permet de dire que la rentrée sera effective. Nous avons aussi rencontré les syndicats d’enseignants qui sont des partenaires privilégiés. Nous avons eu une année 2018-2019 un peu tendue, mais Dieu merci, avec l’accompagnement de tous, nous avons pu terminer le programme, tenir les examens et livrer les résultats. Pour une bonne année scolaire, nous devons nous assurer que les syndicats d’enseignants et les enseignants de façon générale sont prêts.
Etre prêts pour les enseignants, c’est qu’il n’y a pas de contentieux non liquidés entre l’administration scolaire et les syndicats. Nous avons donc fait la situation aujourd’hui (hier lundi Ndlr). Le mardi dernier, nous nous sommes rencontrés et nous avons fait la situation de l’état d’exécution du procès-verbal de conciliation issu de l’accord entre les syndicats et le gouvernement. Je crois pouvoir dire que nous sommes sortis satisfaits de ce que nous avons fait ensemble. Donc, à ce niveau, nous pensons que les choses sont très claires.
Mais nous avons aussi d’autres compagnons classiques qui sont les partenaires techniques et financiers. Là où nous avons des difficultés en lien avec les ressources, ce sont ceux-là qui nous accompagnent mais pas seulement, parce qu’au plan technique aussi, nous avons besoin de leur accompagnement pour nous assurer que sur des points précis où nous n’avons pas toutes les compétences, ils sont disposés à nous accompagner. Nous avons eu une réunion avec eux et en particulier sur la réouverture des écoles fermées. Ils sont engagés pour ceux qui sont dans ce créneau-là à nous accompagner et nous avons fait la situation ensemble pour nous assurer qu’un certain nombre d’écoles pourraient ouvrir et d’autres, même si ce n’est pas le 1er octobre, dans la foulée ouvrir. Tout cela sera lié en partie à des questions en lien avec la sécurité. Au cours de la rencontre que nous avons eue hier dans un espace de concertation nationale, les parents d’élèves étaient là et nous ont fait état de leur préoccupation mais aussi des préparatifs pour que leurs enfants puissent aller à l’école. A cette étape, nous ne voyons pas de raison suffisante pour que la rentrée ne soit pas. Elle sera avec la bénédiction et l’accompagnement de tous.
L’Essor : Malgré les perturbations de l’année scolaire écoulée, les résultats ont été meilleurs que ceux de l’année précédente. Qu’est-ce qui explique cet état de fait ?
Dr Témoré Tioulenta : Chacun peut se faire une idée. Nous pensons qu’à cœur vaillant, rien d’impossible. Il fut un moment où personne ne croyait aller à l’examen du côté des élèves, des parents d’élèves et des enseignants. Je voudrais rappeler que c’est le 18 mai que l’accord a été signé. Donc, certains établissements ont perdu un mois, d’autres deux ou trois et certains peut-être plus. Mais je voudrais préciser que les écoles privées avaient terminé le programme. C’est presque la moitié des élèves et des établissements, donc il faut préciser que ce n’est pas tous les élèves qui n’avaient achevé leurs programmes. La moitié des élèves du secondaire avait pratiquement épuisé leur programme. Si un élève termine son programme, nous devrons effectivement faire son examen. Comme les privés avaient terminé, nous étions prêts à faire leur examen parce que ce serait intenable que nous puissions les priver de leur droit. Mais je crois que ce pays a encore un sursaut d’orgueil quand les choses sont difficiles, quand les défis sont grands et durs, les uns et les autres se retrouvent, et on finit par trouver la solution. Il faut être prudent en termes d’interprétation des résultats. Les compétiteurs, ce sont les enseignants et les élèves, ce n’est pas directement l’administration scolaire. Dans le dispositif que nous avons mis en place, l’accent a été mis sur les matières à examen. On a pris suffisamment de temps pour que les enseignants donnent des cours dans les matières dans lesquelles les élèves vont à l’examen. Ceci peut être un élément qui a pu aider à avoir certains résultats, mais pas seulement. Je pense que quand la reprise fut, les uns et les autres se sont dit qu’il faut prendre notre chance en main. Donc le fait qu’on a failli ne pas avoir d’examen a donné lieu à un baroud d’honneur, chacun s’est dit, maintenant que j’ai eu une chance, je ne dois pas la rater.
L’Essor : Aujourd’hui, quels sont les défis que vous rencontrez en tant que ministre de l’Education nationale ?
Dr Témoré Tioulenta : Je crois il y a des défis classiques. Depuis un temps, nous n’avons pas suffisamment de classes et d’enseignants pour avoir un nombre d’élèves moyens pour permettre effectivement d’assurer un enseignement de qualité. Je crois que cela ne date pas de cette année ni de l’année dernière. Maintenant cette question de nombre de salles de classes, de nombre d’enseignants a été aggravée par la crise sécuritaire, dans la mesure où on a aujourd’hui des milliers d’enfants qui ne vont pas à l’école. C’est un deuil ! La pire des choses, c’est une école fermée, parce que c’est quelque part l’avenir bouché. En plus des défis classiques, nous avions des défis nouveaux avec les écoles fermées, le déplacement massif d’élèves dans des zones d’insécurité vers les zones plus sécurisées. Un autre volet, ce sont ces enfants qui descendent dans les classes où ils n’étaient pas attendus, en milieu d’année. Avec cette situation non seulement le nombre d’enfants gonfle, mais la disparité, pour une gestion pédagogique idoine, devient plus compliquée. Donc, ce sont des éléments nouveaux qui viennent s’ajouter aux questions classiques que nous connaissons.
