J’hésite. Quel papier écrire pour ce vendredi 5 août 2022 ? Je ne parlerai pas de la guéguerre entre le Mali, la Côte d’Ivoire, la France et la Minusma ou de l’affaire Paramount. Oh combien importante pourtant. Je ne parlerai pas non plus de la concurrence sur le continent africain entre l’Occident et la Russie où tous les coups sont permis. Pauvre continent ! En cette saison des pluies, moins relaxante que les précédentes du carcan narcoterrorisme, je parlerai d’unité. L’exécutif dira difficilement le contraire. Ne le prenez pas mal.
Que faut-il pour être unis ? Il serait prétentieux d’amener tous les Maliens à penser de la même manière sur ce que c’est l’unité. Par contre, on pourrait les persuader de la nécessité de s’unir pour combattre l’ennemi commun : le narcoterrorisme (Amara : 2019). Car, « Notre combat sera unité », nous enseigne notre hymne national. Depuis le 15 juillet 2022, notre sécurité est mise à mal. Non loin de Bamako, les narcoterroristes harcèlent et tuent. Quelle lâcheté ! Bapho, Douentza, Inekar, Intahaka, Kati, Kalumba, Kolokani, Koro, Nioro, Sokolo, Tifolat ou Zantiguila donnent des maux de tête. La charge mentale est insupportable. Heureusement, les Forces armées maliennes résistent. Et c’est précieux. Mais, ces attaques narcoterroristes ouvrent la boîte de Pandore pour les milieux populistes et complotistes, loin d’être représentatifs des Maliens. Certains surfent sur la vague ; d’autres se figent. Les mécontentements grondent. D’autant que ces attaques d’Aqmi et de l’EIGS, viennent percuter le chronogramme de la transition : référendum, élections, etc.
Notre combat sera unité
Mais au-delà du sociodrame, il y a un sentiment de frustration chez une partie des Maliens, lié aux difficultés d’en finir avec le narcoterrorisme. La plupart d’entre nous ne veulent pas revivre 2012. Comment faire ? En toute objectivité, nous devons créer les conditions de l’unité entre nous. Le mot unité signifie le « caractère de ce qui est un, qui offre un ensemble, une suite où tout se tient ». Donc, face au narcoterrorisme, être unis, c’est trouver l’équilibre et les ressorts culturels internes pour le combattre. Être unis, c’est dépasser la victimisation pour enfin relever la tête, car, « Plutôt mourir debout que de vivre à genoux » (Camus : 1951). Enfin, être unis, c’est se rassembler autour d’un idéal, d’une valeur commune : la paix. L’unité devient ainsi le levain de la paix. Sans héroïsme, l’exécutif actuel doit se montrer capable d’inscrire ses œuvres dans une vision d’un Mali où l’engagement, le dialogue et l’objectivité remplaceront la rivalité et l’insécurité. Quoi qu’il en soit, nous voulons la paix pour ce pays, ce visage apaisé et respectable du Mali. Respirons !
Visage apaisé et respectable du Mali
Pour cela, le Mali a une carte à jouer. Mais, avant, il doit franchir deux obstacles. Le premier, c’est la tendance à tout traiter par le sommet. Le plus souvent, ce sont les réseaux associatifs, acquis au pouvoir, qui relaient les messages des dirigeants. Conséquence : la confiance s’érode entre les dirigeants et leurs concitoyens. Donc, il devient urgent de changer de braquet. Par exemple, sur Bamako, il est nécessaire de faire un travail de mobilisation et d’implication des citoyens à s’engager dans le contreterrorisme. À ce sujet, des formations citoyennes bénévoles doivent être données par des tiers-experts pour outiller les citoyens à accélérer le processus de rejet et de dénonciation de la terreur. Chaque combat (militaire ou citoyen) compte et doit être livré comme si c’était le dernier.
Contrat politique, l’horizon infini
Aujourd’hui, à Ménaka, à Mopti, à Ségou ou à Gao les populations hésitent à coopérer avec les FAMa en raison de la peur des représailles narcoterroristes. Résultat : soit, les populations participent à l’omerta, soit elles s’effondrent psychologiquement. Le deuxième obstacle à franchir, c’est de ne pas écarter du règlement des conflits les acteurs principaux : associations, notables, patronats, politiques, syndicats. Car, le risque, c’est la permanence de crises comme on le constate en Guinée-Conakry. Or, travailler avec ces acteurs, c’est construire une force d’unité nationale, un alliage citoyens-gouvernants. Une belle stratégie républicaine. D’ailleurs, la transition du professeur Dioncounda Traoré (2012-2013), a réussi grâce à la capacité de son 2eme Premier ministre, Diango Cissoko, à rassembler les Maliens, sans gommer les différences. Franchir ces deux obstacles, c’est miser sur une carte, celle de la construction d’un contrat politique pour rassembler les Maliens autour d’un projet de paix comme horizon infini. N’oublions pas que « … Le peuple a besoin d’admirer ceux qui le dirigent » (Condé : 1985). Donnons-lui l’occasion d’y croire.
Construire une force d’unité nationale
Concluons par là où on a commencé cet article : l’unité. Loin d’être un chasseur de gloire, le plaisir que j’ai à écrire ces quelques lignes sur ce mot m’enjoint de dire que sans unité, nous courons le risque de l’aveuglement, de l’assourdissement et de l’éparpillement. Certains d’entre nous seront nerveux, d’autres errants. Or, l’unité rend possible l’union, cet esprit de bonne intelligence, cette jonction entre les Maliens peu importe la langue, le statut, le genre, la génération, les ressources, les conditions de vie…
Comme le milan noir
L’interaction entre les gouvernants et les citoyens peut inciter à éteindre le feu, celui du narcoterrorisme. À l’image du milan noir qui transporte dans son bec des brindilles enflammées pour éteindre un feu de brousse au-delà de son foyer, les Maliens devront s’élever des décombres funestes pour éteindre le feu du narcoterrorisme. Dans l’unité, reconstruisons l’édifice inébranlable de la paix. Certes, la pierre est tombée en bas du ravin ; mais nous devons la remonter. Nos bonnes œuvres nous épargneront des catastrophes. « Attention à ce que tu jettes dans la mare de la vie, en raison des remous que cela ne manquera pas d’entraîner ! » Hampaté Bâ, 1972. Comme me dit un ami, ce n’est pas quand on est malade qu’il faut arrêter le traitement. Au contraire, c’est la fenêtre de tir républicaine à saisir pour nous extraire, ici et là, de ce qui rôde dans l’air : confusion, bouc émissaire, susceptibilité, vengeance, violence, etc. Une question pour finir :
Qu’attendons-nous pour construire un esprit politique ?
Mohamed Amara
Sociologue
Source : Mali Tribune