Le tollé qui accompagne le projet de révision constitutionnelle est un bon refuge pour les thuriféraires du pouvoir en train de s’y faire les gorges chaudes, pendant que le peuple attend des explications claires sur le financement des projets routiers dits «prioritaires» initiés par le président de la République. Lequel s’est lancé dans une vaste campagne de travaux pour faire mousser les choses à l’approche de la présidentielle de 2018.
La pertinence de ces projets routiers n’est nullement en cause car ils contribuent à désenclaver plusieurs localités du pays. C’est pourquoi, le président du Parena, reconnaît que «l’intention est louable car les populations et l’activité économique souffrent, en toutes saisons, du mauvais état des voies de communication ». Mais à quel prix ? Là gît toute la question. Car comme l’a fait remarquer Tiéblé Dramé : «Cette opération de désenclavement a été l’occasion de montages financiers douteux et scabreux avec comme résultat une énorme évaporation financière au détriment du contribuable malien ».
En effet, avec les coûts annoncés pour la réalisation de ces projets, différents des coûts budgétisés, on se retrouve avec des hausses énormes et surtout, avec le prix du km de route le plus cher au monde : plus d’un milliard de FCFA.
Cette affaire concerne cinq projets de route et un pont (celui de Kamankolé à Kayes) qui sont gérés par une coordination des projets prioritaires sous l’autorité du directeur national des Routes (DNR). Selon le président du Parena, «ces projets PPP ont deux caractéristiques principales : ils sont financés par le budget national; les marchés ont été attribués à la suite de «consultations restreintes » qui ont ouvert la voie à d’énormes surfacturations et à des détournements de deniers publics».
Pour preuve, explique Tiéblé Dramé, plusieurs spécialistes travaillant dans le secteur des routes ont été interrogés et leurs réponses permettent d’affirmer qu’un kilomètre de bitume au Mali ne saurait coûter plus de 250 millions de francs CFA. Et cela, quelles que soient la qualité et l’épaisseur du goudron.
Mais il se trouve, comme le dénonce le président du Parena, que «le kilomètre de goudron pour la seule route qui va relier le Bankoni à Nonsombougou coûtera au contribuable malien plus de 495 millions de francs CFA».
Deux anomalies assez révélatrices
Le leader du Parena n’est pas en train de faire une dénonciation politicienne. Il fonde ses déclarations sur la vérité des chiffres et a disséqué le coût déclaré des cinq projets.
La première anomalie, c’est que ces montants déclarés dépassent de très loin les enveloppes inscrites au budget d’État 2017, au titre des infrastructures routières. En voici la démonstration.
Deuxième pont de Kayes
Le Deuxième pont de Kayes, long de 532,65 mètres, avec une largeur 26 mètres, le coût des travaux déclaré est 36 milliards 588 millions FCFA. En outre, 16,7 kms de voies d’accès seront réalisés à environ 19 milliards de francs CFA. Ce qui fait un total de 55,5 milliards FCFA, alors que seulement 48 milliards de FCFA ont été prévus pour ce projet au niveau du budget. Résultat : une hausse de plus de 7 milliards de nos francs.
A titre de rappel, le pont le plus long jamais construit au Mali est celui de Sotuba ; il est long de 1616m sur 24m et a couté 30 milliards ; 6 milliard de moins que le pont de Kayes qui fait moins du tiers de sa longueur. Par ailleurs, les voies d’accès au pont de Kayes battent tous les records de coût. Le kilomètre de voie d’accès sera facturé à plus d’1 milliard de FCFA.
La route Bankoni-Nonsombougou
Pour la route Bankoni-Nonsombougou qui a une longueur de 56 kilomètres, on déclare que les travaux coûteront 27 milliards 730 millions de francs CFA. L’enveloppe budgétisée ne fait que 17 milliards de FCFA. Différence : plus de 10 milliards FCFA.
