Trois mois et vingt jours après sa nomination par le président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta, le Premier ministre, Soumeylou Boubèye Maïga, a présenté, devant les élus de la Nation, la Déclaration de politique générale (DPG) de son gouvernement qui se donne la triple vocation de «protéger, rassembler et servir»
Le chef du gouvernement s’est prêté, vendredi dernier, à l’exercice républicain de la Déclaration de politique générale, au cours d’une séance plénière de l’Assemblée nationale, présidée par le président de la troisième institution de la République, l’honorable Issaka Sidibé. C’était, naturellement, en présence des membres du gouvernement, des cadres de la haute administration et de nombreux autres invités de marque.
C’est aux environs de 10h que Soumeylou Boubèye Maïga débuta sa prestation qui a duré un peu plus de 50 minutes. Entrant dans le vif du sujet, le Premier ministre a annoncé que l’action que son gouvernement se propose de conduire, sera fondée sur les orientations du président Ibrahim Boubacar Keïta à qui il a exprimé sa reconnaissance pour la confiance qu’il lui a placée le 30 décembre dernier. Le Premier ministre a décliné en quatre axes majeurs l’action gouvernementale : poursuivre la mise en œuvre de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger ; endiguer l’insécurité grandissante dans le Centre du pays ; satisfaire la demande sociale par l’accélération de la mise en œuvre du Programme présidentiel d’urgences sociales et organiser des élections transparentes, crédibles et apaisées.
«Pour exécuter la feuille de route délivrée par le président de la République, le gouvernement se donne une triple vocation : protéger, rassembler et servir», a-t-il indiqué. «Protéger, a expliqué Soumeylou Boubèye Maïga, parce que nous avons le devoir de gagner la guerre asymétrique qui nous est imposée par le terrorisme et de préserver toutes les valeurs qui fondent notre vivre ensemble». A cet égard, il a insisté sur la poursuite de la mise en œuvre de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger qui représente un vaste chantier de réformes dans les domaines clefs qu’il aborde, notamment en ce qui concerne les questions politiques et institutionnelles, ainsi que les questions de défense et de sécurité.
PROTÉGER, RASSEMBLER ET SERVIR – En définitive, a détaillé M. Maïga, dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord, le gouvernement accordera une attention particulière à : l’amélioration du fonctionnement des Autorités intérimaires et des Collèges transitoires ainsi qu’à l’accélération du transfert effectif des compétences et des ressources de l’Etat aux Collectivités territoriales pour l’atteinte de l’objectif de 30% des ressources transférées aux collectivités territoriales en fin 2018.
Selon le Premier ministre, son gouvernement axera ses efforts sur le rétablissement de la paix et de la sécurité sur toute l’étendue du territoire national, prioritairement dans les Régions du Nord et du Centre. «Pour y arriver, précisera-t-il, il déploiera des actions décisives pour restreindre, et à terme éradiquer les activités des groupes armés terroristes, afin de favoriser un déploiement des Forces armées maliennes (FAMa), la réinstallation de l’Administration et le retour des réfugiés et des populations déplacées».
En outre, le chef du gouvernement a annoncé que le redéploiement de l’armée se fera de façon progressive, méthodique et résolue. «Pour cela, a-t-il expliqué, l’armée et les autres forces de sécurité recevront les moyens nécessaires tels que prévus dans la Loi de programmation militaire, qui reste un puissant outil de mise à niveau pluriannuel de notre outil de défense et de sécurité». Soumeylou B. Maïga de rappeler que pour l’exercice budgétaire 2018, le budget d’Etat a réservé 22% de nos ressources à la défense et à la sécurité. Sans oublier, presqu’au même moment, l’effectivité des Mécanismes opérationnels de coordination (MOC), là où ils sont prévus, d’ici la fin du mois de mai.
De plus, il dira que le processus de Désarmement, Démobilisation et Réinsertion (DDR), qui est un aspect fondamental de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali connaitra une accélération. Par ailleurs, M. Maïga a affirmé que la vocation de protection des autorités leur fait aussi porter une attention toute particulière aux victimes civiles et militaires des conflits. Ainsi, des projets de réinsertion sont prévus pour les communautés victimes de violences. De même, un volet spécial d’assistance concernera les familles des militaires tombés au champ d’honneur.
