Dieudonné ne s’est pas pointé à la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris. C’est son avocat qui le lui a défendu. “Je lui ai ordonné de ne pas venir, plaide Me Sanjay Mirabeau. On attend de lui qu’il déchire un code pénal ou qu’il fasse le show. Je ne veux pas qu’on prenne ce tribunal pour une salle de spectacle”. C’est vrai qu’en regardant l’agenda judiciaire de l’humoriste controversé, on a presque le sentiment que le palais de justice est devenu une annexe du théâtre de la Main d’Or. Rien que cette semaine, son nom apparaît dans quatre procédures bien distinctes : le procès en appel pour ses propos tenus contre Patrick Cohen, une décision du tribunal administratif concernant l’annulation d’un de ses spectacles, un procès dans lequel il est partie civile.
Ce mercredi, c’est pour cinq passages de son spectacle La bête immonde joué entre 2014 et 2015 qu’il est poursuivi pour provocation à la haine raciale et injure raciale. Déguisé en détenu de Guantanamo, fers aux pieds, il avait notamment affirmé que le “commerce des esclaves était une spécialité juive au départ” avant d’ironiser sur “l’image du Juif, éternelle victime en pyjama à qui on a chouré un Picasso”. Et de conclure :“contrairement à son homologue nazi, je dirais que le tortionnaire juif à mieux gérer l’après-génocide”.
Pourquoi cette obsession des Juifs ?
Ce n’est pas de l’incitation à la haine raciale, plaide son avocat, c’est un décryptage de l’actualité. Une leçon d’histoire, même. Et le conseil de brandir plusieurs articles de presse – Le Monde, L’Express, l’Expansion et même les travaux d’un chercheur en histoire de l’université de Rennes – sur lesquels l’humoriste se serait appuyé pour écrire son spectacle. “C’est du second degré, évidemment, mais mes confrères des parties civiles et le parquet ne semblent pas l’avoir compris”.
Mais pourquoi cette obsession des Juifs ? Sur les treize condamnations inscrites à son casier judiciaire, presque toutes ont trait à cette communauté. “Ce qui fait rire sur les Juifs, c’est la transgression, explique Me Mirabeau. Dieudonné relève une inégalité de faits : l’esclavage, par exemple, a été reconnu crime contre l’humanité par Madame Taubira et pourtant, on refuse toute indemnisation. Contrairement aux victimes du génocide nazi. A surprotéger, on affaiblit.”.
D’ailleurs, “les propos visés dans la procédure ne sont pas les plus graves ni les plus drôles qu’il a tenu dans ce spectacle”. Selon lui, les passages concernant les Indiens ou les Noirs sont autrement plus choquants. “Sa spécialisation, ce n’est pas l’antisémitisme, c’est de jouer des personnages abjects : du pédophile au raciste”, plaide-t-il.
Trois mois avec sursis requis
Un “humour” qui semble laisser la procureure Annabelle Mirabeau de marbre. “M. M’Bala M’Bala n’a qu’un unique propos : stigmatiser les Juifs. Quel que soit le sujet dont il parle, il ira toujours chercher un Juif pour l’illustrer. C’est une chasse aux sorcières contre une communauté”.
Et la magistrate de rappeler que le prévenu a déjà été condamné en 2007pour des propos antisémites quasiment identiques. “Ce sont tous des négriers reconvertis dans la banque, le spectacle et aujourd’hui l’action terroriste qui manifestent leur soutien à la politique d’Ariel Sharon. Ceux qui m’attaquent ont fondé des empires et des fortunes sur la traite des Noirs et de l’esclavage”, avait-il alors déclaré au JDD.
“Quand on en est à une énième poursuite devant le tribunal et que l’on continue à violer la loi de façon volontaire et systématique, la réponse doit être graduée”, a expliqué la procureure. En l’occurrence : trois mois de prison avec sursis et 30 000 euros d’amende ont été requis. Le jugement a été mis en délibéré au 10 mai.
De son côté, Dieudonné a annoncé dans une vidéo diffusée le 22 décembre 2015 qu’il comptait quitter la France au terme de la tournée de son nouveau spectacle “Dieudonné en paix”. “Mon spectacle ‘ En paix’ sera mon dernier spectacle, expliquait-il. Je me suis laissé jusqu’à fin 2017, je partirai ensuite en Afrique sur la terre de mes ancêtres. C’est là-bas que je compte terminer mon existence”.
Source: lesinrocks