Pour son premier voyage en Afrique en tant que patronne du FMI, Kristalina Georgieva a appelé les pays africains à emprunter sur les marchés extérieurs tout en prenant garde à ne pas aggraver la dette publique, non sans susciter quelques réserves…
Fraichement élue à la tête du Fonds monétaire internationale (FMI), Kristallina Georgieva s’est rendue le 2 décembre au Sénégal à l’occasion d’une conférence coorganisée par l’institution monétaire dans la banlieue dakaroise, et placée sous le thème «Développement durable et dette soutenable : trouver le juste équilibre».
Intervenant pour la première fois en Afrique en tant que patronne du FMI, Kristalina Georgieva s’est félicitée en préambule des «progrès phénoménaux» réalisés par l’Afrique lors des deux dernières décennies sur les plans économique et social jusqu’à devenir, selon elle, «l’endroit où il faut être pour les investisseurs».
Les capacités d’emprunt dans la région ne sont pas illimitées
«Nous n’avons pas su faire passer le message que l’Afrique était une terre d’investissements […] nous devons dissiper la perception de risque [associée au continent]», a-t-elle tempéré tout en plaidant pour une meilleure sensibilisation des réformes menées par les pays africains auprès des partenaires étrangers.
Afrique de l’ouest : une #croissance économique presque insolente, des #inégalités sociales criantes#AfriquedeOuest
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— RT France (@RTenfrancais) November 25, 2019
Derrière ce bilan globalement positif, Kristalina Georgieva, a néanmoins alerté sur les défis qui attendent le continent africain, à l’instar de la forte croissance démographique et du changement climatique et notamment de leurs conséquences sur les dépenses publiques.
Ainsi, pour mobiliser les fonds nécessaires, elle a recommandé aux Etats africains d’avoir recours aux emprunts internationaux de «manière raisonnable, si cela finance des projets stimulant la productivité et améliorant les conditions de vie». Mais «les capacités d’emprunt dans la région ne sont pas illimitées», a-t-elle averti en pointant notamment du doigt l’augmentation des dettes publiques. «Il faut dire clairement que, si emprunter n’est pas un mal en soi quand cela sert le bon propos, les pays ne peuvent pas atteindre les objectifs de développement durable à coups d’emprunts».
Le tacle du président sénégalais
L’appel de Kristalina Georgieva à une gestion prudente de la dette n’a pas laissé indifférent les chefs d’Etat africains présents lors de la conférence. Six d’entre eux, parmi lesquels figurait le chef d’Etat sénégalais Macky Sall, ont d’ailleurs appelé l’organisation monétaire à revoir ses analyses économiques.
Est-il juste d’appliquer à nos pays où tout est à faire les mêmes critères qu’aux pays qui ont achevé leur accumulation de capital
«Certes, notre endettement atteint 55 % de notre PIB [Produit intérieur brut], mais la moyenne mondiale est à 225 %», a déclaré le président sénégalais cité par l’hebdomadaire Jeune Afrique. «Le risque de notre dette n’est pas plus élevé que dans les autres régions du monde. Ce qui nous handicape, ce sont les préjugés qui renchérissent le taux de nos emprunts. Est-il juste d’appliquer à nos pays où tout est à faire les mêmes critères qu’aux pays qui ont achevé leur accumulation de capital ?», s’est-il interrogé.
En matière de croissance économique, la région ouest-africaine est présentée par le Fonds monétaire international (FMI) comme le bon élève du continent. Nombre de pays de la région, dont le Sénégal, affichent des taux supérieurs à 5% pour la plupart d’entre eux. Pour autant, la capacité d’entraînement de la croissance économique sur la réduction de la pauvreté et donc des inégalités sociales reste pour l’heure faible, notamment dans les régions situées en dehors des centres économiques.