Toujours selon le chef du gouvernement, conformément aux instructions du président de la République, son équipe déploie des efforts particuliers pour endiguer l’insécurité dans le Centre du pays. Et de rappeler que l’insécurité dans cette région se manifeste à travers la présence de bandits et de terroristes qui, non seulement harcèlent nos forces de défense et de sécurité, mais également mènent des attaques ciblées, des vols de bétail, des braquages de véhicules de transport de forains et de voyageurs. «Le gouvernement procédera donc à une rapide et véritable normalisation de la situation. C’est dans ce cadre que nous avons entamé le renforcement de l’effectif militaire sur le terrain à travers l’opération «Dambé» qui, aujourd’hui, mobilise plusieurs milliers d’hommes», a-t-il assuré. Le chef du gouvernement a ajouté que la mutualisation des moyens de l’Opération «Dambé» et du Plan de sécurisation intégrée des Régions du Centre, notamment la création de plusieurs dizaines de postes de sécurité qui a commencé et se poursuivra, permettra d’amplifier la pression sur les groupes terroristes et d’obtenir des résultats tangibles avant l’hivernage. Le spécialiste des questions de défense et de sécurité qu’il est, a estimé que le concours de la population est indispensable pour éradiquer définitivement un péril qui a prélevé à ce jour un tribut humain, social et économique très lourd.
Le gouvernement, à en croire son chef, s’est donné comme deuxième vocation de rassembler les Maliens. A ce propos, il a annoncé la rédaction d’un projet de loi sur l’Entente nationale, proposant des mesures spéciales d’amnistie ou de cessation de poursuite en faveur de certains acteurs. Et d’ajouter que le travail de rassemblement et d’apaisement que le gouvernement entame concerne aussi de manière spécifique les acteurs de la situation au Centre de notre pays. «Je tiens à le répéter, les violences intercommunautaires qui surgissent dans les Régions du Centre de notre pays sont loin d’être spontanées. Lorsque les forces du mal n’en sont pas les instigatrices, elles essaient d’en tirer profit. Le gouvernement privilégie la voie du dialogue pour dénouer les tensions. C’est pourquoi, il a dépêché sur place une mission d’apaisement à laquelle ont participé les cadres des différentes communautés de la zone», a-t-il analysé. «Parallèlement à ces actions d’apaisement, a affirmé M. Maïga, les autorités déploieront des initiatives susceptibles d’empêcher les jeunes de s’engager dans les rangs des djihadistes et d’aider ceux qui veulent en sortir de s’y soustraire».
«Nous le ferons en nous appuyant sur différents leaders sociaux et communautaires. Ces partenaires nous aideront à poursuivre et à intensifier les actions de sensibilisation, d’information et de «déradicalisation», a-t-il dit. Selon Soumeylou Boubèye Maïga, le troisième axe du travail de rassemblement et d’apaisement du gouvernement est relatif au processus électoral. «Nous nous sommes donné comme objectif l’organisation d’élections transparentes, crédibles, apaisées et à bonne date», a-t-il déclaré.
A cet égard, il a indiqué que les mesures nécessaires sont prises par les autorités pour fédérer toutes les bonnes volontés désireuses de s’impliquer en faveur d’un déroulement apaisé des élections.
«C’est dans ce cadre, que j’ai rencontré tous les acteurs concernés par le processus électoral. C’est dans ce cadre également que se situe la redynamisation du cadre de concertation entre le gouvernement et les acteurs politiques que sont les Partis», a ajouté le Premier ministre.
Soumeylou Boubèye Maïga a confié que les échanges ont permis de proposer un projet de loi électorale prenant en compte l’essentiel des propositions d’amélioration du processus électoral, à savoir la réintroduction des cartes d’électeur avec photo pour faciliter la reconnaissance des votants, la limitation du phénomène des votes par procuration, la suppression des votes par anticipation, la fixation d’un nombre minimum d’électeurs pour ouvrir un bureau de vote. Il a estimé que ces innovations doivent rassurer aussi bien les électeurs que les compétiteurs. Avant de souligner que les élections nécessitent un environnement sécurisé. C’est pourquoi, a promis le Premier ministre, le gouvernement prendra toutes les mesures qui s’imposent pour une amélioration de la situation sécuritaire dans tout le pays. A cet effet, il a assuré que les FAMa joueront pleinement leur rôle pour que nos concitoyens puissent accomplir leur devoir civique dans la sérénité.
PRIORITÉ AUX COUCHES FRAGILES – La troisième vocation du gouvernement, à en croire le Premier ministre, est de servir le peuple malien. A cet effet, il a soutenu que le gouvernement déploiera tous les efforts nécessaires pour accélérer la mise en œuvre du Programme présidentiel d’urgences sociales dont l’exécution a déjà commencé. «Que ce soit dans le domaine de la santé, du désenclavement, de l’éducation ou de la fourniture d’eau et d’électricité, nous ferons en sorte que la prise en charge des besoins fondamentaux et pressants bénéficie en priorité aux couches fragiles et aux revenus modestes», s’est-il engagé.
«Ainsi, dans le domaine de l’électricité et de l’eau, a détaillé le Premier ministre, le gouvernement se focalisera sur l’accélération de la finition des projets en chantier et la prise de mesures pour assurer la fourniture régulière d’électricité sur tout le réseau EDM, particulièrement pendant la période de pointe». Il a déclaré qu’une attention particulière sera prêtée à l’amélioration de la situation financière et de la gouvernance d’EDM. «Pour le réseau non connecté, 12 localités seront dotées de centrales hybrides pour un coût de 5.034.265.546 de Fcfa et 127 autres localités en système d’éclairage solaire pour un montant de 13,750 milliards de Fcfa», a-t-il annoncé.
