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Départ au village des aides ménagères: La grande hantise

A Bamako, le retour au village de nombreuses aide familiales affole les ménagères. Joie, pour ces jeunes qui s’apprêtent à retrouver leurs proches après plusieurs mois ou années passés dans la capitale, mais d’angoisse pour les patronnes qui se retrouvent seules devant les marmites et linges sales.

 

« 52 », la bonne à tout faire, la célèbre pièce de théâtre de Guimba nationale révèle bien la place de ces jeunes filles dans les familles de la capitale. Chaque famille emploie au moins une fille migrante. Dans certains foyers, elles remplacent pratiquement la maitresse de maison dans les tâches ménagères.

Ces jeunes filles venues à la recherche du trousseau de mariage rentrent au village, pour aider les parents durant la saison pluvieuse. Elles sont employées pour aider dans les travaux ménagers. Il s’agit notamment de la cuisine, la lessive, la vaisselle, l’entretien de la maison ainsi que des enfants. Elles aident également leurs patronnes dans le petit commerce. Leurs absences créent un vide voire un problème pour de nombreuses femmes aux foyers généralement pour celles qui travaillent : fonctionnaires, entrepreneures, commerçantes et autres. « Bonne à tout faire » comme certains les nomment, elles le sont en réalité puisque de nos jours, la majeure partie des jeunes mariées ne savent rien faire de leurs dix doigts.

Oumou Bah, caissière dans une banque de la place confie son chagrin au départ de son aide-ménagère prévue pour la semaine prochaine. Mariée dans une grande famille de plus de 30 personnes et mère de 3 enfants, Awa, sa fille de ménage lui est d’un grand soutien pour les travaux ménagers, comme pour la garde de ses enfants. « Je suis stressée depuis qu’elle m’a annoncé son départ. Je vais devoir me réveiller très tôt le matin pour faire la cuisine avant d’aller au bureau et négocier avec mes belles sœurs par alliance pour qu’elles servent la nourriture à midi. Pour le reste de mon ménage, je m’en occuperai après le travail ».

Une grand-mère à la retraite, Ina Diop est étonnée de voir à quel point il est difficile d’avoir ces jeunes filles de nos jours. Celles qui se promenaient de portes en portes à la recherche d’emploi sont introuvables actuellement. Selon Ina, il y a 30 ans, il n’était pas aussi difficile d’en avoir même en période hivernale. Elles n’étaient pas aussi rares, ni chèrement payées. Mme Diop pense que c’est en partie lié à l’orpaillage. Ma sœur du village me disait il y a quelques mois que les travaux champêtres sont délaissés par les jeunes depuis des années au profit des zones d’orpaillage de Kayes. A cette allure, dans quelques années, les bonnes ne seront que pour les plus nanties. N’importe qui ne pourra plus en avoir. « Je conseille aux jeunes dames d’attacher leurs ceintures dès maintenant et de vite s’adapter à cette réalité », plaide-t-elle.

A Sabalibougou, un quartier de la Commune V, Mariam Konta vendeuse de chaussures pour enfants au grand marché confirme que son activité est au ralenti depuis le départ de Sali, son aide-ménagère. Selon elle, sa recette journalière pouvait atteindre 20 000 à 25 000 F CFA. «Maintenant, mes deux garçons de 16 et 18 ans m’accompagnent souvent au marché, mais les deux réunis n’arrivent pas à faire mieux que Sali. Ils passent la journée sur leurs téléphones ».

En effet, quelques années au paravent, le salaire de ces jeunes filles n’atteignait pas 10 000 F CFA malgré toutes les tâches qu’elles accomplissent. Elles ne recevaient que des sommes modiques, qui sont très loin des 40 000 F CFA du SMIG (Salaire minimum interprofessionnel garanti). Actuellement elles ont des salaires compris entre 12 500 F CFA et 30 000 F CFA ou plus selon que l’employeur soit du secteur informel ou formel. Mais leur principal employeur reste le secteur informel pour le moment.

La loi n°92-020 du 23 septembre portant Code au travail au Mali modifiée par la loi n°2017-021 du 12 juin prend entièrement en charge les aide-familiales. La Direction régionale de l’inspection du travail de Bamako, en partenariat avec les ONG et associations mènent une campagne de sensibilisation des concernés et leurs employeuses en vue d’une meilleure compréhension du Code de travail. En attendant, beaucoup de patronnes reconnaitront la valeur de ces filles de ménages durant l’hivernage.

Halidou Togo, employé dans une agence qui fournit des aide-familiales à Magnambougou explique que chaque année, du mois de juin au mois d’octobre, leurs locaux sont bondés de personnes à la recherche d’aide-ménagères. Des femmes, mais aussi des hommes qui en cherchent pour leurs épouses. Les plus chanceux peuvent tomber sur des écolières venues pour 3 mois des vacances.

Comme dans une course de vitesse, des jeunes gens se ruent sur les cars qui arrivent de Ségou, Sikasso, Koulikoro et Mopti. Moussa Doumbia, vendeur de cigarettes installé à la gare de Sogoniko explique qu’ils agissent ainsi espérant trouver des jeunes filles, qu’ils placeront dans des familles en échange d’une somme de 5 000 à 10 000 F CFA. De nombreuses femmes viennent prendre le contact de ces jeunes pour qu’ils les contactent dès qu’ils trouvent une cible.

L’Association de Défense des Droits des Aides ménagères et Domestiques (ADDAD) est une association créée par des aides ménagères pour la défense de leurs droits. Elle mène des actions pour la lutte contre le phénomène de maltraitance des domestiques avec pour credo la promotion des droits des aides ménagères. Elle sensibilise également les femmes leaders engagées, en général dans la défense des droits de la femme. Le souci est que nombreuses d’entre elles oublient que ces aides familiales ont les mêmes droits qu’elles en tant que femme. Les citadines devront prendre leur mal en patience car il est évident que les filles de ménages se feront de plus en plus rares et elles commencent à comprendre qu’elles ont des droits et luttent pour leurs causes.

Fatoumata Sira Sangaré

(stagiaire)

SourceMali Tribune

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