A propos de la levée du siège de Boni après l’accord intervenu le mardi 30 août 2022 entre les notabilités de la zones et les djihadistes de la Katiba Serma. Selon des sources en provenance des parajuristes basés dans la zone du Haire et du Gourma central un accord est intervenu le 30 août 2022 entre les différents protagonistes (djihadistes de la Katiba Serma et notabilités de Boni) pour une levée definitive du siège de Boni. L’origine du conflit est liée selon des sources concordantes à 3 raisons:
- La première raison est en rapport avec l’intervention des FAMA avec l’appui des forces paramilitaires russes en mai/ juin 2022 à Boni (chef-lieu de la commune de Haire). Les FAMA ont ouvert deux check point ( l’un au nord du village à côté de a route nationale- RN16) et l’autre au sud (voie vers le village de Serma et la frontière du Burkina Faso);
- La deuxième raison est en rapport avec le refus par les notabilités locales de ravitailler en denrées alimentaires les populations des localités de Serma Beibi, Nokara, Lohro, Wuro Guerou, etc considérés comme les villages d’origine les djihadistes de la zone;
- La troisième raison est en rapport avec les multiples dénonciations des actes des djihadistes par certaines personnes à Boni.
Le siège des djihadistes a provoqué un désastre humanitaire contre les populations locales de Boni (sous le contrôle des FAMA) et des localités environnantes (sous le contrôle des djihadistes). C’est la théorie de la guerre insurrectionnelle hybride et irrégulière pratiquée par les djihadistes et celle de la réponse contre insurrectionnelle mise en œuvre par les FAMA qui sont en cours.
Depuis le mois de juin 2022 les notabilités de Boni se sont mobilisées et se sont engagées pour des négociations avec les djihadistes sur la base du capital social et des relations anciennes entre les communautés depuis des lustres dans la zone du Haire. Des travaux de recherche (Boubacar Ba 1993) et Mirjam de Brujn, 1995) expliquent largement les évolutions sociologiques et anthropologiques de la zone.
A l’issue des négociations ayant impliqué des personnes ressources locales de Boni et de la zone de façon discrète, un accord sous forme d’entente local non écrit a été accepté par les différentes parties. L’entente porte sur la levée progressive des cheick points, l’arrêt des dénonciations et des exactions contre les communautés locales. Les autorités locales de Boni ont à leur tour exigé des djihadistes l’arrêt de l’utilisation des mines et engins explosifs favorisant des violences exacerbées contre les populations civiles. Cette entente semble être une solution de sortie de crise et une alternative à ce siège permanent de Boni depuis 4 mois. Il faudrait s’interroger sur la durabilité d’une telle approche de dialogue par le bas. Plusieurs questions restent posées sur le rôle et la place de l’Etat (collectivités locales et administration) dans la définition et la mise en œuvre de tels accords. La multiplication de ces accords ne vont-ils fragiliser la gouvernance étatique au détriment de celle des djihadistes ? Au regard de des enjeux et défis dans la zone, il semble utile de définir des mécanismes adaptés à la crise avec des réponses de déconstruction du discours extrémiste et au dialogue local. Une jurisprudence des accords locaux sont entrain s’établir au fur et à mesure durablement avec de multiples expériences dans la région (les communes de Derari, Femaye dans le cercle de Djenné en 2022, les communes du cercle de Koro en 2020, la commune de Kareri en 2016, etc). Tout se passe comme si un droit de la pratique combinant les droits traditionnels, coutumiers et islamiques se met progressivement en place dans une région sous contrôle des groupes djihadistes. Le débat est lancé. Il ne faudrait uniquement pas chercher pour chercher mais chercher pour trouver.
Boubacar Ba, chercheur-CAGS, Bamako Mali
Source: LE PAYS