La route Kangaba-Frontière guinéenne
Quant aux 52 km de la route Kangaba-Frontière guinéenne, ils vont coûter 19 milliards 437 millions francs CFA, alors le budget national avait prévu 13,5 milliards, soit un surplus de plus de 6 milliards e nos francs, avec un prix du km de goudron qui s’élève à 373, 8 millions FCFA.
La route Kayes-Sadiola
Longue de 90 Kilomètres, la route Kayes-Sadiola sera réalisée, selon le régime IBK, à 42 milliards 478 millions de francs CFA, avec le coût du km de goudron à 472 millions de FCFA.
La route Yanfolila-Kalana
La route Yanfolila-Kalana qui fera 52 kms de bitume sera réalisée à un coût déclaré de 18 milliards 829 millions francs CFA, malgré les 13 milliards d’inscription budgétaire. Soit une augmentation de 5,8 milliards FCFA, avec notamment le prix du km de goudron à 362.1 millions de francs CFA.
La route Baraouéli-Tamani
La route Baraouéli-Tamani longue de 30, 6 kilomètres coûtera, selon les autorités du moment, 7 milliards 223 millions FCFA contre 5 milliards inscrits au budget national. Soit 7,2 milliards de surplus avec le prix du km de goudron qui atteint 236 millions de FCFA.
Avec des dépassements de 29, 5 milliards de francs CFA et qui «se passent de commentaires » comme le fait remarquer le président du Parena, il y a de quoi tirer la sonnette d’alarme et surtout obtenir des clarifications convaincantes à ces hausses vertigineuses qui puent la surfacturation à mille lieues.
Une tontine pour alimenter des caisses noires
La deuxième anomalie dénoncée, c’est l’opacité des procédures de passation des marchés qui cache mal une sorte de tontine au profit de «caisses noires pour les prochaines campagnes électorales». En effet, «La passation des marchés des PPP s’est faite sur fond d’entente entre les donneurs d’ordre et les bénéficiaires pour alimenter une caisse noire destinée à financer les prochaines campagnes électorales. On a procédé à des “consultations restreintes” qui n’étaient, en fait, que des grés à gré déguisés», dénonce le président du Parena qui ajoute : «Selon plusieurs sources, il a été imposé aux entreprises des ristournes d’au moins 15% des montants des marchés. Ainsi les entreprises se sont engagées à “cotiser” des sommes colossales: entre 1 et 5 milliards de francs CFA».
Tiéblé rappelle que les projets routiers financés par les partenaires financiers du Mali et qui sont soumis à une passation de marché régulière coûtent nettement moins chers. «Par exemple, la route Zantiébougou-Kolondiéba-Frontière Côte d’Ivoire lancé en Novembre 2016 par le président IBK coutera 70 milliards pour 145 Km de routes et voies bitumées, 100 Km de pistes rurales, un poste de contrôle avec scanner, l’installation des pèses-essieu, la réalisation ou réhabilitation d’écoles et centres de santé, aux abords du corridor, et la construction d’un marché à bétail à la frontière Mali-Côte d’ivoire».
Depuis que le président du Parena a fait ces déclarations publique relayées par la presse, tout en demandant la démission de tous ceux qui ont trempé dans ces «montages financiers douteux et scabreux avec comme résultat une énorme évaporation financière au détriment du contribuable malien », c’est le silence radio et pourtant, ce n’est que la révélation d’un scandale de plus du régime IBK.
«Le Parena, comme tous les Maliens, est favorable à la construction de ponts et au bitumage des routes pour réduire les souffrances du peuple en facilitant la circulation des personnes et des biens. Mais les conditions dans lesquelles les présents projets présidentiels sont réalisés relèvent tout simplement de l’indécence. Des populations parmi les plus pauvres au monde sont dépouillées de façon éhontée de leurs maigres ressources publiques» avait conclu Tiéblé Dramé.
1 milliard le kilomètre de goudron, il faut reconnaitre que nos kleptocrates ont fait un peu fort quand même !
K.D. et A.D
Source: Le Sphinx Mali