Le service de chirurgie orthopédique et de traumatologie est un maillon très important dans la prise en charge des patients à l’Hôpital du Mali. Dans l’interview qui suit, Dr. Aboubacar Sidiki Sangaré, médecin militaire avec grade de Commandant, chirurgien orthopédiste, traumatologue, médecin légiste, expert de l’Hôpital du Mali, parle de son service et du traumatisme.
Aujourd’hui-Mali : Pouvez-vous nous présenter votre service de traumatologie ?
Dr. Aboubacar Sidiki Sangaré : Je suis le traumatologue de l’Hôpital du Mali. Le service de traumatologie est incorporé dans le service de neurochirurgie du Pr. Oumar Diallo (qui est notre chef de service), un traumatologue malien qui travaille en étroite collaboration avec deux traumatologues chinois. Nous sommes assistés par des étudiants en médecine.
Quelle définition pouvez-vous donner de la traumatologie ?
La traumatologie, par définition, est une branche de la médecine qui s’occupe de l’ensemble des lésions qui peuvent survenir suite à un accident. La particularité de la traumatologie, c’est que l’orthopédie-traumatologie (qui est l’appellation correcte) s’occupe de l’appareil locomoteur de tout ce qui permet à un individu de se déplacer d’un point A à un point B.
Quand dit-on que quelqu’un est traumatisé ou souffre de traumatisme ?
Un individu peut être dit traumatisé ou dit souffrant de traumatisme, lorsqu’un accident ou incident interrompt le fonctionnement normal de son organisme. Donc, le traumatisme peut être lié à un accident de la circulation routière, à un accident de travail, à un accident domestique (par exemple un enfant qui joue dans la famille qui tombe et qui se blesse ou juste un accident ludique qui survient au cours d’un jeu. Donc, il y a différentes circonstances qui causent un dégât à l’organisme.
Quel est le taux de fréquentation de votre service ?
Nous ne sommes pas en mesure de fournir une statistique clairement définie sur le taux de fréquentation du service de traumatologie. Mais de février à décembre 2021, les statistiques nous avaient donné du point de vue de l’orthopédie-traumatologie, 205 interventions. Ce taux rentre dans l’activité normale d’un service de l’orthopédie-traumatologie.
Quelles sont les interventions effectuées dans votre service ?
Il y a deux pôles d’interventions. Il y a les malades qui sont reçus dans le cadre des urgences. Cela est lié à la traumatologie de tous les jours. Cela va du traitement orthopédique, c’est-à-dire des lésions qui ne relèvent pas de la chirurgie, soit qu’on met des plâtres ou nous faisons des traitements fonctionnels comme diverses formes d’immobilisations. Ensuite, il y a les interventions qui relèvent de la chirurgie. Sur ces cas, nous intervenons sur les fractures au niveau des membres supérieurs (bras, avant-bras, main, hanche). Dans le cadre des traumatismes, ce sont les fractures du col au niveau du fémur, la cuisse. Nous pouvons, soit faire des encourages (mettre un clou à l’intérieur) ou mettre des plaques. C’est exactement la même chose au niveau de la jambe. A côté de ceci, il y a ce qu’on appelle l’orthopédie qui va s’intéresser surtout à des pathologies, à des maladies qui surviennent de façon continue sur un terrain, donc des maladies dégénératives. Dans ce cadre, il y aura des lésions dégénératives au niveau de la hanche. Dans ces cas, nous sommes amenés à faire des prothèses de hanches. Cela peut également se faire au niveau du genou comme la prothèse du genou, mais qui en vérité ne se pratique pas complètement à l’Hôpital du Mali. Mais les conditions sont en train de se mettre en place. Et prochainement, s’il plaît à Dieu, nous pourrons les faire à l’Hôpital du Mali.
Les plateaux de votre service vous permettent-ils d’atteindre vos objectifs ?
Aujourd’hui, en termes de traumatologie-orthopédique, ce qui est de l’équipement au bloc opératoire, nous sommes assez outillés pour soigner des cas de traumatisme. De façon globale, nous pouvons faire tout ce qu’un service de traumatologie-orthopédique peut faire. Nous sommes officiellement 3 traumatologues au niveau de l’Hôpital du Mali : un Malien et deux coopérants chinois. Nous faisons de notre mieux pour donner satisfaction aux patients.
En termes de conseils, comment faire pour prévenir le traumatisme ?