L’Essor : Est-ce que la rentrée sera effective aujourd’hui sur toute l’étendue du territoire national si l’on sait que certaines localités sont, depuis des années, privées d’écoles ?
Dr Témoré Tioulenta : Je ne peux pas le garantir, parce que disons le franchement, c’est la stabilisation du pays dans sa zone d’insécurité qui favorisera effectivement l’ouverture des salles de classes et j’allais dire l’ouverture d’autres écoles, parce que aujourd’hui on en a besoin. Je ne peux pas avancer ici pour dire gaillardement, qu’effectivement toutes les écoles fermées vont s’ouvrir, parce que je n’ai pas la maîtrise de la situation sécuritaire qui est quelque part volatile. Mais, je voudrais rassurer les parents d’élèves que partout où la sécurité le permet, mes hommes seront et ils vont faire leur travail.
L’Essor : Quelles sont les mesures que vous allez prendre pour garantir l’accès à l’éducation pour tous les enfants du Mali ?
Dr Témoré Tioulenta : Le droit à l’éducation est garanti par la Constitution, et nous devons nous y engager. Mais garantir ne veut pas dire que tous ceux qui sont d’âge scolarisable pourraient y être envoyés à date. Parce que simplement il y a des difficultés sur le terrain, nous avons encore des populations qu’il faut convaincre d’envoyer leurs enfants à l’école. Nous avons aussi souvent des parents d’élèves qui, peut-être, pour une raison ou pour une autre, estiment que le destin de leurs enfants serait meilleur ailleurs, donc c’est un combat au quotidien pour que nous puissions nous assurer que chacun mettra du sien pour que l’enfant vienne, reste, continue à travailler à l’école et réussir. Non, nous ne pouvons pas dire que tous les enfants auront leurs droits, quand nous le voulons, parce que c’est lié à un certain nombre de paramètres qu’il faut gérer au fur et à mesure.
L’Essor : Pour sauver l’année écoulée, on a vu que tous les compartiments de la nation malienne se sont mobilisés. Qu’est-ce que vous allez faire pour maintenir cette synergie autour de l’école ?
Dr Témoré Tioulenta : Vous avez en place aujourd’hui un gouvernement d’ouverture et de mission. La conviction du premier responsable de la Nation, c’est l’inclusivité. Nous devons faire en sorte que tous les Maliens soient associés. C’est ce que nous avons fait et qui a permis de sauver l’année scolaire. Nous voyons donc en cette inclusivité et à cette implication des uns et des autres dans l’action publique une vertu. Nous croyons pouvoir dire qu’elle a donné des fruits, il n’y a pas de raison à ce que nous ne continuons pas dans ce sens. Donc, nous ferons plus d’inclusivité, en tout cas nous inviterons tous les Maliens à l’action autour de l’école.
L’Essor : Quelles seront les innovations pour l’année scolaire 2019-2020 ?
Dr Témoré Tioulenta : Nous pensons qu’il faut aussi retourner aux fondamentaux de l’école : l’ordre et la discipline, l’éthique et la déontologie, la célébration du mérite et de la qualité.
Le président de la République, engagé pour la cause de la culture et de la formation, a accepté de parrainer un concours de lecture. Donc, il est institué un grand prix de lecture du président de la République. Dans les jours à venir, les formalités de mise en œuvre seront connues des uns des autres. Cela viendra s’ajouter aux actions pédagogiques de la reine des apprentissages qui est lecture-écriture. Deuxième chose : l’école, c’est le bon enseignant. Il est donc important qu’il soit considéré à hauteur d’attente et là aussi le président de la République est favorable pour effectivement accompagner la célébration du 5 octobre qui est la Journée de l’enseignant. 2020 sera la concrétisation, mais dès ce 5 octobre des actes majeurs seront posés par les autorités pour montrer au corps enseignant que l’acte suit la parole.
Le président de la République a dit qu’il met la jeunesse malienne au cœur de son second mandat, qu’il met en avant la qualité du capital humain. Cela passe effectivement par la formation qui, elle-même, passe par les formateurs qui sont les enseignants. Donc, la considération sur l’enseignant sera accrue. Troisième chose : nous sommes dans une compétition internationale. Nos jeunes doivent y être préparés. De ce fait, nous allons retourner aux épreuves orales au baccalauréat. Donc, dès la fin de l’année scolaire 2019-2020 les élèves qui seront candidats au bac vont subir des épreuves écrites et orales.
L’Essor : Un mot pour les élèves et les enseignants
Dr Témoré Tioulenta : Je voudrais célébrer la qualité de la relation que nous avons avec les syndicats. Je dois l’avouer, confesser peut-être, que depuis la signature du procès-verbal de conciliation il n’y a pas eu de difficultés de collaboration. Ils nous ont alertés quand c’était nécessaire et toutes les fois que nous les avons conviés aux débats, ils sont venus. Ce que nous avons convenu à faire ensemble, nous avons pu les faire correctement et avec satisfaction. Du côté des élèves, ils doivent se préparer au combat pour la vie et au combat pour le Mali et cela passe par le retour aux fondamentaux. Un élève est fait pour apprendre, c’est-à-dire accepter les instructions données par l’enseignant. Je voudrais simplement leur dire que le Mali de demain c’est leur Mali et c’est aujourd’hui qu’il faut se préparer, serrer la ceinture, pour l’honneur du Mali dans le concert des nations.
Propos recueillis par
Dieudonné DIAMA
Source: L’Essor-Mali