Selon M. Maïga, en matière d’éducation, il s’agira d’améliorer l’accès à l’éducation, d’augmenter la qualité des enseignements/apprentissages et de renforcer la gouvernance dans le secteur de l’éducation et de la formation professionnelle. Dans le domaine de l’Enseignement supérieur, selon Soumeylou Boubèye Maïga, le gouvernement s’attachera à l’amélioration de l’environnement de la formation, notamment en améliorant la fonctionnalité de la Cité universitaire par l’élargissement de la voie d’accès, la construction d’une route secondaire en terre pour désengorger la route principale et réduire, voire supprimer, les risques d’accidents sur cette route. Et d’ajouter que le gouvernement accroîtra la disponibilité d’eau potable à la Cité pour y accueillir 4.080 étudiants en internat dès la rentrée prochaine.
De même, le Premier ministre a porté à la connaissance des députés que la nouvelle Ecole nationale d’administration sera dotée des équipements nécessaires à sa pleine fonctionnalité pour la rentrée universitaire 2018-2019. «Quant au projet de l’Université de Bandiagara, a-t-il assuré, il franchira un pas décisif vers sa concrétisation à travers le démarrage courant 2018 de ses études architecturales».
Dans sa DPG, le Premier ministre a mis en exergue le secteur de l’agriculture où il a annoncé que le gouvernement poursuivra l’exécution du Programme présidentiel d’Urgences sociales, à travers, notamment : l’équipement de 22.540 exploitations agricoles en matériels attelés (multiculteurs, charrues charrettes…), de 3.542 exploitations agricoles en matériels motorisés (tracteurs, motoculteurs, motopompes…) ; l’aménagement de 69.971 ha soit environ 70% des objectifs globaux du Programme de 100.000 ha ; la mise à la disposition des producteurs de 4.000 tonnes de semences céréalières et maraîchères ; la mise à la disposition des producteurs de 443.874 tonnes sur une prévision de 493.408 tonnes, soit 90% .
De même, toujours dans le domaine agricole, il ressort du document présenté par le chef du gouvernement que les perspectives de l’année 2018 en termes d’actions à entreprendre, s’articulent autour des principaux axes suivants : la poursuite de la politique de subventions des intrants agricoles ; la poursuite des aménagements dans le cadre des 100.000 ha fixés par le Programme présidentiel. S’y ajoutent la poursuite de la mise en place de 300 commissions foncières aux niveaux des villages et fractions et la poursuite de la mise en œuvre du Programme de mécanisation et de motorisation agricoles.
Dans le domaine de l’habitat, il sera procédé à la distribution très prochaine de plusieurs milliers de logements sociaux sur la base de critères objectifs et dans une transparence totale. «En matière d’infrastructures, a-t-il poursuivi, le gouvernement s’emploiera à achever les principaux chantiers en cours». Il s’agit notamment de l’échangeur de Ségou et de ses voies d’accès ainsi que de la route Koulikoro-Bamako. M. Maïga a souligné, concernant toujours les infrastructures, que le gouvernement, après l’acquisition et la mise en service de locomotives sur instruction du président de la République, prendra des mesures afin que ce matériel reste fonctionnel pour améliorer la mobilité des populations sur l’axe ferroviaire et contribuer ainsi à relancer la dynamique sociale et économique que suscite le rail dans les bassins de vie concernés.
Selon le Premier ministre, le gouvernement réitère son engagement à poursuivre les actions d’amélioration de la gouvernance publique, notamment la lutte contre la corruption et la délinquance financière. «A cet effet, a-t-il poursuivi, l’opérationnalisation de l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite sera accélérée».
Le chef du gouvernement a, dans ses propos, touché à d’autres domaines importants notamment la santé, l’élevage et la pêche, l’emploi des jeunes, le développement industriel, la coopération, la situation des Maliens établis à l’extérieur.
Soumeylou Boubèye Maïga a sollicité, au nom du gouvernement, la confiance et le soutien des élus de la Nation. «Les défis qu’aborde le gouvernement sont d’une importance et d’une complexité sans doute inédites. La manière dont l’équipe que je dirige relèvera les différents challenges aura une importance certainement décisive sur le devenir de notre Nation», a-t-il dit, prenant une profonde inspiration. Citant un proverbe chinois : «l’homme est le fils de l’obstacle», il a immédiatement ajouté que «notre Nation est, d’une certaine manière, la fille des obstacles victorieusement surmontés depuis cinquante-huit ans».
C’est aujourd’hui lundi qu’auront lieu à l’Hémicycle les débats sur la Déclaration de politique générale du Premier ministre.
Massa SIDIBÉ
Source: Essor