La prévention du traumatisme passe surtout par la sensibilisation. Il est vrai que nous, praticiens, devrions sortir du cadre hospitalier et amener l’information aux malades de façon à ce qu’ils sachent les attitudes à adopter pour éviter les complications. Alors que nous intervenons comme des sapeurs-pompiers pour éteindre chaque fois le feu. C’est dans ce cadre que j’ai eu à faire des plaidoyers à Sévaré pour analyser les circonstances dans lesquelles surviennent les accidents. Une certaine étude a été initiée dans ce cadre pour savoir les lieux qui sont accidentogènes sur certains axes où se produisent fréquemment des accidents. Il s’agit de repérer ces lieux accidentogènes, voir ce qu’il faut changer sur les chaussées. Et ensuite, à travers l’interrogatoire des malades que nous recevons, établir les conditions dans lesquelles surviennent les accidents et voir s’il faut sensibiliser les passagers, les conducteurs et les piétons. Ce qu’il y a lieu de faire.
Après, il faut également voir la discipline sur la circulation routière, voir si les motocyclistes portent des casques, est-ce qu’ils savent le Code de la route. C’est en mettant tout ça ensemble que nous pourrons parvenir à diminuer sinon à anéantir la survenue des accidents de la circulation routière.
Pour ce qui est des accidents qui surviennent sur les lieux de travail, la prévention passe essentiellement par le respect de la sécurité sur les lieux de travail. Ce rôle est dévolu aux médecins du travail ou aux personnes qui sont en charge de la santé sur les lieux de travail. Il s’agit de sensibiliser par exemple un travailleur qui doit aller travailler sous la haute tension. Il doit savoir porter un casque de protection. Concernant les accidents qui surviennent dans les familles, il s’agit de sensibiliser les parents pour qu’ils veillent sur les enfants, contrôlent les jeux qui peuvent exposer les enfants à des lésions au niveau des cous, des genoux, etc.
Dans le cadre de cette prévention, quelle invite aux autorités et aux populations ?
Comme invite aux autorités, elles doivent insister sur l’observance des mesures de sécurité au niveau de la circulation routière afin que les gens puissent porter des casques, avoir des véhicules aux normes et que les gens, de façon globale, respectent les codes de la circulation routière. Les praticiens doivent tout faire pour mettre à la disposition de la population les meilleures conditions de prise en charge. Cela passe par un service d’accueil des urgences très dynamique et efficace. Cela passe aussi par une bonne collaboration entre les urgentistes, les autres chirurgiens, les traumatologues pour, in fine, mettre la meilleure qualité de service à la disposition du malade. C’est ça l’objectif final. Que le malade qui arrive dans notre structure soit accueilli de façon convenable et pris en charge dans les délais qu’il faut.
Quelles ont été vos grandes motivations pour opter pour la traumatologie ?
Je suis arrivé dans la traumatologie un peu de façon fortuite. A l’origine, je voulais faire de la rhumatologie. Après mon internat en rhumatologie, étant donné que je suis militaire, eu égard à certains parcours de circonstance, l’Armée a exigé à ce qu’il y ait des traumatologues. Donc, comme j’avais commencé la rhumatologie, j’ai du basculer vers la chirurgie de l’appareil locomoteur qui est en fait la traumatologie. C’est un peu comme ça que je suis arrivé à la traumatologie.
Et si on vous demandait de conseiller les futurs médecins qui veulent opter pour la traumatologie, que direz-vous ?
L’orthopédie-traumatologie est une science qui a un avantage. C’est-à-dire, quand un traumatologue pose un acte en orthopédie, au moment de poser l’acte, il a l’intime conviction que l’acte est bien fait ou n’est pas suffisamment bien fait. C’est pour dire que l’acte d’un traumatologue est concret, mais demande beaucoup d’abnégation, un don de soi et surtout beaucoup de discipline. Donc, à mes futurs camarades qui voudraient embrasser cette carrière, je leur dirais que l’orthopédie-traumatologie est quelque chose de salutaire qui permet à l’homme de s’épanouir dans ce qu’il fait tous les jours et être également au service des autres. Donc, l’orthopédie-traumatologie a toute sa place et qui a énormément besoin de jeunes gens.
Votre dernier mot ?
Comme dernier mot, tout d’abord je tiens à remercier le journal Aujourd’hui-Mali pour le passage de son journaliste dans notre structure pour la sensibilisation de la population. Mes remerciements vont également à l’endroit de la Direction de l’Hôpital du Mali qui, spontanément en 2021, a bien voulu nous accueillir à l’Hôpital du Mali. Et cela a été un honneur pour nous de travailler à l’Hôpital du Mali. Je dis merci à nos autorités militaires qui ont bien voulu nous détacher de façon partielle à l’Hôpital du Mali. Je remercie le service du Pr. Oumar Diallo et son équipe qui m’ont accueilli, que ce soit les médecins, les infirmiers, les brancardiers, les secrétaires et tous ceux qui collaborent au quotidien dans la prise en charge des malades souffrant de traumatisme.
Réalisée par Siaka DOUMBIA
Source: Aujourd’hui-Mali